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«L’objectif ce n’est pas de faire une gigafactory, mais de faire des batteries», lance Benoît Lemaignan, le patron de Verkor

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Le patron du fabricant de cellules de batteries français Verkor, Benoît Lemaignan, affiche sa confiance sur la réussite de l’industrialisation dans une interview accordée à L’Usine Nouvelle à l’occasion de l’inauguration, jeudi 11 décembre, de sa gigafactory à Dunkerque (Nord).

Et de trois ! Après ACC et AESC, Verkor inaugure jeudi 11 décembre son premier site de production de cellules de batteries. Implantée à Bourbourg (Nord), près de Dunkerque, l’imposante usine de 100000 mètres carrés doit démarrer la production en début d’année 2026. Sa capacité initiale de 16 GWh a été réservée par un client : Renault, qui compte sur ses batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt) de haute performance pour équiper son Alpine A390 et sa nouvelle gamme d’utilitaires FlexiVan. À l’occasion de cet évènement, le cofondateur et directeur général de Verkor, Benoît Lemaignan, répond aux questions de L’Usine Nouvelle.

L’Usine Nouvelle – Vous inaugurez aujourd’hui votre gigafactory. C’est l’achèvement de plus de cinq ans de travail. Que ressentez-vous ?

Benoît Lemaignan – Beaucoup de reconnaissance pour les équipes de Verkor et tous nos partenaires. Mais aussi de la responsabilité : ça nous engage! L’objectif, ce n’est pas de faire une gigafactory, mais de faire des batteries, d’alimenter les voitures, de permettre ce chemin de la décarbonation et de la mobilité propre en Europe et en France, tout en ayant des emplois de qualité dans un territoire qui en a bien besoin. Il est utile de savoir célébrer cette étape et de reconnaître le chemin parcouru, mais ce n’est qu’une petite pause sur le chemin qui est devant nous de l’efficacité sur les coûts, la qualité, les délais.

On l’a vu avec certains de vos concurrents, lancer une fabrication de batteries à grande échelle est difficile. Qu’avez-vous appris de ceux qui ont défriché le terrain ?

L’industrialisation n’a rien d’une sinécure, mais ça n’est absolument pas une découverte pour nous. Nous avons des équipes internationales qui ont déjà démarré, suivant les personnes, 3, 4, 5, 10 gigafactories. Depuis deux ans, notre site pilote à Grenoble (Isère) produit d’une manière extrêmement régulière des batteries tous les jours, avec une équipe de locaux, européens et français, avec le soutien de certains experts. Cette ligne tourne bien et livre à Renault des cellules représentant quelques dizaines d’équivalents véhicules par semaine. À l’image de certains très grands acteurs, je pense à CATL par exemple, il est très important de commencer par un client, un produit, une usine.

On a évidemment beaucoup appris à Grenoble, avec humilité et en reconnaissant que c’est un métier nouveau et difficile. On a des expertises qui nous permettent d’envisager la suite, non pas avec sérénité, mais en tout cas avec confiance. Les premières semaines de démarrage des machines à Dunkerque sont tout à fait positives.

Le calendrier de début de production a été légèrement revu. Êtes-vous confiants dans votre capacité à livrer votre premier client, Renault, dans les temps ?

Oui. Un nombre significatif de voitures en 2026 seront équipées de nos batteries. En fin de premier semestre, nous livrerons depuis Dunkerque les premiers volumes à notre client. En pratique, il y a dans cette industrie toujours un temps de validation des équipements et du produit. On l’a vu chez ACC, AESC, Northvolt… Nous sommes déterminés, mais réalistes. C’est une industrie nouvelle, qui prend du temps. Le “ramp-up” (la montée en cadence, ndlr) se fera surtout sur la fin de l’année 2026, 2027, 2028 et les années suivantes. C’est une industrie nouvelle, qui prend du temps.

Une centaine de salariés coréens des fabricants de machines qui ont fourni l’usine sont actuellement sur place pour finaliser l’installation des équipements. Est-ce que ce sera suffisant ou, comme ACC, vous pensez que le recours à une équipe d’experts asiatiques sera nécessaire ?

Effectivement, nos fournisseurs, majoritairement coréens, nous installent des équipements. C’est leur responsabilité contractuelle jusqu’à ce qu’on appelle la réception en usine. Je ne pense pas que nous ayons besoin qu’une équipe vienne massivement prendre la main sur l’usine. En tout cas, ce n’est pas du tout notre projet. Parce que quelque part, faire ça limite de facto le gain en expérience et en expertise interne, qui est indispensable.

En ce sens là, nous sommes très inspirés de ce qu’a fait Panasonic avec Tesla. Panasonic a accompagné le démarrage, mais désormais ce sont les Américains qui font tourner la ligne. Nous en avons d’ailleurs quelques-uns chez nous. Nous avons beaucoup d’experts internationaux : des Coréens, des Japonais, quelques Chinois, des Américains, qui amènent leur expertise mais travaillent main dans la main, véritablement en équipe avec les équipes locales. Ce mélange fonctionne vraiment bien.

Un Verkor seul est-il un Verkor puissant ou une entreprise naissante qui va devoir collaborer à l’avenir sur des technologies comme le LFP pour rester compétitif ?

Il est clair aujourd’hui que le LFP est une alternative au NMC. Techniquement, ce n’est pas très compliqué à faire. Nous en sommes capables potentiellement dans notre usine, mais ce n’est pas la volonté à très court terme. Ce qu’on regarde, c’est les bons compromis, coûts, qualité, délais pour nos clients. Nous explorons des solutions d’expansion de notre activité. Nous promouvons la collaboration à l’intérieur de la filière, avec Renault et certains de ses fournisseurs, mais également au niveau mondial. On voit dans ce cadre-là, effectivement, certains acteurs asiatiques, chinois, japonais, nous solliciter pour regarder si, en s’alliant d’une manière ou d’une autre, nous serions plus efficaces pour venir mieux servir les clients. Ce sont des discussions et des points que nous étudions de manière ouverte à ce stade.

Dans un premier temps, l’activité doit créer 1200 emplois directs. Faites-vous face à des difficultés de recrutement ? Est-ce que ça peut être un autre facteur qui complique la montée en puissance de l’usine ?

Non. Pour le démarrage de nos lignes 1 et 2 dans les mois qui viennent, l’équipe est en place. Le bassin d’emploi dunkerquois nous a permis jusqu’ici de trouver des compétences pour les conducteurs de ligne, les opérateurs. Ce qui est peut-être le plus difficile, c’est de trouver des techniciens de maintenance. Ce sont des profils techniques qui, malheureusement, en France – et presque en Europe – sont compliqués à dénicher. Mais nous avons une équipe qui est maintenant en place. Je ne dis pas qu’une fois que les EPR vont démarrer à Gravelines (Nord) et si nous démarrions dans quelques années une deuxième usine, ce sera exactement aussi facile…



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