
Dans une ordonnance de règlement de la Cour des comptes dévoilée par le journal Le Monde, l’institution financière détaille les dysfonctionnements ayant mené à la faillite de ce projet lancé en 2015 par le ministère de l’intérieur. Un fiasco qui a signifié une “perte de temps” importante pour les enquêteurs.
257 millions d’euros en dix ans. C’est ce qu’a coûté l’échec d’un projet de programme informatique de rédaction de procédures pénales pour la police nationale, d’après une ordonnance de règlement de la Cour des comptes. Rendu le 16 octobre et dévoilé par le quotidien Le Monde mardi 2 décembrece document de 500 pages détaille les nombreux et importants dysfonctionnements qui ont mené à cette absence de résultat depuis 2015 et le lancement par le ministère de l’intérieur de ce projet baptisé Scribe.
Un logiciel inutilisable
Dix ans plus tard, ce logiciel est toujours inadapté aux réalités des fonctionnaires de police. En effet, il leur faut pas moins de 17 clics pour enregistrer un fichier au format PDF, note la Cour des comptes, qui a consulté de nombreux professionnels de la police nationale, et notamment des syndicats, en vue de la rédaction de cette ordonnance. Ils dénoncent notamment l’impossibilité d’enregistrer des fichiers supérieurs à 5 mégaoctets.
Ou, “une simple photo peut avoir une taille supérieure”reconnaît l’actuel directeur du programme Scribe, rebaptisé XPN en 2022, ce qui nécessite pour l’ajouter d’en dégrader sa qualité, ce qui la rend bien souvent “inexploitable par les magistrats”. En somme, les fonctionnaires fustigent “un manque d’ergonomie », des “insuffisances, des ”défaillances », lesquelles pouvaient entraîner “une perte de temps pour les enquêteurs” estimée entre 30 et 45 minutes par jour par certains syndicats, rapporte l’ordonnance.
Du “temps perdu” pour les enquêteurs
Face à ce constat, les conclusions de la Cour des comptes sont sans appel. Dès le départ, le contenu de ce projet visant à remplacer l’ancien logiciel de rédaction des procédures pénales de la police nationale (LRPPN) et à créer un outil commun à la police et à la gendarmerie (celle-ci s’en est désolidarisée en novembre 2016) est “mal défini”d’après l’ordonnance. La magistrate à l’origine de cette dernière pointe aussi du doigt “une gouvernance éclatée ayant conduit à la dilution des responsabilités”.
Dans le reste des griefs, elle mentionne aussi “des irrégularités comptables significatives” et évoque l’attribution d’un marché public d’assistance au prestataire Capgemini, qui a notamment choisi l’architecture technique du logiciel. Autant d’éléments qui, mis bout à bout, ont engendré des retards et des défauts dont le préjudice financier est particulièrement élevé. Dans les 257 millions d’euros calculés par la Cour des comptes, l’institution a intégré les coûts de développement et le “temps perdu par les enquêteurs”.
Six personnes mises en cause
Comme le note Le Mondel’ordonnance ayant mis en lumière cette “faute grave” met également en cause la responsabilité de six personnes ayant œuvré sur le projet Scribe : deux anciens directeurs généraux de la police nationale, et deux anciens secrétaires généraux du ministère de l’intérieur, un conseiller “technologies” de la police et un général de gendarmerie anciennement chef du Service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (STSISI).
C’est désormais à la chambre du contentieux de la Cour des comptes de se prononcer sur l’existence ou non d’infractions et sur d’éventuelles sanctions à infliger aux six personnes impliquées officiellement. Ces dernières ont la possibilité de contester leur mise en cause et pourront, si elles sont jugées par la chambre, faire appel.


