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pourquoi l’assouplissement des normes CO2 aux Etats-Unis ne règle pas tous les problèmes des constructeurs

Service Com'
Lu il y a 7 minutes



L’administration américaine propose de revoir à la baisse la trajectoire de décarbonation des véhicules adoptée à l’ère de Joe Biden, «ridiculement contraignante» et «coûteuse» pour les constructeurs automobiles. Stellantis, Ford et General Motors s’en félicitent, mais affrontent un marché mondial de plus en plus fracturé.

Les sourires étaient au rendez-vous à la Maison Blanche. Assis derrière son bureau, le président des États-Unis Donald Trump a ravi les industriels de l’automobile, debout derrière lui, en officialisant mercredi 3 décembre l’assouplissement des standards de consommation moyenne de carburant des véhicules, plus connus sous l’abréviation Cafe (corporate average fuel economy). Ces normes, dont une variante également décriée par les industriels est en vigueur en Europe, encadrent la décarbonation progressive du transport terrestre.

Selon la nouvelle proposition du ministère des Transports (NHTSA), qui doit officiellement être adoptée en 2026, les constructeurs automobiles devraient désormais atteindre en 2031 une moyenne d’utilisation de carburant de 34,5 miles par gallon (6,8 litres d’essence aux 100 kilomètres). Considérablement moins ambitieux que les règles en vigueur, qui exigent une moyenne de 50,4 miles par gallon (4,7 l / 100 km). La règle proposée reclasserait par ailleurs les crossovers et les petits SUV dans la catégorie des véhicules particuliers et non plus des camionnettes. Elle supprimerait aussi un programme d’échange de crédits entre constructeurs, pensé pour que les moins bons élèves puissent se conformer à la législation en payant des concurrents ayant vendu plus de véhicules propres que ce que demande la loi.

«Un pas de plus vers la mort du “Green New Scam”»

Affaiblir ces obligations pensées pour forcer les constructeurs à progressivement commercialiser des véhicules moins polluants «est un pas de plus vers la mort du “Green New Scam”», a lancé le président en référence au “Green New Deal”, symbole des politiques publiques pro-climat portées par les démocrates. «La mesure prise aujourd’hui permet de garantir que, même si les démocrates d’extrême gauche reviennent au pouvoir, les normes Cafe resteront raisonnables, afin que les constructeurs automobiles américains ne soient pas soumis à des normes irréalisables», écrit la Maison-Blanche dans un communiqué. L’administration américaine dénonce leur durcissement en 2024 sous Joe Biden, accusé d’avoir «transformé les normes Cafe en une obligation détournée favorisant les véhicules électriques».

La naissance des standards Cafe aux États-Unis date de 1975, avec l’objectif de réduire la dépendance au pétrole. Depuis, ces règles sont régulièrement renforcées. Elles obligent les constructeurs à proposer des véhicules plus efficients, mais également à se tourner vers de nouvelles technologies moins polluantes comme les motorisations hybrides et les batteries électriques. L’industrie automobile dénonce depuis plusieurs années ce qu’elle estime être une trajectoire de décarbonation trop rapide, notamment aux États-Unis où le véhicule électrique reste très minoritaire, avec une part de marché d’environ 8% en 2024.

1000 dollars de surcoût par véhicule pour le consommateur

«Pour respecter les exigences réglementaires [de la précédente administration], il aurait fallu investir massivement dans la conception de nouveaux groupes motopropulseurs, dans des matériaux légers coûteux et dans l’élargissement considérable des gammes de véhicules électriques», dénonce encore le communiqué. Mercredi, Donald Trump a dénoncé des restrictions «ridiculement contraignantes» et «coûteuses», «causant toutes sortes de problèmes aux constructeurs automobiles». En l’état, l’Administration républicaine chiffre leur surcoût moyen à 1000 dollars par véhicule pour le consommateur.

«Que cette norme tienne compte de la demande des clients est la bonne solution», a salué Jim Farley, le patron de Ford, accompagné d’Antonio Filosa, le patron de Stellantis, qui va investir 13 milliards de dollars dans le pays. Le dirigeant de Ford a assuré au président que cette bonne nouvelle lui permettrait d’investir davantage aux États-Unis pour y fabriquer des véhicules abordables. Le prix moyen des voitures neuves a dépassé les 50000 dollars pour la première fois en septembre, sur un marché où les pickups et leurs marges très attractives sont rois.

Investissements tous azimuts

Si les constructeurs saluent une victoire, ces décisions compliquent sur le long terme la décarbonation de leurs produits et pèsent sur leur santé financière. Si les pickups à essence restent leur vache à lait, les industriels ont investi massivement ces dernières années dans de nouvelles usines d’assemblage, des gigafactories de batteries et des bases techniques dédiées aux groupes motopropulseurs électriques… qui restent largement inutilisées.

Au troisième trimestre, General Motors a accusé une charge exceptionnelle de 1,6 milliard de dollars dans le cadre de la refonte de sa stratégie en matière de véhicules électriques. Par manque de volumes, Ford accuse, chaque année, plusieurs milliards de dollars de pertes sur la production et la commercialisation de son SUV électrique Mustang Mach-E.

Régionalisation des marchés

En parallèle, et malgré des normes Cafe plus souples, les constructeurs doivent continuer d’investir en recherche et développement pour améliorer la performance de leurs moteurs thermiques et développer des technologies hybrides moins polluantes. Sur le plan stratégique, cela complexifie leur portfolio de produits dont la composition varie selon les plaques territoriales et a récemment été fragilisée par une hausse des droits de douane.

Dès lors, «existe-t-il encore un modèle économique pour les constructeurs automobiles mondiaux tels que nous les connaissons ?», s’interroge Patrick Hummel, analyste pour la banque d’investissement UBS, citant l’exemple de Stellantis, fondé en 2021 grâce à la fusion de Fiat Chrysler et PSA Peugeot Citroën. L’idée était simple : atteindre une taille critique et standardiser les produits. Est-ce encore possible de dégager des synergies ? «Nous assistons à une divergence des marchés qui crée des points de friction pour les entreprises», ajoute-t-il.

Antonio Filosa, à la tête du groupe franco-italo-américain depuis juin, confirme constater «une forte vague de régionalisation dans l’industrie automobile». Comment adaptera-t-il son ingénierie à cette nouvelle donne ? Réponse au second trimestre 2026, lors de la présentation de son très attendu plan stratégique, qui interviendra quelques semaines après la présentation par la Commission européenne de son «paquet automobile».



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