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« Toute la filière des énergies marines renouvelables est en phase d’apprentissage », constate Romain Charraudeau de l’Ifremer

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Lu il y a 6 minutes



L’Ifremer se positionne comme le spécialiste français de la recherche sur l’exploitation océanique. Concernant les énergies marines renouvelables (EMR), quelles filières suivez-vous, et en quoi consistent vos projets de recherche correspondants ?

Le premier sujet, c’est l’hydrolien. Au sein de Verti-Lab, notre laboratoire commun avec la société HydroQuest, nous travaillons au bon dimensionnement des structures hydroliennes par rapport aux courants marins qu’elles vont rencontrer. Car surdimensionner des hydroliennes peut les protéger de la casse, mais cela coûte une fortune ! Il s’agit aussi d’évaluer comment ces systèmes évoluent dans le temps, comment opérer leur maintenance… Nous observons par ailleurs les différents impacts environnementaux, avec l’emprise au sol des installations ou la modification des courants engendrés. L’Ifremer apporte ses connaissances sur les interfaces entre l’océan et ce type de structures. Il faut bien comprendre que ce sont des problématiques nouvelles, il y a beaucoup à apprendre et peu de retours d’expérience disponibles, car peu de systèmes hydroliens sont aujourd’hui installés.

L’Ifremer s’intéresse également à la filière houlomotrice. Nous avons collaboré avec GEPS Techno, la seule société au monde ayant réussi à être rentable dans ce secteur. Elle vend des systèmes ne produisant pas d’énergie pour le réseau : elle a conçu des bouées permettant de récupérer l’énergie des houles pour alimenter des systèmes locaux de mesures en mer. À terme, elle vise la production énergétique pour des îles et des archipels, mais elle s’est vite rendu compte que le chemin allait être long. Enfin, nous travaillons toujours sur l’éolien. Un projet devrait être lancé à la f in de l’année, sur un système combiné à un dirigeable. Il y a encore de la R&D autour des technologies éoliennes.

Malgré plusieurs décennies de R&D, l’éolien flottant peine à voir le jour en France. Quels sont les principaux objectifs en matière de R&D pour réduire les coûts de cette filière ?

Les opérations d’installation représentent l’un des coûts les plus importants de l’éolien flottant. Une problématique que nous n’avions pas forcément en tête lors du lancement de la recherche sur ces sujets-là. Nous souhaitons installer en merdes champs entiers d’éoliennes flottantes, nécessitant des kilomètres de câbles, bien plus que pour de l’éolien posé, proche des côtes. Les câbles coûtent très cher. La maintenance aussi. Sans oublier l’ancrage des stations flottantes, qui constitue un gros sujet d’étude. À la fois pour réduire son coût et pour étudier l’impact des cordages sur l’environnement local.

Il y a quelques années, ces technologies étaient un peu l’eldorado des investisseurs.Mais toutes n’ont pas encore atteint une maturité suffisante, et peu de projets ont connu des succès forts. Cela a pu déstabiliser le marché.

—  Romain Charraudeau

Cela étant dit, l’éolien flottant ne représente pas le même productible [quantité d’énergie pouvant être produite, ndlr] que l’éolien terrestre ou posé en mer: la fenêtre d’utilisation n’est pas la même, les turbines sont plus grandes. Nous sommes entrain d’apprendre. La R&D s’effectue au fur et à mesure. Il y a plein de situations que nous n’avions pas imaginées au départ, plein de difficultés [comme le câblage et l’ancrage, ndlr] auxquelles nous n’avions pas pensé et que nous rencontrons désormais dans les projets. Toute la filière des énergies marines renouvelables est en phase d’apprentissage.

En France, l’instabilité politique pèse sur la planification énergétique. Aux États-Unis, Donald Trump a ordonné l’arrêt des travaux d’un parc offshore de 700 MW. Dans ce contexte, comment envisagez-vous la trajectoire des EMR ?

Effectivement, la période actuelle est compliquée, notamment avec les récentes décisions des États-Unis qui cassent une bonne dynamique globale. Mais il y a d’autres régions dans le monde où les investissements sont massifs en Europe, mais aussi en Asie. Globalement, le développement des EMR a toujours connu des fluctuations, avec des accélérations et des ralentissements. Après les débuts de l’éolien posé en mer et les premiers projets flottants qui ont suivi, de nouvelles technologies ont fait surface : le houlomoteur, l’hydrolien, l’osmotique. .. Ces technologies dépendent aujourd’hui de quelques projets et sont arrivées au stade de démonstrateurs, avec des niveaux de maturité différents. Il y a quelques années, elles étaient un peu l’eldorado des investisseurs. Mais toutes n’ont pas encore atteint la maturité suffisante pour être commercialisées, et peu de projets ont connu des succès forts. Cela a pu déstabiliser le marché.

Ces fluctuations sont aussi politiques : nous sommes en pleine incertitude vis-à-vis de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3), qui n’a toujours pas été publiée. Cela ne permet pas un déploiement serein des EMR. Et c’est très compliqué pour les entreprises et pour un secteur encore assez jeune.



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