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dans les coulisses du démarrage de la ligne à 500 millions d’euros pour faire de l’acier pour moteur électrique près de Dunkerque

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Lu il y a 8 minutes



ArcelorMittal a dévoilé, mardi 2 décembre, ses nouvelles lignes géantes de production d’acier pour moteurs électriques à Mardyck, près de Dunkerque (Nord), dont la production commerciale doit démarrer en 2025. Initialement annoncé pour 2024, le projet ne sera totalement opérationnel qu’en 2027 pour un investissement réévalué à 500 millions d’euros.

Dans la vaste halle au sol encore inégal, une petite pancarte coincée au mur, entre deux bouches d’aération, affiche encore les mots «Usinor Packaging». Un vestige du passé de cette usine ArcelorMittal née en 1973 à Mardyck (Nord), à quelques kilomètres de Dunkerque, qui a mis un terme à cette activité en 2006. «Il y avait une ligne d’étamage. Nous avons commencé par la démolition des anciennes installations pour réhabiliter l’espace, dont il a fallu agrandir la taille», raconte la cheffe du département acier électrique dans l’usine, Gaëlle Le Papillon, en enjoignant les visiteurs – conviés mardi 2 décembre à l’occasion d’une conférence de presse – à faire attention dans le site encore en chantier. D’ici à 2027, les nouvelles installations devraient représenter 200 emplois supplémentaires sur le site (175 personnes ont déjà été recrutées). Elle occupera environ un tiers de l’usine, qui emploie 450 personnes, notamment pour la galvanisation de bobines d’acier à destination du marché automobile.

155000 tonnes d’acier pour moteur électrique

Avec une facture affichée à 500 millions d’euros, l’investissement est conséquent. Celle-ci pourrait même s’alourdir, alors que le groupe parlait, il y a peu, de 600 millions. «C’est le plus gros investissement d’ArcelorMittal en Europe cette dernière décennie », insiste Bruno Ribo, alors qu’une proposition de loi visant à nationaliser une partie des actifs du groupe – sous le feu de critiques en raison du retard grandissant de ses investissements promis dans la décarbonation et un plan social en cours en France – a été adoptée le 27 novembre dernier, et doit désormais passer au Sénat, où son sort reste très incertain.

«Ce projet vise d’abord à accompagner le développement du marché de l’électromobilité», rappelle le directeur général d’ArcelorMittal France, Bruno Ribo. Le nouvel appareil de production est très semblable à celui l’usine du groupe à Saint-Chély-d’Apcher, déjà bien implantée sur cette niche dite de «l’acier électrique» en Lozère.

De quoi parle-t-on ? Ici, l’acier dit «électrique» désigne un alliage particulier, doté d’environ 3% de silicium, indispensable aux moteurs électriques, dans les voitures comme dans l’industrie et une foule d’autres applications (des moteurs de volets roulants aux turbines d’éoliennes). Utilisée sous forme de très fines tôles, découpées et empilées par des métallurgistes spécialisés comme le français R.Bourgeois ou l’italien Eurotranciatura, l’acier électrique est la carcasse dans laquelle viennent se loger aimants permanents et bobinages de cuivre qui impulsent le mouvement.

A terme, le sidérurgiste prévoit de produire 155000 tonnes de bobines d’acier pour moteur électrique à Mardyck. Cela représente l’équivalent d’environ 5 millions de moteurs de véhicules à batteries, selon les calculs de L’Usine Nouvelle. Au total, ArcelorMittal produira alors 290000 tonnes d’acier électrique par an en France.

Usine ultra-automatisée

«Il faut des lignes spécifiques car ce sont des épaisseurs très fines, du niveau d’une feuille de papier [de 0,20 à 0,35mm, ndlr], et qu’un moteur tourne très vite et pose d’importantes contraintes mécaniques. C’est un travail de finition, de haute technicité et à haute valeur ajoutée pour lequel nous faisons appel à beaucoup de digitalisation et d’automatisation très avancée», décrit Hugues Baudin, pilote du projet acier électrique qui supervise la construction de l’usine. Dans l’usine, les lignes flambant neuves, une multitude de cockpits de supervision et véhicules à guidage automatique pour transporter les bobines, témoignent de ces efforts.

Reste que le projet, annoncé en 2022 pour 300 millions d’euros, accuse à la fois un gros surcoût et du retard. Sur les cinq lignes nécessaires pour produire de l’acier électrique, seule trois doivent débuter leur production avant la fin de l’année 2025. La première viendra préparer les bobines, qui peuvent courir sur 5 kilomètres pour 1,8 tonne de matière, en les déroulant pour les aérer et vérifier l’absence de défaut. La deuxième, de 400 mètres de long, assure le recuit du métal via un four électrique fourni par l’allemand Tenova (qui fonctionne à 1000°C dans une atmosphère d’hydrogène pour optimiser la structure de l’acier) avant de l’enduire d’une fine couche de vernis via un passage par une tour de 87 mètres de haut, construite pour l’occasion «pour optimiser le rendu du procédé, cela fait partie de notre savoir-faire», se borne à préciser l’ingénieur. La dernière ligne, toujours très automatisée, déroule à nouveau les bobines et les fend dans le sens de la longueur selon les besoins des clients.

Mais les deux lignes manquantes, celles qui interviendront en premier dans le procédé final – pour écrouter les bobines laminées à chaud en sortie d’aciérie, puis les laminer afin d’atteindre la finesse souhaitée – ne seront opérationnelles que mi-2027. Le projet initial prévoyait un démarrage de la production entre 2024 et 2027.

Concurrence des importations

Pourquoi ce contretemps, critiqué par les syndicats? «Nos estimations de 2022 se basaient sur des études de pré-faisabilité, qui n’étaient pas suffisamment entrées dans les détails d’ingénierie et nous ont amené à sous-estimer la complexité de la réutilisation des bâtiments industriels», justifie Bruno Ribo. Les nouveaux besoins des constructeurs automobiles, qui demandent des feuilles toujours plus minces pour optimiser les performances de leurs moteurs, expliquent aussi la légère baisse de tonnage par rapport aux premières annonces, «alors que la surface produite est la même», continue le directeur général d’ArcelorMittal France.

En attendant 2027, l’usine de Mardyck sera fournie par deux usines plus lointaines pour débuter sa production. L’une en Allemagne et l’autre en France. Elle produira surtout de l’acier électrique pour moteurs industriels, un peu moins exigeant. Mais «l’acier lui-même est déjà produit et laminé à chaud à Dunkerque», précise Gaëlle Le Papillon en assurant que 100% de l’acier transformé à Mardyck proviendra toujours de l’aciérie voisine.

Il faudra aussi trouver des clients, dans un contexte de concurrence forte. D’autres grands producteurs européens d’acier électrique existent, comme l’allemand Thyssenkrupp (très actif outre-Rhin, et dont l’usine française d’Isbergue, dans le Pas-de-Calais, produit de l’acier électrique d’un type un peu différent, utilisé dans les transformateurs électriques) ou l’autrichien Voestalpine. Mais la compétition vient aussi de plus loin, notamment d’Asie où l’on trouve les géants chinois Baowu et Ansteel, le japonais Nippon Steel ou le sud-coréen Posco. «Le niveau des importations extra-européennes est énorme : autour de 40%», chiffre Bruno Ribo en rappelant qu’ArcelorMittal souhaite une adoption rapide, «dès le début 2026» du plan présenté par la Commission européenne en novembre pour renforcer les barrières douanières sur l’acier.



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