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«Favoriser la santé mentale des salariés rend les entreprises plus performantes», estime Caroline Poissonnier, dirigeante de Baudelet

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Lu il y a 8 minutes



Caroline Poissonnier, co-directrice générale du Groupe Baudelet, entreprise familiale du traitement des déchets, estime que son engagement en faveur du bien-être de ses salariés renforce leur engagement.

L’Usine Nouvelle – Baudelet est une des quelque 170 entreprises à avoir signé la charte «pour la santé mentale au travail» portée par l’Alliance pour la santé mentale. Pourquoi cet intérêt pour le sujet ?

Caroline Poissonnier, co-directrice générale du Groupe Baudelet – Tout est parti d’un constat personnel. J’ai remarqué que quand ma santé mentale vacillait, ce qui m’est arrivé quelque temps après la reprise de l’entreprise par mon frère et moi, j’étais moins performante, moins flexible, moins agile. Ce qui vaut pour moi vaut pour les collaborateurs.

On oppose trop souvent deux mondes, celui de l’ambition et de la performance d’un côté, de l’équilibre et du bien-être de l’autre. Or on peut réussir à les concilier. Si une entreprise tire trop sur la corde, à la recherche de performance, la corde craque et personne n’est satisfait, ni le collaborateur, ni l’entreprise. Trouver le bon équilibre est une clé de la performance. Se préoccuper de santé mentale est aussi une source d’engagement. En cas de coup dur pour l’entreprise, les collaborateurs sont là, ils rendent ce qu’on leur a donné. C’est une source de fidélisation, également. Quand un collaborateur se sent bien, qu’il trouve du sens à ce qu’il fait, qu’on exploite bien ses compétences, il n’a pas de raison de partir. Favoriser la santé mentale des salariés, donc l’engagement et la fidélisation, rend les entreprises plus performantes.

Vous arrivez à le mesurer ?

Les bienfaits sont immatériels et difficiles à chiffrer en euros ! Nous réfléchissons à des indicateurs… Cette politique a un effet sur l’absentéisme, le taux d’arrêts maladie de longue durée. Elle se ressent également dans les enquêtes portant sur l’engagement des collaborateurs. Nous avons commencé notre approche en faveur de la santé mentale il y a un an et demi, le taux d’engagement a été meilleur cette année que l’année précédente.

Que proposez-vous pour améliorer la santé mentale de vos collaborateurs ?

Toute la strate managériale, 150 personnes sur les 900 du groupe, a suivi des formations sur la connaissance de soi et des autres. Ces managers ont acquis des notions de respiration, de gestion du stress et des émotions. Une des clés de la santé mentale, c’est être maître de ses émotions, savoir les reconnaître et différer dans le temps sa réaction. C’est toujours quand on réagit à chaud que cela crée des situations problématiques. Or, quand sa santé mentale est fragile, on est incapable de prendre ce recul, l’irritabilité augmente, l’impatience aussi. Les managers, en apprenant à gérer leurs émotions, seront moins une source de stress pour leurs collaborateurs. De plus, en ayant appris à reconnaître les signaux faibles, un changement de comportement, une prise ou une perte de poids soudaine, ils pourront proposer leur aide.

Que peuvent-ils faire ?

Une entreprise n’est pas un psy ni une assistante sociale, mais elle peut aider un collaborateur à mettre des mots sur ce qui ne va pas. Nous sommes en train de mettre en place une ligne d’écoute gratuite, à laquelle répondent des psychologues, qui peuvent orienter le collaborateur vers des soutiens en fonction de ses besoins. Je suis convaincue que le travail est un élément positif dans la vie d’une personne. Mais parfois, le mal-être peut venir de l’organisation du travail, d’une mésentente avec un collègue ou un manager. L’entreprise peut, face à une situation ponctuelle, aménager ou réduire les horaires. Si c’est une difficulté avec un collègue ou un manager, elle peut changer la personne de service. Mais elle ne peut pas toujours apporter une réponse. Il vaut mieux, parfois, se quitter en bons termes et en passer par une rupture respectueuse. Je ne veux pas de collaborateurs qui se détruisent la santé.

Nous proposons aussi à tous nos collaborateurs les services d’une start-up tournée sur la prévention en matière de santé. Un questionnaire permet de faire un auto-diagnostic sur 12 éléments de la vie (santé physique, mentale, relationnelle, addictions…). En fonction des facteurs de risque identifiés, elle propose plus de 5000 défis.

Autre moyen de faire quelque chose pour la santé mentale : proposer aux collaborateurs de coconstruire la politique de l’entreprise. A deux reprises, nous avons organisé des journées collaboratives, au cours desquelles les collaborateurs étaient invités à donner leur avis sur plusieurs thématiques. Et depuis 5 ou 6 ans, nous leur proposons des cours de sport gratuits.

Pourquoi avoir créé LeaderKiff, un mouvement sur la santé mentale des dirigeants ?

Chez Baudelet, nous avons quatre branches d’activité : l’environnement, activité historique et principale, l’énergie, le commerce et le bien-être, avec des salles de sport, des restaurants, et LeaderKiff, une entreprise à part entière, de coaching. Elle propose aux dirigeants des ressources, des formations, tout un réseau d’experts en sommeil, alimentation, activité physique, pour les aider à faire face aux questions de santé mentale. Les chefs d’entreprise se mettent une très forte pression, pour avoir de bons résultats, réussir une croissance externe, se verser un salaire… Un tiers d’entre eux ressentent un stress quotidien, mais ils sont très peu à vouloir en parler ou à se faire accompagner par un psy. Se retrouver dans un cercle de dirigeants qui parlent le même langage leur permet plus facilement d’exposer leur vulnérabilité, de rompre leur isolement. Le lien social joue un rôle incroyable sur la santé mentale !

Et une fois sensibilisés, ils peuvent appliquer ce qu’ils ont appris dans leur entreprise…

J’ai créé le mouvement LeaderKiff pour que le dirigeant prenne conscience de ce qu’il peut faire pour sa propre santé mentale, mais qu’ensuite, en voyant les bénéfices qu’apporte le fait de prendre soin de soi – de sa santé, de son alimentation, de son sommeil – il enclenche ces approches dans son entreprise, pour que tous ses collaborateurs en bénéficient.

En matière de santé mentale, le vrai changement, dans une entreprise, ne peut être impulsé que par les dirigeants. Ce sont eux qui définissent la culture d’entreprise, qui allouent ou non des budgets aux formations, mettent en place des référents ou des cours de sport.

Ce que je fais chez Baudelet, ce ne sont que des petits pas et je ne dis surtout pas que mon entreprise est parfaite ! Mais si ce que j’impulse règle 60 à 70% des problèmes, c’est mieux que zéro.



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