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Comment les rayons solaires ont cloué au sol la moitié des Airbus A320

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Lu il y a 7 minutes


Fait inédit, Airbus a pris l’initiative de demander l’immobilisation au sol de la moitié de ses A320 dans le monde, soit 6000 appareils. En cause : un incident intervenu sur un avion de JetBlue, révélant une fragilité des commandes de vol liée aux radiations solaires. Une problématique de plus en plus critique en raison de la miniaturisation des composants électroniques.

Crise historique pour Airbus. L’avionneur européen a annoncé, vendredi 28 novembre, que la moitié de sa flotte mondiale d’A320, soit 6000 avions, requérait de toute urgence une mise à jour logicielle voire, pour certains, matérielle nécessitant de les immobiliser au sol entre quelques heures et plusieurs jours. Un fait inédit qui va avoir un impact sur le trafic aérien mondial dans les prochains jours, entre retards et annulations de vols. Il devrait être de courte durée mais pourrait coûter cher à l’industriel. En cause ? La sensibilité potentielle de ces avions à une menace venue de l’espace : le rayonnement solaire. Une problématique bien identifiée par les industriels, mais qui était jusque-là peu connue du grand public.

«C’est une mesure de précaution, explique un porte-parole d’Airbus à L’Usine Nouvelle. L’analyse d’un événement récent impliquant un A320 a révélé qu’un rayonnement solaire intense pouvait corrompre des données essentielles au fonctionnement des commandes de vol.» L’incident a eu lieu le 30 octobre dernier, lors d’un vol de JetBlue entre Cancun (Mexique) et Newark (New Jersey, Etats-Unis). «L’appareil a subi un événement de piqué non commandé et limité», décrit dans une note l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA). L’appareil avait dû se poser en urgence à Tampa, en Floride. De quoi provoquer le branle-bas de combat initié par Airbus.

Une problématique bien connue chez Airbus

Les radiations solaires auraient ainsi touché un calculateur critique de l’A320 de JetBlue dénommé ELAC («Elevator and Aileron Computer»), fourni par l’entreprise de hautes technologies Thales : il envoie des commandes aux gouvernes de profondeur et aux ailerons, qui font varier l’angle du nez de l’avion. «Il est en opération depuis mars 2001, assure-t-on chez Thales. Il a accumulé 50 millions d’heures de vol par an sur 10000 A320 et il est parfaitement conforme aux spécifications techniques émises par Airbus.» Et le groupe de glisser que le logiciel de ce calculateur en cause n’est pas développé par Thales mais par un sous-traitant.

«Les appareils concernés par la nécessité d’une mise à jour sont des avions anciens, pas des appareils qui viennent d’être livrés, souligne un porte-parole d’Airbus. Nous avons envoyé un message d’alerte à toutes les compagnies aériennes concernées.» Il n’y aurait que quelques centaines voire que quelques dizaines d’appareils qui seraient concernés par un changement de matériel, plus long à effectuer qu’une simple mise à jour logicielle, et non un millier comme cela a été annoncé dans un premier temps.

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Si l’immobilisation de milliers d’A320 en raison des risques que représentent les radiations venues de l’espace est inédite, cette problématique est pourtant connue de longue date dans l’industrie mais aussi au sein de l’avionneur. «La menace des rayonnements cosmiques est connue depuis plus de 40 ans déjà, rappelle un expert scientifique. Mais elle devient de plus en plus aiguë. D’abord en raison de la multiplication du nombre de composants électroniques mais aussi de leur miniaturisation, qui les rend plus sensibles aux effets des particules chargées capables de les traverser.» Au sein d’un satellite, on peut relever des dizaines voire des centaines d’événements par jour du fait des particules chargées.

Rendre les composants électroniques plus résistants

Depuis plusieurs années, cette problématique, jusque-là cantonnée au spatial, a ainsi commencer à toucher d’autres secteurs, en particulier l’aéronautique et l’automobile. Les composants électroniques peuvent être touchés par des vents solaires et des éruptions solaires, mais aussi plus globalement par le rayonnement cosmique, celui venu d’autres astres. «On retrouve dans ces radiations des ions lourds, des protons, des neutrons et des électrons à des niveaux énergétiques variés», détaille un spécialiste. Ces particules peuvent générer plusieurs effets, tels qu’un arrachage d’électrons provoquant un court-circuit avec un effet destructif, un changement d’état d’une jonction au niveau d’un transistor ou d’un bit d’information stocké dans un point mémoire, voire aussi une surtension au niveau d’un composant.

En 2003 déjà, des résultats faussés lors d’un vote électronique en Belgique avaient mis en évidence l’effet néfaste supposé d’un rayon cosmique. Bien sûr, la parade existe pour éviter que ce type d’événement se multiplie, mais elle a un coût. «On peut mettre en œuvre des correcteurs d’erreurs, souligne un expert. Il s’agit de systèmes mêlant hardware et software qui permettent de détecter un aléa logique et de le corriger aussitôt. La redondance des systèmes, telle qu’elle est déjà pratiquée dans le secteur aéronautique, est une autre façon de contrer cette menace.» Autre option : le durcissement des composants, qui consiste à les rendre plus robustes, via l’apport de matériaux ou d’architectures plus sophistiquées.

L’immobilisation des Airbus 320 s’ajoute à celle des centaines d’appareils cloués au sol en raison de problèmes au niveau de certains moteurs. De quoi entacher l’image de fiabilité des appareils d’Airbus, alors que c’est avant tout Boeing qui a dû faire face ces dernières années à une série de défaillances techniques et industrielles sur ces différents programmes.



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