
Dans le prolongement de sa feuille de route 3R publiée en 2023, la filière des produits laitiers frais lance de nombreuses initiatives, notamment dans le recyclage chimique du polystyrène et le réemploi des emballages.
Lors de sa deuxième matinée 3R, le 25 novembre 2025, le syndicat des produits laitiers frais Syndifrais a fait le point sur plusieurs avancées collectives et volontaires en matière d’emballages et d’économie circulaire qui répondent aux enjeux de sa feuille de route 3R – pour réduction, recyclage et réemploi – publiée en 2023. Avec un accent particulier sur l’entrée en service de la filière de recyclage des pots en polystyrène (PS) et une étude de préfiguration sur le réemploi. «Avec la création de la filière de recyclage des pots en PS, nous avons démontré notre capacité à agir collectivement dans l’intérêt général. Nous explorons désormais avec réalisme les opportunités du réemploi. Notre objectif est clair : construire un modèle commun, efficace et adapté à la filière», explique Patrick Falconnier, président de Syndifrais et, par ailleurs, directeur général d’Eurial ultrafrais.
Accélérer le recyclage
Le progrès majeur provient de l’entrée en service de l’usine Indaver de recyclage du PS à Anvers (Belgique) en août 2025. Elle traite désormais 80% des 7000 tonnes de pots de yaourt – et bientôt 10000 – collectés en France, avec un retour garanti au contact alimentaire. «Il y a cinq ans, le PS semblait condamné, faute de filière opérationnelle. Il y a encore un an, la question était de savoir si nous allions y arriver. Aujourd’hui, c’est : comment faisons-nous pour accélérer, parce que nous avons de la matière recyclée et des industriels prêts à l’utiliser», commente Muriel Casé, déléguée générale de Syndifrais. La réponse tient dans l’intensification de la collecte et la mobilisation du consommateur. C’est dans cet esprit qu’a été initiée la campagne #TriTonPot, avec plus de 500 millions d’opercules porteurs de messages d’incitation au tri, et une deuxième vague prévue en 2026. «Elle a permis un gain significatif de 4 points : 76% des Français déclaraient trier correctement leurs pots en octobre 2025, contre 72% neuf mois plus tôt», observe Florian Trohay, directeur adjoint de la durabilité de Sodiaal. D’ajouter : «Désormais, nous disposons de toutes les pièces du puzzle : une filière de recyclage et la définition des critères de recyclabilité au niveau européen. Il reste à capter les volumes pour atteindre l’objectif fixé par le règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages PPWR sur le recyclage à l’échelle, en 2035.» «Cela ne nous affranchit pas de la question économique, puisque le PS recyclé double le coût de l’emballage et que le consommateur n’est pas prêt à le payer. Mais si nous ne réussissons pas le recyclage, nous aurons raté 70% de l’enjeu de la circularité», conclut Patrick Falconnier.
Evaluer le réemploi
Le réemploi constitue l’autre chantier important de cette industrie. «Probablement celui qui nous sort le plus de notre zone de confort», selon Jérôme Marchal, responsable développement emballages chez Eurial UF. Syndifrais a remis à l’Agence de la transition écologique (Ademe), en octobre 2025, une étude de préfiguration du modèle de réemploi des emballages dans la filière. Sophie Lanternier, directrice des opérations du cabinet (Re)Set, qui a coordonné l’étude, rappelle que cela porte sur «un produit essentiel du quotidien qui doit rester accessible au plus grand nombre». Après évaluation des différentes options selon leur faisabilité technique, sanitaire, économique et environnementale, trois solutions ont été retenues pour un approfondissement collectif. «Chacune d’entre elles a été hiérarchisée selon sa maturité, sa faisabilité et son potentiel de développement collectif», expose Sophie Lanternier. Il s’agit d’un pot en plastique – en polypropylène pour le moment – de 500 g, pour les yaourts brassés, les fromages frais, les crèmes fraîches et les yaourts aux fruits ; d’un seau en plastique de 5 à 10 l, déjà utilisé en restauration hors domicile, mais qui exige des modifications, pour les crèmes fraîches et fromages frais ; et d’une caisse de transport, en plastique aussi, plus rigide que celle en carton et autoportante, qui présente un fort potentiel de déploiement en logistique professionnelle. Pour le pot, une première expérimentation est en cours dans le nord-est de la France à l’initiative du consortium R3Pack.
Cependant, le sondage réalisé par Syndifrais en 2024 sur la perception du réemploi par le consommateur mettait en évidence des freins majeurs, entre autres des inquiétudes sanitaires, les contraintes de stockage des emballages vides, le prix de la consigne et le poids des habitudes de consommation et, par suite, son acceptabilité. Ici, l’analyse comportementale se révèle donc décisive pour accompagner la transition vers des pratiques plus durables. Sollicité le sujet, le sociologue Stéphane La Branche, coordinateur scientifique du Groupement international d’experts sur les changements de comportement (Gieco), estime que «le cerveau est paresseux» et que «l’argument écologique n’intéresse que les convaincus». Aussi conseille-t-il de «simplifier les choses au maximum» pour «alléger la charge mentale».
Faire adhérer le consommateur
Au-delà de ces initiatives, les entreprises du secteur poursuivent leur travail d’écoconception des emballages. Par exemple, Triballat a progressivement remplacé les assembleurs en plastique de ses packs de faisselle par des clusters en carton. De son côté, Lactalis Nestlé ultrafrais (LNUF) a supprimé plusieurs cartonnettes et banderoles en papier. Mais «il y a des limites techniques à ces opérations, liées à la protection du produit, à sa qualité sanitaire, ou à la sécurité de la logistique», signale Céline Doux, directrice qualité, développement et RSE chez LNUF. «Les codes du marché sont également essentiels, relève Laurent Collot, responsable du développement des emballages et de la chaîne graphique chez Triballat. Or, parfois, certaines transformations ne perturbent pas le consommateur si elles sont réalisées collectivement, tandis que, pour une entreprise seule, cela peut être compliqué.» Dans ce domaine, comme pour le réemploi, «faire adhérer le consommateur reste un vrai défi !», souligne Céline Doux.


