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Au Mans, Renault convoque l’IA, le laser et la robotique pour parfaire la production de ses châssis automobiles

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Lu il y a 9 minutes


Renault Group, le 20 novembre dernier, a invité la rédaction d’Industrie & Technologies à visiter son usine implantée au Mans, rarement ouverte à la presse. À la fois pôle d’ingénierie et pôle de production, le site sarthois est spécialiste du châssis, reliant le véhicule à la route. Une expertise que l’industriel automobile veut sans cesse améliorer avec l’appui de nouveaux moyens techniques.

« L’excellence châssis ». L’expression est souvent clamée tandis que la presse, conviée par Renault Group le 20 novembre à l’occasion de la semaine de l’industrie, parcoure l’immense site du Mans. C’est dans cette usine de 69 hectares, en service depuis 1920, que 1800 employés du constructeur automobile conçoivent et fabriquent cette structure mécanique invisible mais essentielle. Composé du train avant et du train arrière, le châssis assure la liaison au sol du véhicule, son guidage ainsi que le ralentissement et le freinage.

Un showroom donne à voir diverses innovations qui ont régulièrement modernisé les éléments du châssis, comme les disques de frein ventilés apparus sur la R17 en 1979. Plus loin, le nouveau SUV Rafale bénéficie d’un amortissement piloté par une caméra avant, anticipant le passage des dos d’ânes. Signe que l’évolution technologique ne ralentit jamais, le site du Mans codéveloppe, avec d’autres centres techniques, le châssis « by wire » : les liaisons mécaniques sont remplacées par des contrôleurs électroniques, qui améliorent la sûreté de la conduite et la tenue de route.

Les belles idées ne valent cependant que si le chaînon industriel est à la hauteur pour les concrétiser. C’est le message que voulait transmettre Renault : au Mans, le pôle de production s’équipe régulièrement de nouveaux moyens techniques pour parfaire la qualité des produits, augmenter la productivité, réduire la pénibilité ou se conformer à de futures normes plus restrictives. Zoom sur trois d’entre eux.

Le laser, pour réduire l’émission de particules des disques de frein

Une imposante machine signée Sturm se dresse dans l’atelier. Elle abrite un laser de puissance dont l’ouvrage est exposé dans un présentoir, à proximité. On y aperçoit des disques de frein à la surface recouverte d’une couche d’accroche en inox puis d’une couche d’usure en carbure de titane.

« L’émission de particules due au freinage, provenant du disque en fonte lui-même et des plaquettes de frein, est divisée par quatre », affirme Stéphane Carval, expert process châssis. Le groupe automobile anticipe de cette manière les obligations de la nouvelle réglementation Euro 7, qui doit entrer en vigueur en 2027.

Le traitement laser EHLA expérimenté par Renault au Mans.Renault
Renault laser cladding Au Mans, Renault expérimente depuis 2024 une variante du rechargement laser (laser cladding) pour traiter la surface des disques de frein et réduire l’émission de particules fines.

En place depuis 2024, cet équipement a traité 3000 prototypes de disques. Il fait appel à la technique EHLA, sigle allemand qui désigne le dépôt de matière laser à extrêmement haute vitesse. Une invention de l’Institut Fraunhofer, datant de 2017. Il s’agit d’une évolution du dépôt de matière par laser (laser cladding ou rechargement laser), utilisé couramment pour protéger ou réparer des pièces métalliques.

Dans le cas du EHLA, la poudre à déposer est apportée par des buses au niveau de la sortie laser et fondue avant même d’arriver sur la pièce. La surface de celle-ci est protégée des plus hautes températures.

Stéphane Carval liste d’autres avantages : « On gagne en vitesse et on peut traiter des pièces circulaires ». Renault prévoit de s’équiper de 5 machines à l’horizon 2027. Son ambition de traiter 900000 disques par an pour équiper ses voitures les plus lourdes, qui freinent le plus intensément.

L’IA, pour repérer les anomalies sur les surfaces usinées

De grands robots polyarticulés orientent des pièces dans tous les sens pour les présenter aux yeux scrutateurs de 7 caméras. Une IA analyse alors les images pour repérer les défauts et distinguer ce qui est conforme de ce qui ne l’est pas.

Cette technique automatisée de contrôle santé matière, à l’essai depuis 6 mois au Mans, sera pleinement opérationnelle l’an prochain. Elle s’applique aux surfaces usinées des porte-fusées, qui relient la roue, la direction et le châssis pour assurer une fonction d’amortissement. Toute anomalie, qui peut prendre la forme d’une petite « bulle » apparaissant à la surface, est susceptible de compromettre les propriétés mécaniques du système.

L’inspection était autrefois manuelle, une opération « répétitive » et engendrant des « risques ergonomiques », selon Renault. L’IA a donc pris le relais. Le modèle a été entraîné à partir de milliers d’images de surfaces saines ou non. « Nous avons simulé en fabrication tous les défauts possibles d’une taille supérieure à 1 mm », précise Nicolas Hée, chef de service ingénierie, maintenance et digital.

Le contrôle santé matière des portes-fusées par IA, sur le site du Mans de Renault.Renault
Renault porte-fusée IA Pour le contrôle santé matière des porte-fusées, 52 photos sont acquises par pièce puis analysées par une IA capable de distinguer de petites anomalies.

L’analyse en inférence, réalisée dans le cloud, requiert l’acquisition de 52 photos par pièce. Elle concerne l’intégralité des porte-fusées usinées dans ce bâtiment de 25000 m2. Toute pièce suspecte est soumise au réexamen d’un opérateur en chair et en os.

L’IA est également expérimentée au Mans pour contrôler des cordons de soudure. « Mais la variété de défauts est inimaginable, admet Nicolas Hée. Tous les jours, il faudrait appeler des experts pour requalifier les pièces ou non. Ce processus n’est donc pas encore opérationnel à 100%. On le réserve à des cordons linéaires assez simples. »

La robotique et la vision stéréoscopique, pour dévraquer des pièces

Les trois bras robotiques réalisent une séquence d’actions presque hypnotique. Sans relâche, le premier vide un grand bac de pièces en vrac, en l’occurrence des bras inférieurs de suspension qui seront fixés au train avant d’une voiture. Le second prend la suite pour introduire les pièces, une à une, dans une machine de marquage. Puis intervient le troisième robot, qui se saisit de la pièce pour la suspendre à la suite des précédentes. L’ensemble est désormais aligné au cordeau, avant la mise en peinture.

Le dévracage automatisé sur le site Renault du Mans.Renault
Renault dévracage Le Mans Trois bras robotiques, équipés d’un système de vision stéréoscopique, sont chargés de dévraquer les bras de suspension, pour les marquer et les ranger avant la mise en peinture.

Ce système de dévracage met à contribution un duo classique pour le repérage : la vision stéréoscopique, qui donne des informations de profondeur, et un algorithme, qui compare les images à un modèle de référence en 3D. Si le premier robot se rate de temps à autre, relâchant une pièce qu’il n’a pas saisie correctement, les robots suivants patientent le temps que tout rendre dans l’ordre.

« Les deux enjeux étaient de supprimer la pénibilité et de gagner en flexibilité pour couvrir le maximum de gammes de véhicules », explique Eddy Collin, chef de département de fabrication. Le dévracage était autrefois une tâche manuelle qui finissait par peser sur les organismes – au sens littéral puisque ce type de pièce mécanique accuse plus de 2 kilos.

Selon Renault, cette ligne sert d’exemple pour le dévracage d’autres pièces, comme les essieux et les disques de frein. Le groupe automobile a l’intention de généraliser le dispositif dans toutes ses usines.



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