Zataz révèle l’existence d’un service clandestin qui fabrique de faux documents officiels pour le monde entier. Un système bien rôdé qui a doit quoi inquiéter.
Dans les recoins sombres du web, loin des radars officiels, prospèrent des activités illicites toujours plus audacieuses. Parmi elles, la vente de faux documents administratifs a pris une nouvelle ampleur, dopée par la professionnalisation des acteurs et la sophistication des moyens techniques. Zataz a mis en lumière un réseau baptisé « Service Schtroumpf » (Oui, oui, les petits personnages bleus de Peyo), actif depuis plus de cinq ans, qui propose sur un forum underground des prestations sur mesure : cartes d’identité, passeports, permis de conduire, diplômes ou encore documents bancaires falsifiés, pour la plupart des pays du globe. Ce service, à la fois cynique et bien organisé, interroge sur l’ampleur du phénomène et les moyens de le contrer.
Sous une façade faussement amicale et professionnelle, le « Service Schtroumpf » s’adresse à ses clients avec le ton d’une start-up dynamique. « Chers utilisateurs et lecteurs du forum, bienvenue sur notre service de rendu de documents ! » annonce-t-il fièrement en introduction de son message promotionnel. Le ton est posé, rassurant, presque commercial, comme s’il s’agissait d’une agence de design graphique. Pourtant, derrière cette vitrine léchée, se cache un commerce illégal, un blackmarket qui propose, en toute impunité, la fabrication de faux documents destinés à contourner les lois nationales et internationales.
Tout est pensé pour inspirer confiance : délais de réponse rapides (moins de dix minutes), assistance quasi permanente de 9h à 23h (heure de Moscou, bah oui, c’est des Russes), matériel d’impression de pointe pour un rendu « réaliste » des documents, et même un programme de fidélité avec remises et bonus. Le message est clair : ici, le client est roi. (SIC !).
Leur espace numérique regorge d’exemples de travaux réalisés. Il s’adresse à un public international, comme en témoignent les modèles disponibles pour la « majorité des pays« . Ce qui sous-entend une base de données colossale, incluant gabarits officiels, polices gouvernementales, signatures falsifiées… et l’imprimerie qui va avec !
« Nous ne connaissons pas le champ d’application des images graphiques« , précise le service dans ses conditions. « Toute responsabilité incombe entièrement au consommateur final. » En d’autres termes, l’équipe nie toute implication légale, se contentant de produire le matériel, peu importe l’usage. Un détournement stratégique du principe de responsabilité, qui n’est pas sans rappeler les arguments des fabricants d’outils de piratage informatique.
Autre point d’alerte : le fonctionnement en prépaiement intégral, ou via des « services de garantie reconnus« , probablement des systèmes d’escrow courants (des banquiers qui gardent l’argent le temps de la vente) dans les transactions sur le dark web — témoigne d’une organisation bien rodée. Le service affirme avoir sécurisé plus de 2 500 000 roubles (environ 25 000 euros) en dépôts de garantie, un montant considérable qui illustre la rentabilité de cette activité parallèle.
Pour les experts en cybersécurité, cette offre illustre l’évolution préoccupante du marché noir numérique. Ce qui autrefois se négociait dans l’ombre, à coup de contacts informels et de transactions douteuses, se structure désormais comme une véritable industrie. Avec ses horaires de travail, ses règles internes, ses « révisions actuelles de documents » et même une politique tarifaire soumise à l’urgence. Ce service pirate donne l’image d’une entreprise presque légitime.

Exemple de faux documents diffusés par… le Grand Schtroumpf.
Avec ses horaires, ses remises et sa communication professionnelle, le « Service Schtroumpf » brouille les lignes entre entreprise et criminalité organisée.
Les conséquences de telles activités sont multiples. D’abord pour les institutions étatiques, confrontées à une prolifération de faux documents d’une qualité telle qu’il devient difficile de les distinguer des originaux. Ensuite pour les systèmes de sécurité et de contrôle aux frontières, mis en défaut par des identités trafiquées. Enfin pour les citoyens eux-mêmes, qui risquent d’être victimes de fraudes ou d’usurpations identitaires facilitées par ces services.
Zataz, en révélant ces pratiques, s’appuie sur une veille constante des réseaux clandestins. Pour le Service veille de ZATAZ il ne s’agit pas d’une simple arnaque ou d’un vendeur amateur. C’est un écosystème criminel structuré, bien ancré, qui ne cesse de se perfectionner au fil des années. En d’autres termes, la menace est durable et résiliente.
Paradoxalement, ces réseaux profitent souvent des failles du droit international. Tant que l’infraction n’est pas commise sur un territoire donné, ou qu’elle reste dans une « zone grise » légale, il est difficile de poursuivre les responsables. L’anonymat offert par les réseaux chiffrés, les cryptomonnaies et les plateformes décentralisées renforcent encore cette impunité. Mais gardons espoir, à l’image de la force de frappe intellectuelle et déterminée du J3 du Parquet de Paris, qui enchaîne les actions contre les pirates comme des perles sur un collier taillé pour la fête des mères.
Les utilisateurs, quant à eux, ne sont pas seulement des criminels notoires. Certains cherchent à fuir un régime oppressif, d’autres à contourner des restrictions administratives abusives. Mais ces motivations ne sauraient justifier la banalisation de telles pratiques. Le risque de voir ces faux documents utilisés à des fins terroristes, de blanchiment d’argent ou de trafic d’êtres humains est bien réel.
Derrière l’essor de ces services, c’est toute l’infrastructure de la vérification d’identité qui vacille.
Le cas du Schtroumpf n’est pas isolé. D’autres groupes similaires opèrent sur des plateformes fermées, avec des services de plus en plus personnalisés : fausses fiches de paie, attestations de résidence, relevés bancaires ou documents scolaires. Certains vont jusqu’à proposer des « packages » complets d’identité, incluant justificatifs et historique numérique falsifié, pour une immersion totale dans une nouvelle identité.
L’inquiétude gagne aussi les entreprises, qui doivent désormais renforcer leurs processus de vérification de documents pour éviter de recruter, loger ou payer des individus sous de fausses identités. La fraude documentaire devient un risque systémique pour les ressources humaines, le secteur bancaire, les assurances, ou encore les plateformes de location. Il existe des moyens de protection, comme le watermark (filigrane numérique) ou autres sauvegardes et signatures numériques.
La lutte contre ce type de criminalité passera inévitablement par le renforcement des technologies de vérification biométrique, l’authentification via blockchain ou encore la généralisation des documents d’identité numériques infalsifiables. Mais ces solutions posent d’autres questions : protection des données, surveillance de masse, exclusion des publics les plus vulnérables.
Le « Service Schtroumpf » n’est qu’un maillon d’un écosystème global, plus vaste et plus dangereux qu’il n’y paraît. Si cette affaire éclaire une facette méconnue de la cybercriminalité, elle met aussi en évidence l’urgence d’un débat collectif. Faut-il repenser entièrement notre système d’identification à l’ère du numérique, quitte à bouleverser nos libertés individuelles ?
Vous voulez suivre les dernières actualités sur la cybersécurité ? Pour rester informé sur les enjeux de cybersécurité, abonnez-vous à la newsletter de ZATAZ. Rejoignez également notre groupe WhatsApp et nos réseaux sociaux pour accéder à des informations exclusives, des alertes en temps réel et des conseils pratiques pour protéger vos données.