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Immersion dans l’écosystème chinois de Renault, où a été conçue la nouvelle Twingo en 21 mois

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Lu il y a 8 minutes



Soucieux de rester compétitif face à la concurrence, le constructeur français a ouvert en 2023 une succursale à Shanghai pour s’inspirer des méthodes chinoises.

Renault ACDC (pour Advanced China development center), c’est son bébé. Philippe Brunet multiplie les allers-retours entre Paris et Shanghai depuis qu’il y a mis sur pied, en 2023, une antenne pour brancher le constructeur tricolore sur l’ultra-dynamique écosystème automobile chinois. Son nom, référence tant aux courants alternatif et direct à l’ère des watts qu’au bruyant groupe de hard rock australo-britannique, est le signe que les dirigeants du groupe ont été comme frappés par la foudre («Thunderstruck», chanteraient certains) en découvrant la rapidité d’exécution et d’innovation des acteurs locaux.

Les voitures du français ont beau être absentes des routes chinoises et sa coentreprise avec Dongfeng abandonnée depuis 2020, «c’est ici que tout se passe», lance le directeur des technologies du groupe, qui s’apprête à ouvrir une deuxième succursale à Hangzhou (ville de 12,5 millions d’habitants, à deux heures de route au sud-ouest de Shanghai). L’obsession de celui qui pilote l’ingénierie mondiale du constructeur : tenir le rythme de la concurrence et permettre à l’ingénierie française de concevoir ses produits deux fois plus rapidement que par le passé.

Pour convaincre ses équipes que c’est possible, Renault s’est lancé un défi : développer en deux ans une voiture électrique fabriquée en Europe (à Novo Mesto, en Slovénie), à la fois performante mais abordable (moins de 20000 euros), petite mais rentable : ce sera la nouvelle Twingo. «On va même y arriver en vingt et un mois», s’étonne presque Philippe Brunet. Car il sait mieux que personne que son entreprise marche sur une ligne de crête, tâchant de profiter de ce que la Chine a à offrir en termes de rapidité, de coûts et de technologies de pointe sans céder à la tentation d’y délocaliser son ingénierie et ses achats.

Une équipe de 160 personnes

«Moins les ingénieurs travaillent, moins vous dépensez d’argent», calcule simplement l’ingénieur en chef, pour qui la rapidité des constructeurs chinois n’est pas simplement liée au système 9-9-6 (travailler de 9 heures à 21 heures, six jours par semaine). S’approvisionner en Chine permet aussi de baisser les coûts de l’ensemble des véhicules. «Il ne s’agit pas d’innovation, mais d’amélioration des performances», assume Philippe Brunet, citant en exemples essuie-glaces et commodo de clignotant. Selon le constructeur, environ 5% de ses 20 milliards d’achats annuels sont réalisés en Chine. Ce chiffre ne devrait évoluer qu’à la marge à l’avenir. «Le but n’est pas du tout d’avoir uniquement des fournisseurs chinois. Ce serait une erreur. Nous sommes et resterons un constructeur axé sur l’Europe, insiste le dirigeant. Nous sommes ici pour apprendre et copier, c’est aussi simple que cela.»

Pour y parvenir, le groupe a embauché près de 150 personnes à Shanghai, auxquelles s’ajoute une dizaine d’expatriés français, dits «ingénieurs résidents». C’est cette équipe qui a développé la Twingo, en étroite relation avec une trentaine de fournisseurs triés sur la base de leur intimité avec des géants comme BYD et Tesla, notamment Shanghai Edrive (moteur), Lucky Harvest (pièces structurelles en métal) ou Jinzhong (garniture). La base technique de la voiture était la même que celle de la Renault 5, mais il a fallu l’adapter et développer de nouvelles pièces. Renault a par exemple fait appel au sous-traitant Launch Design pour dessiner la partie supérieure de la carrosserie et en développer certains composants.

Accélérer la prise de décisions

Mais attention aux raccourcis : la conception n’a pas simplement été déléguée, martèle-t-on chez Renault. «ACDC a eu un rôle de co-création. Il a fallu observer et travailler avec nos partenaires pour apprendre une nouvelle façon de concevoir, mais c’est notre équipe qui orchestrait l’ensemble des partenariats et faisait la synthèse des systèmes et composants du véhicule, s’occupait de la validation et de l’homologation», résume l’ingénieur en chef du projet, Jérémie Coiffier. Les leçons à en tirer sont multiples. Prendre des décisions plus vite est l’une des clés : cela passe par des échanges davantage en amont avec les sous-traitants. «Mais pour faire plus vite, il ne suffit pas de tout commencer plus tôt», commente Jérémie Coiffier.

Il faut également adapter les procédés de création en avançant sur plusieurs étapes en parallèle et non plus de manière séquencée. Un exemple concret : après que les contours d’un projet de voiture sont actés (on parle de gel du concept), la première étape pour l’ingénierie est d’en dessiner un prototype virtuel. Sans modifier ses outils numériques, Renault dit avoir réussi à gagner six mois sur cette phase, en acceptant de concevoir une base de prototype solide mais perfectible, selon la méthode de gestion des risques dite 80-20. «À ce moment du développement, vous n’avez pas besoin de réaliser une voiture parfaite, mais qui fonctionne. On peut améliorer certaines choses par la suite sans renoncer à la qualité finale», décrypte Jérémie Coiffier, conscient que cette méthode étrangère à l’Europe nécessite un changement d’état d’esprit. Ne reste plus qu’à embarquer les ingénieurs français.

Une ingénierie remaniée en janvier

Une énième réorganisation de l’ingénierie produits est en gestation chez Renault. Nommé directeur des technologies en septembre, Philippe Brunet souhaite adapter l’organigramme dès janvier et moderniser les méthodes de fonctionnement pour accélérer le rythme de développement des véhicules. « On cherche à simplifier », résume-t-il. Pour mettre ses 5 600 collaborateurs tricolores en « ordre de marche », 300 salariés répartis en huit groupes de travail tâchent de définir comment concevoir chaque nouveau véhicule en cent semaines environ. C’est le projet Leap 100. « Il faut que nous arrivions à entrer dans une logique de développement en deux ans de façon industrielle », lance Philippe Brunet, qui veut tirer les leçons du travail réalisé depuis 2023 par sa petite équipe à Shanghai. Il juge que la réussite du projet de nouvelle Twingo, conçue en vingt et un mois, permet de créer un « effet catalyseur pour que le reste de l’organisation prenne conscience qu’il est possible » d’aller plus vite. #

Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3749 – Décembre 2025

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