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Air France ose utiliser Starlink pour offrir un Wi-Fi gratuit et de meilleure qualité à ses passagers

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Lu il y a 8 minutes



Air France déploie avec succès depuis le début de l’année une nouvelle solution de connectivité par satellite dans ses avions. Mais le choix de l’opérateur américain Starlink suscite des critiques irréfléchies d’une partie du monde politique. Explications.

Air France s’est retrouvé ce week-end au cœur d’un étrange émoi sur les réseaux sociaux, parallèlement (et sans rapport avec) la frayeur liée au re-routage du vol Paris-Ajaccio suite à un moteur défectueux. En cause : ce message sur le réseau social X (ex-Twitter) où la compagnie aérienne française se félicite d’avoir déjà équipé 30% de sa flotte de sa nouvelle solution de Wi-Fi “très haut débit”, précisant que l’ensemble de ses avions en seront dotés d’ici fin 2026.

Cette solution, choisie en septembre 2024 suite à un appel d’offre impliquant tous les acteurs du marché (dont Airbus)est celle de Starlink, filiale de SpaceX. C’est ce choix d’un acteur américain qui a provoqué l’ire de certains commentateurs, dont entre autres Gilles Babinet (entrepreneur), Aurore Lalucq (présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires du parlement européen) ou Jean-Luc Mélenchon (co-président de l’institut La Boétie).

Il est reproché à Air France d’avoir préféré une société étatsunienne à une alternative française comme Eutelstat. L’association de Starlink à Elon Musk, milliardaire au discours résolument fasciste et anti-européen, est également pointée du doigt. On notera l’ironie d’émettre ces critiques sur X, réseau social d’Elon Musk, ou de vilipender la compagnie aérienne nationale en prétextant de la souveraineté. Mais c’est surtout l’ignorance de ces commentaires qui saute aux yeux.

Starlink n’a pas (encore) de réel concurrent

Le choix de Starlink par Air France l’année dernière était non seulement légitime, mais aussi difficilement évitable. La raison en est simple : aucune autre entreprise ne dispose à l’heure actuelle d’une constellation de satellites équivalente. S’appuyant sur la réussite de ses lanceurs réutilisables, SpaceX a commencé à mettre de petits satellites en orbite terrestre basse dès 2019. Elle en a aujourd’hui plus de 7600 à environ 550 km d’altitude.

Ce type de constellation avait été conceptualisé dans les années 1980, mais sans qu’un déploiement soit possible jusqu’alors. SpaceX avait publiquement démarré le projet en 2014, mais les autres acteurs de l’industrie spatiale se montraient plutôt dubitatifs —tout comme ils l’avaient été à propos des lanceurs réutilisables. Eutelsat, par exemple, continuait de miser sur ses satellites en orbite géostationnaire en 2015… Résultat : SpaceX a raflé le marché des lanceurs et celui de la connectivité par satellite dans la foulée.

Une meilleure connectivité, gratuite pour tous les passagers

Le service de connectivité d’Air France – comme celui des autres compagnies aériennes – s’appuyait sur des satellites en orbite géostationnaire (à 36 000 km d’altitude) jusqu’à présent. Ces satellites sont beaucoup plus grands et, du fait d’être plus loin, peuvent couvrir une zone plus large. Mais leurs inconvénients sont une latence plus élevée, un débit réduit, et un coût beaucoup plus important.

En comparaison, Starlink permet un débit 10 fois plus élevé pour un coût moindre. Avoir un fournisseur unique va également simplifier les choses pour Air France, qui en utilisait quatre jusqu’ici : Anuvu pour ses A320, Intelsat pour ses A330, A220 et B777, Panasonic pour ses B787 et Viasat pour ses A350. Ses antennes compactes sont aussi moins coûteuses et leur maintenance est plus simple à réaliser.

Pour le client d’Air France, cela veut dire que l’offre Wi-Fi, qui était jusqu’alors de 10 euros pour une heure ou 20 euros pour tout le vol, est désormais entièrement gratuite. Seul l’envoi de messages texte sur WhatsApp ou iMessage était gratuit jusqu’alors. La connexion est aussi de meilleure qualité et beaucoup plus fiable. Sur un vol transatlantique, même en payant pour le Pass Wi-Fi le plus élevé, il est encore fréquent de ne pas avoir du tout d’accès pendant la majorité du vol, jusqu’à 7 heures d’affilée. Des aléas qui seront bientôt révolus.

Air France fait face à une féroce compétition

Il ne faut pas s’y tromper, le Wi-Fi est un facteur de compétitivité majeur pour une compagnie aérienne. Air France doit faire face à une concurrence féroce en Europe et dans le monde, et si elle souhaite conserver son statut de compagnie de rang mondial, voire monter dans les classements, elle se doit d’offrir le meilleur à ses passagers.

United Airlines a aussi fait le choix de Starlink en 2024, tout comme British Airways, Emirates, Qatar Airways, Virgin Atlantic, Air New Zealand, Alaska Airlines, WestJet, SAS ou AirBaltic. Delta Airlines, partenaire américain d’Air France au sein de l’alliance Flying Blue, a préféré Viasat, un acteur historique du marché, lui aussi basé aux Etats-Unis.

L’Europe est très en retard dans les constellations en orbite basse

Eutelsat, qui dispose d’une petite constellation en orbite basse (de 600 satellites environ) depuis en fusion Aves Onea réussi à convaincre Air Canada en avril 2025. L’entreprise française, détenue majoritairement par l’État, lève actuellement des fonds et cherche à convaincre d’autres états européens d’investir dans sa future constellation Iris2, afin de pouvoir vraiment lutter contre Starlink.

C’est un vrai sujet de souveraineté, tout comme l’a été le système de positionnement par satellites Galileo, et comme l’est celui des lanceurs réutilisables. Mais l’Europe est en retard sur la question, très en retard même. Le mieux placé pour concurrencer Starlink aujourd’hui est Amazon Leo (anciennement Projet Kuiper)un autre acteur américain.

Si on peut légitimement regretter d’apporter du business aux entreprises d’Elon Musk alors qu’il appelle à démanteler l’Union européenne, il n’est pas raisonnable de critiquer nos entreprises qui réussissent parce qu’elles font le choix des meilleurs fournisseurs du marché. Ce n’est pas en les contraignant à être moins compétitives qu’on compensera nos lacunes.

Il est aussi un peu tard, à la toute fin 2025, pour se réveiller quant à la prévalence de Starlink. Mieux vaudrait peut-être s’activer pour être sûr qu’en 2030, les services de taxis autonomes en France ne seront pas tous assurés par des sociétés américaines ou chinoises… Sans parler de la révolution robotique en coursqui ne semble pas préoccuper les pouvoirs publics outre mesure.



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