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Comment intégrer l’éolien flottant à son environnement

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Lu il y a 10 minutes


Le déploiement des énergies marines renouvelables n’est pas sans conséquences sur l’environnement et pose de nombreux défis à la recherche. Le programme Draccar étudie l’impact de l’éolien flottant sur l’écosystème marin, mais aussi les effets des turbulences et des vagues sur ces structures.

Le développement de nouvelles énergies marines renouvelables (EMR), comme l’éolien flottant ou l’hydrolien, suppose d’exploiter des zones maritimes comme jamais auparavant. Les éoliennes peuvent ainsi être installées loin des côtes sur des stations flottantes afin de capter des gisements de vents plus puissants. Les hydroliennes, elles, sont positionnées à proximité plus immédiate des côtes et en profondeur, où les courants utilisés pour générer de l’électricité sont les plus forts. Ces deux filières posent plusieurs défis à la recherche, qui étudie notamment les interactions entre ces infrastructures énergétiques et les milieux où elles sont implantées, qui abritent des écosystèmes spécifiques. Un sujet qui passionne de nombreuses équipes, dont celles de France Énergies Marines, l’un des plus grands instituts de recherche lié à l’éolien en mer en France.

Une plateforme de recherche unique au monde

En 2023, c’est au large du parc éolien en merde Fécamp (Seine-Maritime), le plus important de l’Hexagone avec 71 éoliennes et une puissance de près de 500 MW, que France Énergies Marines a fait l’acquisition d’un mât de mesures météorologiques, posé au cours de la construction du parc par EDF. « Il est situé au sud du parc, à 13km des côtes. Il culmine à 40 mètres au-dessus de l’eau et repose sur une fondation gravitaire, technologie similaire à celle des éoliennes de Fécamp », décrit Cédric Bianchini, le responsable de l’antenne Manche-Est-mer du Nord à France Énergies Marines.

Transformé en véritable plateforme de recherche et d’innovation offshore, ce mât est utilisé dans le cadre du programme Draccar, dont l’objectif est d’approfondir les connaissances sur les interactions entre l’éolien en mer et l’environnement. Lancé en 2023, pour une durée de cinq ans et doté d’un budget de 13,5 millions d’euros, Draccar est mené par France Énergies Marines, entouré de plusieurs partenaires : les universités de Caen et du Havre et l’école d’ingénieurs Insa Rouen. Il est soutenu financièrement par la Région Normandie et l’Union européenne.

Mmermaid, le premier des projets rattachés à Draccar, vise à étudier la mégafaune marine aux alentours du parc éolien de Fécamp. « Nous cherchons à déterminer comment les espèces vivantes près des parcs utilisent cette zone, pour ensuite déterminer les liens trophiques, propres à l’alimentation, entre les différentes espèces. Le but est de relier ces différentes observations écologiques aux conditions environnementales et activités humaines étudiées », résume Karine Heerah, qui pilote le projet. Pour ce faire, l’équipe de Mmermaid a truffé le mât de capteurs en tous genres : caméras à 360°, pièges photos, hydrophones, sonars, appareils de télémétrie acoustique sous-marine… Objectif : collecter des données sur les espèces vivantes autour du parc offshore pour déduire leur comportement. De par son envergure, ce projet est unique au monde. « Il n’existe pas, selon nous, de telle plateforme opérationnelle en mer à l’heure actuelle, capable d’observer à la fois les oiseaux, les poissons et les mammifères marins », souligne Karine Heerah.

anémomètre sonique DraccarFrance Energies Marines
Anémomètre sonique installé au sommet de la plateforme Draccar Au sommet du mât Draccar, un anémomètre sonique permet de mesurer la vitesse du vent.

La quantité de données collectées est considérable. « Nous avons mis en place des campagnes d’annotations bénévoles pour détecter et identifier les oiseaux à partir des vidéos captées par les caméras du mât. Les données de Mmermaid servent à alimenter des modèles trophiques qui établissent des liens entre les différentes espèces. Nous pouvons ensuite ajouter des paramètres relatifs à l’influence des changements climatiques et des activités humaines », explique Karine Heerah. Un premier modèle local nourrit un second modèle régional, prenant en compte le parc éolien de Fécamp dans son ensemble et les activités maritimes et de pêche aux alentours. « Notre objectif est de développer des outils et des méthodes pour établir des standards d’études d’impact des parcs offshore », commente Cédric Bianchini.

Mieux dimensionner les parcs

Autre enjeu sur lequel se penche France Énergies Marines : le phénomène des turbulences, dont l’évaluation est décisive pour déterminer la faisabilité d’un parc éolien en mer. Le deuxième projet du programme Draccar, Nemo, porte justement sur ce sujet. Il a débuté cette année et doit durer trente mois. Son objectif : « améliorer la caractérisation des turbulences du vent via la mesure et la modélisation numérique », détaille Maxime Thiébaut, chercheur à France Énergies Marines et chef de projet. En effet, les technologies actuelles – notamment les lidars, des appareils de télédétection par faisceaux laser – ne permettent pas de les évaluer précisément. « L’utilisation de lidars entraîne des écarts systématiques sur les valeurs d’intensité de turbulence. Par exemple, certaines structures tourbillonnaires de moins de 23 mètres ne peuvent pas être mesurées et sont donc moyennées. On perd de l’information », constate Maxime Thiébaut.

L’équipe du projet Nemo a donc développé une technologie alternative qui combine deux lidars. Celle-ci est installée sur le mât de Fécamp. « En se concentrant sur chaque faisceau, sans moyenner, on obtient une diminution de 35 à 40 % des taux d’erreurs dans les mesures d’intensité des turbulences », explique Maxime Thiébaut. Ces résultats prometteurs, récemment soumis à relecture avant publication dans une revue scientifique, ont attiré de nombreux industriels du secteur des EMR, souligne le chef de projet. Selon lui, une expérimentation en conditions flottantes serait désormais la suite logique de Nemo.

Le fracas des vagues peut également nuire à l’intégrité des éoliennes flottantes. « Les vagues déferlantes, tellement raides qu’elles se brisent, peuvent frapper les structures à des forces extrêmes. Il faut les prendre en compte au moment du design et du dimensionnement des parcs », commente Neil Luxcey, le responsable du département Dynamique du vent et de l’océan à France Énergies Marines. Également rattaché au mât de Fécamp, le projet Dimpact+, qui a été lancé cette année et qui doit s’achever en 2027, cherche à perfectionner les outils d’ingénierie utilisés par les industriels avec une méthodologie nouvelle de quantification des efforts provoqués parles vagues déferlantes sur les installations. « Nous cherchons à mettre au point une formulation mathématique pouvant être exécutée numériquement qui soit la plus représentative possible des impacts des différentes vagues, détaille Neil Luxcey. Nous souhaitons prédire, selon les caractéristiques d’une tempête donnée, combien de vagues déferlantes s’abattront possiblement sur les structures, et avec quelle force. Cela nous permettra d’en déduire une loi implémentable aux outils industriels de dimensionnement des éoliennes flottantes. » Si le programme Draccar se concentre sur l’éolien posé en mer, ses résultats pourront s’é tendre au-delà. « Les projets sur lesquels nous travaillons servent évidemment toutes les EMR, assure Cédric Bianchini. Les méthodes d’analyse des impacts environnementaux, les technologies développées… Tout peut s’appliquer à d’autres EMR que l’éolien posé en mer. »

TROUVER LE BON CORDAGE

Le laboratoire Smash (Structures, matériaux avancés et sollicitations hyperbares) de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de lamer (Ifremer) étudie les cordages reliant les stations flottantes aux fonds marins. « Depuis dix ans, il se focalise sur les applications EMR et notamment l’éolien flottant », précise Peter Davies, le responsable du laboratoire Smash. L’axe de recherche principal porte sur le comportement des cordages immergés en mer sur de longues périodes, étant donné que la durée de vie d’une éolienne flottante est estimée à environ vingt ans.

« Le défi, c’est d’améliorer le comportement de ces matériaux face à la fatigue pour qu’ils puissent tenir sous une éolienne flottante pendant vingt ans, dans des conditions parfois sévères », explique Peter Davies. L’ équipe de recherche s’intéresse particulièrement au nylon, qui présenterait un avantage de robustes se dans le temps. « Mais nous avons encore peu de retours d’expérience avec ce matériau sur la longue durée », déplore le chercheur. L’Ifremer a lancé, en partenariat avec l’industriel BW Ideol, un projet de R&D sur une éolienne flottante équipée de cordages en nylon.

Baptisé Velella, celui-ci devrait permettre l’observation prochaine des dégradations des cordages en nylon en conditions réelles.



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