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forte de ses atouts, la chimie presse l’Europe de passer à l’action

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Lu il y a 8 minutes


Le ChemDay, proposé par France Chimie, et qui s’est tenu le 16 décembre 2025 au Cnit de Paris-La Défense, a réuni 1700 participants. Un évènement à succès ressenti comme une bouffée d’oxygène pour une industrie de la chimie lourdement menacée. Voici ce que j’ai retenu de cette journée…

Rarement une journée de conférences aura autant concentré de constats lucides et d’appels à l’action, tout en dégageant une énergie positive. Au ChemDay, proposé par France Chimie et qui s’est tenu le 16 décembre, au Cnit de Paris-La Défense, l’industrie chimique française a rappelé son rôle central dans l’industrie, mais reconnu son décrochage, tout en s’interrogeant sur notre capacité collective à agir à temps.

La chimie Lego du monde

Dès l’ouverture, le ton a été donné. La chimie est « le Lego du monde », a déclaré Frédéric Gauchet, le président de France Chimie, tandis que Sébastien Martin, ministre délégué en charge de l’Industrie, s’est dit « fasciné par cette pâtisserie de l’industrie ». Science mais aussi industrie, la chimie est invisible mais omniprésente. Sans elle, ni batteries, ni matériaux de construction, ni médicaments, ni transition énergétique. Et pourtant, l’Europe a laissé sa part de marché mondiale s’effondrer de près de 30 % à 13 % en vingt ans, tandis que la Chine concentre désormais près de la moitié des capacités mondiales et investit massivement dans la R&D.

Une contraction des actifs

Les causes sont largement identifiées : coûts énergétiques trop élevés, fiscalité excessive, empilement réglementaire, agressivité commerciale asiatique (souvent déloyale), lenteur décisionnelle européenne… Tous ces arguments ont déjà eu raison de la fabrication de « briques » élémentaires, à travers la fermeture de capacités de chimie de base dans toute l’Europe, fragilisant des chaînes de valeur. Il y a pourtant eu de récentes annonces politiques – Plan d’action européen, Omnibus, Alliance sur les produits critiques, révision des quotas de CO2… – mais derrière ces propositions plane une inquiétude : celle d’un décalage persistant entre les bonnes intentions et la mise en œuvre concrète.

Une chimie qui ne baisse pas les bras

Pour autant, la journée a su rester optimiste. Les prestigieux intervenants qui se sont succédé à la tribune – le prix Nobel Jean-Marie Lehn, la présidente du Cefic Ilham Kadri, ainsi que Philippe Kehren (Solvay), Pascal Villemagne (Seqens), Frédéric Fournet (Alsachimie), Christian Siest (Orrion), Marilène Turcotte (Air Liquide), Quentin Faucret (Michelin)… – ont montré qu’ils ne baisseraient pas les bras, portés par le succès de l’événement qui a affiché complet. Environ 1700 participants se sont mobilisés : des étudiants, des universitaires, des industriels ou des entrepreneurs représentant des start-up, des PME, des ETI ou des grandes entreprises, installés à Paris ou dans les territoires. « Il n’y a pas de pays fort sans industrie forte. Il n’y a pas d’industrie forte sans chimie forte », a d’ailleurs rappelé Thierry Le Hénaff, président d’Arkema, lors d’un échange rafraîchissant avec des jeunes incarnant la relève. En ces temps difficiles, la chimie française n’a pas manqué de rappeler ses atouts. Elle a su relever le défi de sa transformation écologique et revendique d’ailleurs des résultats tangibles : une baisse de plus de 70 % de ses émissions de gaz à effet de serre depuis les années 1990, pour des volumes en hausse. La décarbonation est en marche, via l’électrification des procédés, le recyclage, la valorisation des déchets, l’hydrogène ou la capture du carbone. Mais un signal faible a aussi émergé des débats : il faut mettre fin aux discours incantatoires. De plus en plus d’acteurs assument qu’on ne pourra pas tout transformer simultanément, ni à n’importe quel coût. La transition devra être sélective, économiquement soutenable, et fondée sur une visibilité à long terme, la chimie étant une industrie de temps long. En coulisse, nombreux sont les acteurs à réclamer une réglementation qui fixe des objectifs tout en laissant la liberté de moyens.

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Un besoin de protection

Autre évolution notable : la normalisation d’un discours sur la protection industrielle. Préférence européenne, sécurisation des chaînes d’approvisionnement, dépendances critiques, frontières économiques… Autant de termes désormais assumés tant par des dirigeants industriels que par des responsables politiques, dont Sébastien Martin ou Nicolas Dufourq, le patron de Bpifrance. Face à une concurrence chinoise jugée agressive et conquérante – dont on aurait dû percevoir les intentions bien amont ! -, le laisser-faire n’apparaît plus comme une option crédible. Quant à l’innovation, même si elle ne pourra pas résoudre à elle seule tous les problèmes, elle reste un levier fort de résistance et de reconquête, « l’antidote au pessimisme ambiant », pour Thierry Le Hénaff. Mais là encore, le discours se transforme. Moins de promesses spectaculaires, plus de pragmatisme. L’intelligence artificielle, la robotisation ou le machine learning ne sont plus des ruptures fantasmées, mais des outils déjà intégrés dans les usines pour optimiser les procédés, réduire les consommations et accélérer le développement de produits sur mesure. Et l’innovation se joue partout : dans les procédés, les molécules renouvelables, tout autant que dans le management et le mélange des compétences…

Des plateformes pour une néo-industrialisation

En filigrane, les plateformes industrielles s’imposent toujours comme des actifs stratégiques. Mutualisation énergétique, récupération de chaleur fatale, utilisation de combustibles CSR, hydrogène décarboné, infrastructures partagées : c’est souvent à cette échelle que la transition reste faisable économiquement. Un appel du pied pour une possible recomposition industrielle – ou néo-industrialisation comme le propose Michelin avec ses projets dans la chimie biosourcée – autour de quelques hubs clés. Enfin, la question des talents a traversé toute la journée. Attirer les jeunes – ils étaient plus de 600 venus de toute la France -, donner du sens, réconcilier le grand public avec la chimie, moderniser son image : la bataille est aussi culturelle. Au terme de cette journée, une certitude s’est imposée : la chimie européenne n’est ni un vestige du passé ni un problème à gérer, mais une solution d’avenir pour un futur durable et souverain. Reste à savoir si l’Europe saura s’extirper de ses débats interminables pour agir assez vite et prévenir notre « belle chimie » d’un décrochage irréversible.



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