
Dans une nouvelle étude, l’Autorité de la concurrence examine les enjeux concurrentiels liés à l’impact énergétique et environnemental de l’IA. Elle montre que l’accès à l’énergie et aux zones adaptées à l’implantation de centres de calcul constituent un paramètre clé de la concurrence, dans un contexte de besoins croissants en infrastructures.
L’Autorité de la concurrence a publié ce 17 décembre 2025 une nouvelle étude consacrée aux questions concurrentielles liées à l’impact énergétique et environnemental de l’intelligence artificielle.
Ces travaux s’inscrivent dans le prolongement de son avis de juin 2024 sur le fonctionnement concurrentiel de l’IA générative. Il marque une étape supplémentaire dans l’analyse des conditions économiques qui structurent désormais ce marché.
Précision importante : l’objectif de l’Autorité n’est pas d’évaluer l’impact de l’IA sur la transition écologique, ni de porter un jugement sur l’utilisation énergétique des acteurs dans ce domaine. Elle se concentre exclusivement sur les effets concurrentiels liés à l’augmentation des besoins en infrastructures, et donc en électricité et en ressources naturelles.
Des besoins électriques en forte accélération
Dans un premier temps, l’étude rappelle que le déploiement de l’IA repose sur des infrastructures de calcul intensif hébergées dans des data centers. Ces derniers représentent 1,5% de la consommation mondiale électrique. Leur consommation pourrait plus que doubler d’ici 2030.
En France, la consommation électrique des data centers, estimée à environ 10 térawattheures au début des années 2020, pourrait atteindre entre 12 et 20 térawattheures en 2030, puis entre 19 et 28 térawattheures en 2035, soit près de 4% de la consommation nationale à cet horizon.
L’Autorité souligne que cette dynamique s’explique à la fois par l’augmentation des usages liés à l’IA, par la taille croissante des centres de calcul spécialisés dans l’entraînement et l’inférence des modèles, et par un possible report de projets vers la France, favorisé par la disponibilité d’une électricité largement décarbonée.
Au-delà de l’électricité, l’Autorité rappelle que le fonctionnement des data centers exerce également des pressions sur d’autres ressources, telles que l’eau, les métaux rares et le foncier. Ces contraintes ne sont pas un problème en tant que tel, indique-t-elle. Elles deviennent structurantes dans un contexte de forte concentration géographique des infrastructures, de tensions locales sur les réseaux électriques et de délais de contournement parfois longs.
Des enjeux concurrentiels identifiés
A partir de ces constats, l’étude identifie trois grands enjeux. Le premier concerne l’accès à l’énergie et la maîtrise de son coût. Dans un contexte marqué par la fin programmée du dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et par des incertitudes sur les prix de l’énergie, la capacité à sécuriser un approvisionnement stable et prévisible devient un facteur de compétitivité.
Dans ce cadre, elle attire l’attention sur les risques que certains acteurs, en particulier les plus importants, puissent bénéficier d’un avantage structurel en sécurisant en amont des capacités électriques, des contrats de long terme ou des sites stratégiques.
Le deuxième enjeu identifié par l’Autorité concerne l’émergence de la frugalité des services d’IA. Ce qui désigne le fait d’adapter la puissance de l’IA aux usages réels afin de limiter la consommation d’énergie sans freiner l’innovation.
L’Autorité observe que cette frugalité tend à devenir un paramètre de concurrence, à la fois du côté de la demande, avec des acteurs publics et privés de plus en plus attentifs à ces critères, et du côté de l’offre, avec le développement de modèles moins énergivores.
La frugalité, un enjeu d’innovation
Selon l’Autorité, cette évolution est susceptible de permettre à des acteurs de taille plus modeste de proposer des offres compétitives, en s’appuyant sur des besoins en infrastructures plus limités. Elle souligne toutefois que la frugalité ne pourra pleinement jouer son rôle concurrentiel que si elle repose sur des informations fiables et des méthodes robustes de mesure de l’empreinte environnementale.
Le troisième axe porte justement sur la standardisation des méthodes de mesure de l’empreinte environnementale de l’IA. L’Autorité constate que les données disponibles sont encore partielles, hétérogènes et peu comparables.
Des démarches de standardisation sont actuellement en cours. L’Autorité identifie toutefois plusieurs points de vigilance, notamment en cas de standards reposant sur des méthodologies insuffisamment robustes, d’accès inégal aux dispositifs de standardisation ou d’échanges d’informations sensibles entre concurrents.
Eviter les asymétries d’information
En conclusion, l’Autorité de la concurrence insiste sur deux nécessités. D’une part, disposer de données fiables et transparentes sur l’empreinte énergétique et environnementale de l’IA, afin d’éviter des asymétries d’information susceptibles de fausser la concurrence. D’autre part, veiller à ce que l’accès aux zones adaptées à l’implantation de data centers et à l’énergie, en particulier à l’électricité bas carbone, ne soit pas réservé de facto à un nombre limité d’acteurs.
Elle invite l’ensemble des parties prenantes à se saisir de cette étude et souligne la possibilité, pour les entreprises, de la saisir afin de sécuriser leurs projets au regard du droit de la concurrence.


