Après des révélations, début novembre, sur la vente d’objets à caractère pédopornographique en ligne, Sarah El Haïry a convoqué, mardi 16 décembre, les marketplaces pour exiger des protections immédiates et vérifiables.
Début novembre, des révélations font apparaître la mise en vente d’objets à caractère pédopornographique sur certaines plateformes de e-commerce. En réponse, la Haute-commissaire à l’Enfance, Sarah El Haïry, réunit mardi 16 décembre, au Haut-commissariat à l’Enfance, les principales marketplaces françaises et internationales. L’objectif est d’obtenir des mesures « immédiates et durables » pour protéger les enfants sur Internet. La réunion se concentre sur les moyens dédiés à la lutte contre la pédocriminalité et sur le renforcement des contrôles. Trois priorités sont posées : filtrer davantage avant mise en vente, détecter mieux les comportements suspects, travailler plus étroitement avec les régulateurs. L’IA, la neutralisation rapide d’images sensibles et des partenariats avec des signaleurs de confiance sont évoqués, sur fond de menace de sanctions en cas de nouvelle défaillance.
Des contrôles avant la mise en vente
Le point de départ, ce sont des objets repérés début novembre, présentés comme « à caractère pédopornographique », proposés sur certaines plateformes de commerce en ligne. Le contenu exact de ces annonces n’est pas détaillé ici, mais la qualification suffit à mesurer l’enjeu : il ne s’agit pas d’une simple entorse aux règles internes d’un site, c’est une atteinte grave, avec un risque de circulation d’images, de références ou de produits qui participent à la pédocriminalité. Dans ce contexte, Sarah El Haïry décide de réunir les acteurs jugés centraux, « les principales marketplaces françaises et internationales », et de les convoquer au Haut-commissariat à l’Enfance. Le choix du lieu et du format dit quelque chose de la méthode : placer l’exigence de protection au niveau institutionnel, et obtenir des engagements concrets.
Le premier axe mis sur la table vise le contrôle en amont, avant qu’une annonce n’apparaisse en ligne. La Haute-commissaire demande un « renforcement du contrôle des contenus avant la mise en vente ». Dit autrement, l’idée est d’empêcher qu’un produit ou une image sensible ne franchisse la porte d’entrée. Sur un plan cyber, ce moment est décisif, car c’est là que la plateforme a la main : elle reçoit des fichiers, des photos, des titres, des descriptions, parfois des messages implicites, et peut décider d’autoriser, de bloquer ou d’escalader vers une vérification renforcée. Plus la barrière est haute à cet instant, moins la diffusion se produit, et moins l’écosystème de revente, de capture d’écran ou de partage peut prospérer.
Sarah El Haïry évoque à ce titre une piste précise, la « neutralisation immédiate des images sensibles ». La formule est importante : elle suggère un mécanisme de réponse rapide, quasi réflexe, qui fait primer la sécurité sur la disponibilité. Neutraliser, ce n’est pas seulement retirer a posteriori, c’est couper l’accès dès que le signal apparaît, afin de réduire la fenêtre d’exposition. Dans la logique de plateformes massives, où une annonce peut être répliquée, copiée ou repostée, la vitesse devient un paramètre de protection des victimes.
L’autre levier cité est l’usage de l’intelligence artificielle. La Haute-commissaire ne présente pas l’IA comme un gadget, mais comme une capacité déjà utilisée pour le commerce, et qui doit basculer au service de la protection. L’argument est direct et assumé : si les plateformes savent optimiser la vente par des algorithmes, elles doivent appliquer cette puissance de calcul à la détection des contenus pédocriminels. La comparaison vise à enlever toute excuse de faisabilité. Elle installe aussi une forme d’obligation morale et opérationnelle : l’outil existe, il doit être orienté vers le risque.
Traquer les comportements et signaux faibles
Le deuxième point soulevé lors de la réunion touche moins le contenu isolé que la dynamique des utilisateurs : « le renforcement du contrôle des comportements suspects ». Ce déplacement est typique des enjeux cyber et renseignement. Un contenu peut être masqué, codé, ou présenté de manière ambiguë. En revanche, des comportements, eux, laissent souvent des traces : répétitions, tentatives, contournements, variations, explorations. Sans inventer de détails, la logique est claire : surveiller les signaux d’usage permet d’identifier ceux qui cherchent à accéder à ce type d’objets, ceux qui testent les limites, ou ceux qui tentent de réintroduire ce qui a déjà été bloqué.
Cette approche suppose que les plateformes investissent des moyens, humains et techniques. Or la réunion, selon les éléments fournis, porte justement sur les « moyens alloués » par les marketplaces à la lutte contre la pédocriminalité et sur le « renforcement des dispositifs de contrôle ». Ce choix de mots indique que la question n’est pas uniquement celle de l’intention, mais celle des ressources, donc de l’organisation interne. Mettre un contrôle des comportements en place, c’est créer des règles de détection, des escalades, des priorités, puis les tester face aux tentatives d’évitement. C’est aussi accepter que certains comptes soient suspendus, que des ventes soient bloquées, et que des flux financiers soient stoppés, donc que la protection ait un coût et un impact sur l’activité.
La Haute-commissaire mentionne aussi la création de partenariats avec des « signaleurs de confiance ». Cette expression renvoie à une chaîne de traitement où la plateforme n’est pas seule juge. Un signaleur de confiance, dans cette logique, est un acteur dont les alertes sont considérées comme qualifiées, donc traitées plus vite, avec une priorité supérieure. Sur le plan cyber, c’est une manière de réduire le bruit et d’augmenter la pertinence des alertes : au lieu d’attendre des signalements dispersés, la plateforme peut s’appuyer sur des apports structurés, et agir immédiatement. L’intérêt est double : accélérer les retraits et améliorer l’apprentissage des outils de détection, puisqu’un signal de qualité permet de calibrer des règles de filtrage.
La question des comportements suspects est aussi, implicitement, une question de prévention du contournement. Si une annonce est supprimée, elle peut revenir sous une forme légèrement modifiée. Si une image est bloquée, une autre peut être publiée avec un recadrage, une retouche, ou un indice caché dans le texte. La réunion insiste sur la nécessité de renforcer, donc de durcir, parce que l’adversaire, ici le pédocriminel, s’adapte. C’est un terrain où la logique de renseignement, repérer des patterns et des stratégies d’évitement, rejoint la protection des enfants. Sans surenchère, l’idée reste simple : protéger signifie anticiper, pas seulement réparer.
Coopération, IA et risque de sanction
Le troisième axe posé par Sarah El Haïry est la « coopération étroite avec les acteurs de régulation ». Dans le dispositif décrit, la lutte ne repose pas uniquement sur les plateformes, même si elles sont en première ligne. La coopération est présentée comme une exigence, presque un test de bonne foi. Elle vise à rendre les efforts auditables et à éviter le scénario où chaque acteur travaille dans son coin, avec ses propres règles et sa propre tolérance au risque.
Cette dimension prend un relief particulier avec l’avertissement formulé : « Toute nouvelle défaillance constatée exposerait les plateformes à des sanctions. » La phrase est courte, mais elle change la posture. On passe d’une réunion de sensibilisation à un rappel de responsabilité, avec un coût potentiel. Le message est aussi préventif : il s’agit de pousser les marketplaces à sortir d’une logique réactive, où l’on corrige après un scandale, pour entrer dans une logique durable, où l’on prouve, dans la durée, que les contrôles tiennent.
La Haute-commissaire évoque la tenue d’un « nouveau point d’étape », « dans les meilleurs délais », pour suivre l’application des mesures. Là encore, l’information est limitée, mais la mécanique est lisible : il ne s’agit pas d’un échange ponctuel, mais d’un processus. Un point d’étape, c’est une manière de demander des comptes : quelles actions ont été lancées, lesquelles sont opérationnelles, quels résultats sont observés, et comment les défaillances sont traitées. Dans un univers numérique, cette temporalité compte, car les risques évoluent vite, et les plateformes peuvent être tentées d’annoncer des intentions sans transformer leurs pratiques. L’idée d’un suivi rapproche la réunion d’une logique de pilotage.
Le cœur politique et opérationnel, toutefois, se cristallise dans la déclaration de Sarah El Haïry, qui associe le choc, le droit, la qualification pénale des acheteurs, et l’exigence de mobilisation des acteurs privés. La citation résume l’esprit de la réunion et fixe le niveau d’attente : « La protection des enfants constitue une priorité absolue. Les objets que nous avons découverts le mois dernier sur certains sites sont extrêmement choquants et constituent une violation de notre droit. Les acheteurs de ces produits sont des pédocriminels et la coopération et pleine mobilisation des plateformes est une exigence. Nous avons la responsabilité collective de bâtir une société plus protectrice des enfants. Nous attendons des plateformes des actions concrètes et nous leur donnerons rendez-vous pour effectuer un bilan d’étape sur les mesures prises », a rappelé Sarah EL HAIRY.
Pris au mot, ce passage fixe aussi un cadre de lecture cyber. D’abord, il rappelle que le problème n’est pas abstrait : il y a eu une découverte récente, « le mois dernier », donc une réalité observable. Ensuite, il insiste sur la chaîne complète, du contenu aux acheteurs. Enfin, il impose la coopération comme une condition, pas comme une option. L’IA est citée comme une piste, mais surtout comme un devoir : les plateformes savent industrialiser la recommandation commerciale, elles doivent industrialiser la prévention et la détection. Le sous-texte est clair : la sophistication technique ne peut pas servir uniquement à la performance économique, elle doit servir à réduire l’exposition des enfants et à fermer les espaces d’opportunité.
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