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Au Sénat, une proposition de loi veut instaurer “une présomption d’exploitation des contenus culturels par les fournisseurs d’IA”

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Lu il y a 6 minutes



Défendu par les sénateurs Laure Darcos, Agnès Evren, Pierre Ouzoulias, Laurent Lafon, Catherine Morin-Desailly et Karine Daniel, ce texte est présenté mercredi 17 décembre par la commission de la culture de la chambre haute du parlement français. Elle déplaît déjà à la ministre déléguée au numérique et aux entreprises spécialisées dans l’intelligence artificielle générative.

Un article unique pour les réguler tous. Mercredi 17 décembre sera présentée devant la commission de la culture du Sénat une proposition de loi visant à encadrer l’intelligence artificielle (IA) générative vis-à-vis du droit d’auteur français. Ce texte est très court – il ne comporte qu’une entrée – mais il pourrait avoir des conséquences majeures sur cette technologie dont les modèles sont entraînés à partir de contenus culturels de toutes sortes, lesquels sont bien souvent protégés par le code de la propriété intellectuelle.

Combler un vide juridique

“Sauf preuve contraire, l’objet protégé par un droit d’auteur ou par un droit voisin, au sens du présent code [de la propriété intellectuelle]est présumé avoir été exploité par le système d’intelligence artificielle, dès lors qu’un indice afférent au développement ou au déploiement de ce système ou au résultat généré par celui-ci rend vraisemblable cette exploitation »explique l’article. En d’autres termes, celui-ci vise à instaurer “une présomption d’exploitation des contenus culturels par les fournisseurs d’IA”.

Défendu par les sénateurs Laure Darcos (groupe Les indépendants – République et territoires), Agnès Evren (groupe Les Républicains), Pierre Ouzoulias (groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste – Kanaky), Karine Daniel (groupe Socialistes), ainsi que Laurent Lafon et Catherine Morin-Desailly (groupe Union centriste), ce texte veut combler un vide juridique après l’échec d’une concertation menée à l’automne via le gouvernement entre les ayants droit et les acteurs de la tech, comme le rappelle le média Contexte.

Stopper un “moissonnage” non consenti

Si cette proposition de loi était adoptée et promulguée, elle permettrait à des milliers d’artistes de faire reconnaître que leurs œuvres ont bel et bien été utilisées par des sociétés d’IA. Un “moissonnage”selon le terme employé par les sénateurs dans l’exposé des motifs qui accompagne leur texte, “qui s’effectue sans autorisation préalable, ni rémunération de leurs titulaires”. Et souvent à l’insu des ayants droit, faute de transparence sur les données d’entraînement, rappelle la même présentation.

Concrètement, cette “présomption d’exploitation des contenus culturels” pourrait donc être actée dans de multiples situations. “Lorsqu’une IA générative produit un contenu à la manière d’un contenu protégé ou dans le style d’un créateur ou d’un auteur, il est vraisemblable qu’elle a utilisé les contenus de ce dernier”expliquent les parlementaires, qui mentionnent aussi les cas où un modèle d’IA est capable de réciter des extraits d’un texte ou d’en développer une analyse approfondie.

“Ouvrir une troisième voie de l’IA”

Ce serait donc aux fournisseurs d’outils d’IA de prouver au contraire qu’ils n’ont pas recouru à une œuvre donnée. “Il serait difficilement audible de soutenir que la charge de la preuve, qui incombe aujourd’hui aux titulaires de droits, alors qu’ils n’ont pas la maîtrise technique de l’outil IA, est trop lourde pour des professionnels de l’exploitation de la donnée”note avec une pointe d’ironie l’exposé des motifs de la proposition de loi, anticipant les retours négatifs des acteurs de l’intelligence artificielle générative.

En somme, les sénateurs espèrent avec ce texte “favoriser l’émergence d’un marché éthique et compétitif, conciliant soutien à l’innovation et préservation de la culture, hors de tout procès, par le simple effet incitatif de la règle”. Un moyen selon eux d’“ouvrir une troisième voie de l’IA, respectueuse du droit d’auteur et des droits voisins, tout en étant attractive pour l’innovation”dans la continuité de la position du ministère de la culture, qui évoquait déjà dans un communiqué du 28 novembre une “inversion de la charge de la preuve”.

La tech et sa ministre peu favorables

L’atmosphère est en cela bien différente du côté d’Anne Le Hénanff, la ministre déléguée au numérique. Sollicité par le média Contextele cabinet de cette dernière l’a dit “particulièrement vigilante à ce qu’aucune mesure ne soit prise qui pénalise la filière IA française dans son ensemble par rapport à la concurrence européenne et internationale”. Il a également ajouté que ses services “étudient à ce stade la conventionnalité et la constitutionnalité de la proposition de loi”.

Chez les acteurs français de l’IA, qui se sentent davantage visés que leurs concurrents américains ou chinois, l’heure est à la panique. Dans un communiqué paru mardi 16 décembrela veille de la présentation du texte sénatorial en commission de la culture, Mistral AI a ainsi dit “regrette[r] que la France, siège du seul acteur européen encore dans la course à l’IA de frontière, vienne ainsi se saborder”. De même que le lobby France Digitale, la start-up française veut rencontrer les auteurs de la proposition de loi.



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