
Apple est accusé de continuer à prélever des commissions pouvant atteindre 20% lorsque les utilisateurs paient une application ou un abonnement en dehors de sa boutique d’applications. Dans une lettre ouverte, une coalition de développeurs et d’associations appelle à Bruxelles à faire appliquer strictement le DMA.
La Coalition for App Fairness – un collectif international créé pour défendre les droits des développeurs face aux grandes plateformes – a adressé une lettre ouverte à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ainsi qu’à plusieurs vice-présidentes exécutives, afin de dénoncer ce qu’elle considère comme une non-conformité persistante d’Apple au Loi sur les marchés numériques (DMA).
Des effets anticoncurrentiels
Selon les signataires, malgré l’entrée en vigueur du règlement européen associée à une décision formelle de non-conformité rendue par la Commission en avril 2025, les règles de l’App Store continuent de produire des effets anticoncurrentiels au détriment des développeurs et des consommateurs.
Parmi les signataires de cette lettre ouverte, se trouvent des éditeurs comme Deezer, Proton, Threema, Cafeyn, Sygic ou Cryptee ; des organisations sectorielles telles que l’European Games Developer Federation, l’European Publishers Council ou Digital Content Next ainsi que des associations de consommateurs, dont Euroconsumers.
Jusqu’à 30% de prélèvements
Pour rappel, sur les produits développés par la firme à la pomme, l’App Store constitue le point d’entrée quasi exclusif à la distribution d’applications. Dans ce cadre, Apple impose aux développeurs d’utiliser son système de paiement intégré pour les achats d’applications et d’abonnements et de verser une commission pouvant aller jusqu’à 30%, un taux historique qui peut être ramené à 15% dans certains cas, notamment pour les petits développeurs ou à partir de la deuxième année d’un abonnement.
Ce modèle permet à Apple de contrôler à la fois la distribution des applications, la relation avec les utilisateurs finaux et les flux financiers associés.
C’est précisément ce pouvoir de contrôle que le Digital Markets Act cherche à limiter, en imposant aux plateformes qualifiées de “contrôleurs d’accès” (gatekeeper) d’ouvrir leurs écosystèmes, notamment en autorisant les développeurs à proposer des solutions de paiement alternatives sans supporter de frais dissuasifs.
Bruxelles a déjà condamné Apple
Ces frais sont jugés “exorbitants et injustifiés” par les signataires qui estiment qu’ils vident le DMA de sa substance. Ils rappellent d’ailleurs que l’exécutif européen est lui-même arrivé à la même conclusion et avait infligé à l’entreprise une amende de 500 millions d’euros. Apple a fait appel de cette décision.
Face à cette situation, Apple a annoncé la mise en place de nouvelles conditions sur l’App Store à compter de janvier 2026, sans en détailler le contenu exact. Cette absence de visibilité, combinée à des délais très courts, est dénoncée comme un frein majeur à l’innovation et à l’investissement par la coalition.
Les développeurs américains mieux protégés
En parallèle, les signataires dénoncent un écart croissant entre l’Europe et les Etats-Unis. Ils citent le fameux contentieux opposant Epic Games à Apple dans le cadre duquel la justice a contraint Apple à autoriser les paiements externes sans commission et à permettre aux développeurs de communiquer librement avec leurs utilisateurs.
Les juges américains sont allés encore plus loin, dans une récente décision, en limitant même les frais qu’Apple peut facturer, en les cantonnant aux coûts strictement nécessaires à la transaction. D’où l’interrogation de la coalition : pourquoi les développeurs européens bénéficieraient-ils d’un cadre moins protecteur que leurs homologues américains ?
Apple tire à boulets rouges sur le DMA
Depuis l’adoption du DMA, Apple se montre particulièrement virulent sur sa prétendue dangerosité pour la sécurité des utilisateurs. L’entreprise mettait notamment en garde contre “une expérience des apps plus risquée, moins intuitive” liée à l’obligation d’accepter le téléchargement direct d’applications (sideloading) et l’ouverture à des magasins tiers et des systèmes de paiement alternatifs.
Or, les risques invoqués par Apple relèvent davantage d’un choix de conception et de modèle économique que d’une impossibilité technique. Le DMA autorise d’ailleurs des exigences de sécurité, à condition qu’elles soient strictement nécessaires et proportionnées, ce qui exclut les commissions.


