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Face à “un gisement de déchets plastique conséquent”, le secteur médical en quête de filières de recyclage adaptées et rentables

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Chaque année, les structures de santé jettent des milliers de tonnes de plastique. Faute de filière de recyclage adaptée, ces déchets finissent souvent enfouis ou incinérés. L’étude Evaplus dresse le bilan et avance des voies possibles d’amélioration, et de valorisation. Enquête.

En octobre 2024, l’ADI Nouvelle-Aquitaine et le pôle de compétitivité Polymeris, en collaboration avec l’Ademe, dévoilaient les résultats de l’étude Evaplus dédiée au potentiel de valorisation des plastiques dans le secteur de la santé. Menée par le cabinet Alcimed, elle démontre le fait que les établissements de santé français représentent à eux-seuls un gisement de déchets plastique conséquent – de l’ordre de 23 000 à 170 000 tonnes par an (hors Déchets d’activités de soins à risques infectieux Dasri) – majoritairement enfouis ou incinérés.

Seule une infime proportion est, à l’heure actuelle, recyclée. Le rapport confirme, encore une fois, la nécessité de mettre au point une filière de recyclage dédiée et à grande échelle, de manière à ce que le secteur de la santé puisse s’inscrire durablement dans une logique d’économie circulaire, et ainsi asseoir sa décarbonation. Son développement se heurte, cependant, à des obstacles économiques, logistiques, techniques et organisationnels qu’il convient de lever ou de contourner. L’un d’eux concerne la composition même des plastiques qui complexifie le tri et le recyclage ; 37% étant constitués de matériaux mixtes, incluant notamment du polypropylène (PP), du chlorure de polyvinyle (PVC) ou encore du polyéthylène basse densité (PEBD). Les dernières réglementations et directives – comme la loi Agec au niveau français- impulsent toutefois une dynamique positive. Elle devrait être prochainement renforcée par les trois nouvelles filières REP (textile sanitaire à usage unique, emballages professionnels/commerciaux, aides et techniques médicales) qui vont mettre à contribution les metteurs sur le marché des produits de santé et/ou d’emballages contenant du plastique (hors Dasri).

Au regard de la situation, Alcimed recommande de fédérer les maillons de la chaîne de valeur des plastiques de santé en France autour d’un référent national. Il pourrait venir appuyer les initiatives de valorisation menées, et capitaliser sur les facteurs de succès.

Evoluer vers un modèle circulaire

Pour fonctionner en boucle fermée, le secteur de la santé doit effectivement, selon le rapport Evaplus, parvenir à trouver des modèles rentables (ou à moindre frais) pour les différents gisements en basant ses calculs sur l’outil d’analyse du cycle de vie (ACV), et en ciblant des exutoires à haute valeur ajoutée. Il doit en parallèle réussir à améliorer le tri à la source, la traçabilité et, plus largement, la logistique des flux avec des moyens de reconnaissance du polymère et d’automatisation, tout en impliquant l’ensemble de ses acteurs au moyen de la sensibilisation pour étendre et généraliser les comportements vertueux. D’après plusieurs études, les gisements de plastiques d’intérêt se concentreraient principalement sur les dispositifs à usage unique (incluant les EPI), leurs emballages, et, dans une moindre mesure, le flaconnage ; totalisant jusqu’à 60 % des déchets plastique dans certains hôpitaux. C’est ce constat qui a conduit le CHU de Clermont-Ferrand à mettre en place quatre filières de tri spécifiques : une qui récupère les flacons PP d’eau stérile et de sérum physiologique usagés, une seconde pour le PS, une troisième pour les plastiques d’emballage, et une dernière pour les masques (EPI), avec un exutoire potentiel dans l’automobile (tableau de bord de voitures).

Chaque année, les structures de santé jettent des milliers de tonnes de plastique.Aurelien Marquot – ADI Nouvelle-Aquitaine -Hôpital Bagatelle (33)
Chaque année, les structures de santé jettent des milliers de tonnes de plastique.

Pour diminuer les coûts inhérents au tri et à la collecte, des stratégies de massification entre des structures de soins (hôpitaux, cliniques) et d’autres utilisateurs de produits de santé contenant du plastique méritent d’être étudiées. Afin de lutter contre les difficultés liées au tri et à la traçabilité du plastique, le consortium Evaplus a mené des discussions autour d’un étiquetage systématique des références des polymères sur l’emballage voire sur le produit lui-même, et sur l’inclusion d’additifs ou de traceurs.

De la conception à la fin de vie

Mais, verdir la profession, c’est déjà commencer par intégrer des critères d’achats responsables. Prendre en compte au moins un critère environnemental dans chaque marché, tel que défini dans l’article R2152-7 du CCP (Code de la Commande Publique), deviendra d’ailleurs une obligation d’ici août 2026 dans la commande publique. Des outils, comme le scoring du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) et du Comité pour le développement durable en santé (C2DS), ont été conçus pour orienter les acheteurs vers des équipements médicaux plus vertueux. Les transformateurs doivent, de leur côté, penser écoconception en réduisant l’utilisation des plastiques, en diminuant le suremballage par exemple, en privilégiant les monomatériaux ou les matériaux simples dans la conception des produits de santé, ou en proposant des dispositifs médicaux à usage multiple. L’étude recommande une écoconception des produits qui favorise leur démantèlement. L’emploi de plastiques biodégradables ou biosourcés est une autre piste à étudier pour améliorer le recyclage et l’ACV du produit de santé.

Arkema a ainsi lancé un polymère de haute performance biosourcé et recyclable à haute rigidité (à base de polyamide 11) pour la fabrication d’outils chirurgicaux et de dispositifs médicaux. Concernant les voies de valorisation des déchets plastique hospitaliers, l’étude considère que les exutoires en santé sont prioritaires mais difficilement atteignables pour le moment, les retraitements hors santé étant plus pertinents à court et moyen-terme. Néanmoins, les initiatives se multiplient pour parvenir à un business model rentable, profitable et pérenne. Des tests visant à démontrer la faisabilité de recycler des plastiques médicaux sont par exemple menés entre l’hôpital de Jessa (Belgique) et le plasturgiste Sabic. Ces plastiques seraient convertis en huile de pyrolyse, utilisée comme matière première circulaire pour la production de polymères Trucircle de qualité médicale par Sabic, et présentant les mêmes performances, la même pureté et la même sécurité physiologique que les polymères vierges.

En collaboration avec Renewi, Greenrecycle mène également des essais avec quarante-trois hôpitaux aux Pays-Bas pour collecter des produits de santé en PP (principalement issus des blocs opératoires) et en PET, et les valoriser par exemple en grattoirs à ongles et mains pour chirurgie, en granulés de rPP avec grade médical. Autre voie de valorisation potentielle, celle d’Ambu qui a lancé des projets pilotes en France, en Allemagne et au Royaume-Uni pour mettre en place une chaîne de recyclage pour les endoscopes à usage unique, contenant notamment de l’ABS. Dans l’orthodontie, Biotech Dental témoigne d’une action avancée innovante. L’entreprise transforme ses aligneurs dentaires en fin de vie en PETG en bobines de fils pour machine d’impression 3D.

Le programme Returpen, qui existe au Danemark, au Royaume-Uni, au Brésil et en France, vise, par ailleurs, à donner une seconde vie aux stylos injecteurs jetables usagés de Novo Nordisk, composés de plastiques à 77%. Jusqu’à 85% de chaque stylo peut, aujourd’hui, être recyclé en mobilier de bureau. Sur le volet du réemploi, la société allemande Vanguard a développé un service de reprocessing, qui permet de réutiliser des dispositifs médicaux initialement à usage unique (comme les cathéters) à la suite d’un nettoyage, une stérilisation et au besoin de réparations. Citons également le cas de Splinto qui collecte et reconditionne des attèles orthopédiques pour réduire le gaspillage médical. Ou de Libel’Up qui propose un catalogue d’aides techniques de remises en bon état d’usage destinées aux professionnels de santé. Le chemin est semé d’embûches, mais le secteur soigne son organisation pour paver sa route vers une économie plus circulaire.



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