
“Nous construisons la route vers l’espace”. Will Brennan, VP responsable de la technologie chez Blue Origin, n’a pas caché son enthousiasme à AWS re:Invent 2025 alors qu’il dévoilait le projet BlueGPT. Retour sur une présentation haute en couleurs pour un projet exploratoire de taille où l’IA prend tout son sens.
Pour Blue Origin, la conception de systèmes spatiaux ne se limite plus à des approches humaines seules : l’entreprise a intégré une plateforme d’intelligence artificielle agentique capable non seulement d’assister les ingénieurs, mais aussi de créer du matériel complexe de manière autonome, du concept à la fabrication physique, en quelques jours plutôt qu’en années.
Ce projet repose sur une profonde collaboration avec Amazon Web Services (AWS), une autre des sociétés développées par Jeff Bezos, et représente, selon l’entreprise, une percée majeure dans l’utilisation de l’IA dans l’ingénierie aérospatiale.
Surmonter un obstacle majeur
Blue Origin a donc pour ambition de faciliter l’accès à l’espace et d’accélérer l’installation d’une présence humaine durable au-delà de la Terre. Dans ce contexte, l’entreprise devait surmonter un obstacle majeur : la complexité extrême du développement matériel spatial, notamment pour des systèmes devant fonctionner sur la surface lunaire, par exemple survivre à la “nuit lunaire” de 14 jours consécutifs dans un froid extrême.
Traditionnellement, le développement de matériel hautement spécialisé comme des batteries thermiques ou des outils d’extraction de régolithe repose sur des cycles de conception, simulation et essais longs, impliquant des équipes d’ingénieurs hautement spécialisés. Ces connaissances techniques spécifiques ne sont souvent pas disponibles dans des bases de données publiques ni faciles à intégrer dans des modèles d’IA standards, rendant leur automatisation particulièrement délicate.
L’IA générative, bonne ou mauvaise solution ?
Les premiers modèles d’IA générative étaient insuffisants pour ce type de tâches très spécialisées : ils ne comprenaient ni les subtilités de la fabrication industrielle, ni les contraintes thermiques ou mécaniques propres aux applications spatiales. Blue Origin avait donc besoin d’une IA capable de s’appuyer sur sa propre expertise interne protégée, tout en respectant des exigences strictes de sécurité et de confidentialité.
C’est dans ce contexte qu’est donc né BlueGPT : une plateforme d’IA agentique. Entièrement développée en interne, cette plateforme repose sur une approche multi-agents, où des centaines, voire des milliers d’agents logiciels spécialisés peuvent être créés, orchestrés et exploités pour automatiser des tâches complexes.
2700 agents créés à date
Contrairement à une simple application d’IA générative, BlueGPT n’est pas un chatbot isolé : c’est une infrastructure complète d’agents autonomes, interconnectée avec les systèmes de l’entreprise et s’appuyant sur plusieurs services AWS pour fonctionner à grande échelle.
A date, ce sont pas moins de 2700 agents qui ont été créés pour environ 3,5 millions d’interactions, expliquait alors le vice-président de la technologie chez Blue Origin, Will Brennan, lors d’une conférence donnée durant AWS re:Invent début décembre.
Les principaux composants de cette architecture sont, sans surprise, de nombreux éléments piochés chez le géant du cloud – en quelque sorte une entreprise soeur pour Blue Origin.
Une panoplie de technologies AWS adoptées
On retrouve ainsi Amazon Bedrock, la plateforme d’accès à des modèles fondamentaux avec gestion de leurs versions, utilisée pour alimenter les agents en capacités de langage et en raisonnement. Est également utilisé Amazon Bedrock AgentCore : ce moteur spécialisé qui fournit des capacités d’IA agentique avancée, comme une mémoire hiérarchique (à court et long terme) et des mécanismes de contrôle d’accès et de sécurité adaptés aux données sensibles a été dévoilé durant re:Invent 2025.
Enfin, BlueGPT repose sur Strands Agents SDK, un kit de développement open source qui permet de définir, déployer et orchestrer des agents centrés sur les capacités des grands modèles plutôt que sur des scripts rigides. Elastic Kubernetes Service (EKS), OpenSearch, RDS et AWS Lambda sont également exploités. Ces services permettent de créer des bases de connaissances, des pipelines de données, et d’automatiser des workflows serverless lorsque nécessaire.
Combinées les unes aux autres, ces technologies font de BlueGPT un environnement modulaire et extensible, dans lequel chaque employé peut créer ou réutiliser des agents adaptés à des besoins spécifiques — que ce soit en conception, en fabrication, en communication avec des fournisseurs, ou en assistance logistique. Le taux d’adoption est d’environ 70% à date.
Faciliter l’accès à la donnée
Au-delà de ce projet, Blue Origin envisage une adoption encore plus large de l’IA agentique. L’entreprise travaille à construire un knowledge graph d’entreprise, facilitant l’accès à toutes les données internes par l’IA, et expérimente l’utilisation d’agents avec des systèmes autonomes comme des rovers lunaires.
De plus, ce cadre est envisagé pour s’étendre à d’autres programmes spatiaux majeurs, y compris les fusées New Glenn et les atterrisseurs lunaires. Selon Will Brennan, la vision future de l’ingénierie chez l’entreprise serait la suivante : des équipes mixtes composées de quelques humains travailleraient avec une armée d’agents d’IA, permettant d’atteindre des vitesses de développement et des niveaux d’innovation auparavant inimaginables. Pourquoi pas, après tout.


