
Fournisseur de rang 2 pour de nombreux constructeurs français et européens, le fabricant de câbles Acome l’est aussi en Chine, pour les leaders du véhicule électrique tels que BYD ou Geely… Une expérience sur laquelle l’industriel français entend bien capitaliser et qui nourrit sa mue stratégique.
Si les constructeurs automobiles européens, à l’instar de Stellantis et Renault, ont dû revoir leurs ambitions à la baisse sur l’immense marché chinois, pour les fournisseurs et équipementiers comme le fabricant de câbles Acome, l’histoire est tout autre. Arrivé dans le sillage de PSA au début des années 2000, le groupe français est l’un des bénéficiaires de la montée en puissance de l’industrie automobile chinoise.
«Nous avons trois usines en Chine. Deux à Wuhan avec une capacité de production annuelle de 1,2 million de kilomètres de fil pour les câbles classiques et de puissance, et une troisième à Wuxi qui va démarrer prochainement», présente Frédéric Briand, PDG du groupe français qui fabrique des câbles électriques pour l’automobile ainsi que pour le bâtiment, le ferroviaire et des modèles en fibre optique pour les réseaux. Le groupe y possède même un «tech center» depuis 2018, son deuxième après celui de son site principal situé à Romagny-Fontenay (Manche). Le centre dédié à l’innovation accompagne une industrie chinoise qui va vite. «Il nous permet d’être plus réactifs. Nos clients ont des délais de développement beaucoup plus courts que les acteurs internationaux», explique Julien Adillon, responsable de la filiale chinoise à Wuhan.
Câbles pour données illimitées
Créée dans le cadre d’une coentreprise avec un partenaire local, la dernière unité de production sera hébergée dans une «mégafactory» avec d’autres entreprises, entièrement dédiées à l’activité automobile. Son activité consistera, dès le premier trimestre 2026, à produire des câbles coaxiaux, et pour la fin d’année, des câbles Ethernet. Tous en cuivre… pour le moment. Tirés par l’essor des véhicules autonomes, les câbles de données prennent une importance croissante sur le marché chinois. «Aujourd’hui, les constructeurs chinois utilisent des câbles coaxiaux qui transmettent plusieurs gigas de données mais pour demain, il est déjà question du “n” Giga, c’est-à-dire du sans limite», explique le dirigeant de la plus grande Scop industrielle de France considérant l’influence chinoise comme «inspirante». «C’est important d’accumuler les connaissances qui arriveront chez nous dans quelques années.»
Parmi les travaux développés par Acome dans les câbles de données : du 10 gigas actuellement, et d’ici deux ans, du 100 gigas. «Nous avons investi dans des équipements d’extrusion haut de gamme à très haut niveau de concentricité qui nous permettront d’atteindre ce “n” giga a Wuxi», indique Philippe Rossier, directeur Recherche et innovation.
Répondre à la concurrence chinoise par la qualité
Le groupe qui compte 65% d’entreprises nationales parmi ses clients, a fait de la compétitivité commerciale son principal atout. «C’est la condition essentielle pour pénétrer le marché des fabricants de faisceaux chinois», explique Julien Adillon qui poursuit : «Il y a une guerre des prix qui s’est intensifiée ces cinq dernières années. Il a fallu travailler sur nos coûts internes et sur nos efficiences afin d’atteindre le “prix marché”, et ce, sans compromettre notre niveau de qualité ».
Le respect des standards qualité internationaux a joué en faveur du français face à ses concurrents. l’industriel qui réalise près de 70% de ses revenus à l’international chiffre ses ventes en Chine, selon les années, entre 50 et 80 millions d’euros.
Mais l’aventure chinoise ne se limite pas qu’à servir les fournisseurs de rang 1. «Être fournisseur pour des marques comme BYD, Geely, Changan… est stratégique. Cela va nous aider demain en Europe», avance Frédéric Briand évoquant l’arrivée de ces acteurs sur le vieux continent.
20 millions d’euros d’investissement dans les faisceaux électriques
Nommé à la tête du groupe depuis juin, le PDG en est certain : «Les constructeurs ne pourront pas faire seulement avec leurs fournisseurs nationaux. Ils devront aussi compter sur des entreprises européennes». Celles qui ont fait leur preuve en Chine auront une carte à jouer, estime le dirigeant qui compte bien faire partie des élus. Le groupe se prépare d’ailleurs à accompagner la hausse de la demande en câbles de puissance, ces câbles installés entre la batterie et le moteur des véhicules électriques. Sur son vaste site de Romagny-Fontenay (Manche) qui regroupe six usines et emploie 1000 personnes, 20 millions d’euros ont été investis dans l’auto depuis 2022, notamment dans des lignes de fabrication de ces gros câbles conçus pour supporter des tensions de 400 à 800 V. «On a doublé notre capacité de production en passant de 15 à 30000 km entre 2022 et 2025», indique Christian Romero, directeur industriel qui prévoit 10000 kilomètres supplémentaires tous câbles confondus en 2027. Malgré la morosité des marchés automobiles français et européens, Acome demeure confiant. Ses prévisions sur l’activité (qui pèse actuellement 55 % du chiffre d’affaires) sont optimistes. En dépit du rétropédalage européen sur la généralisation du 100% électrique en 2035, Acome prévoit que 65% de ses revenus seront réalisés par le câble automobile d’ici deux ans, soit autant que la fibre optique il y a trois ans. La Chine n’y sera pas pour rien.


