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Les investissements dans les centres de calcul ont atteint un montant record de 61 milliards de dollars en 2025

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Lu il y a 10 minutes



Des chiffres exorbitants, un sommet historique atteint en 2025, une demande toujours plus forte… Alors que l’année touche à sa fin, L’Usine Digitale vous propose un bilan des investissements réalisés cette année dans les data centers et des différentes problématiques soulevées au travers de cette croissante pour le moins inédite.

La nouvelle ruée vers l’or de l’intelligence artificielle générative ne se joue pas seulement dans les modèles ou les algorithmes. Elle se joue désormais dans le béton, le cuivre, les transformateurs électriques et les mégawatts disponibles. Partout dans le monde, une course d’une ampleur inédite est engagée pour construire et financer les centres de calcul capables d’alimenter l’IA générative. Derrière les annonces technologiques, ce sont des investissements industriels colossaux qui redessinent la géographie du numérique mondial.

Des dizaines de milliards engagés pour ces centres de calcul

Depuis deux ans, les montants engagés dans les data centers explosent. En 2025, les transactions liées aux centres de données ont dépassé les attentes, atteignant un montant record de 61 milliards de dollars (environ 52 milliards d’euros), comme le rapporte le S&P Global Market Intelligence, stimulé par la demande des infrastructures d’IA malgré certaines inquiétudes des investisseurs sur les valorisations sectorielles.

Plus de 100 transactions de centres de données ont ainsi été recensées au cours des onze premiers mois de l’année, pour une valeur totale qui dépasse déjà celle de toutes les transactions réalisées en 2024, selon les données de S&P Global Market Intelligence. La majorité de ces transactions ont eu lieu aux États-Unis, suivis par la région Asie-Pacifique.

Au premier rang de cette effervescence, les géants technologiques multiplient les projets à plusieurs milliards de dollars (voire des dizaines), souvent en partenariat avec des fonds d’investissement, des énergéticiens ou des acteurs du nucléaire.

Amazon, Google, Meta, Microsoft en tête

Méta finance à hauteur de 27 milliards de dollars un campus géant de plusieurs gigawatts en Louisiane (Hyperion), Microsoft sécurise des capacités électriques équivalentes à celles d’un parc nucléaire (incluant un contrat portant sur 10,5 GW de nouvelles capacités renouvelables aux États-Unis et en Europe) tandis que Google investit directement dans des producteurs d’énergie pour verrouiller son approvisionnement (référence au rachat d’Intersect Power, une société spécialisée dans l’énergie des centres de données pour 4,75 milliards de dollars).

De son côté, Amazon accélère en Asie comme en Europe, sans pour autant négliger sa terre natale : le géant du cloud, qui construit depuis plusieurs années des infrastructures pour le gouvernement américain et ses agences, veut aller plus loin en leur donnant accès à des outils d’IA et prévoit, en conséquence, de bâtir des centres de calcul pour l’équivalent de 1,3 GW de capacité énergétique… Enfin, rappelons le projet Stargate, initié en janvier 2025, qui vise à sécuriser 10 gigawatts pour quelques 500 milliards engagés par plusieurs acteurs, notamment OpenAI, Oracle, ainsi que SoftBank. L’initiative avance progressivement avec des objectifs toujours ambitieux.

Une échelle complètement démesurée

Tous ces projets ont un point commun : leur échelle. Là où un centre de données qualifié de classique affiche généralement une puissance comprise entre 10 et 25 mégawatts, un centre de calcul taillé pour l’IA peut dépasser 100 mégawatts, une puissance équivalente à la consommation annuelle d’environ 100 000 foyers. L’inférence, c’est-à-dire la phase d’utilisation des modèles par les utilisateurs finaux, représenterait à elle seule entre 80 et 90% de la puissance de calcul mobilisée par l’IA, ce qui ancre la consommation énergétique dans la durée, bien au-delà des phases ponctuelles d’entraînement.

À ce niveau, chaque site devient un acteur à part entière du système électrique local. Un seul campus pouvant consommer autant d’électricité qu’une ville moyenne. Cette industrialisation du numérique marque une rupture : l’IA n’est plus seulement une affaire de logiciels, mais une industrie lourde. Et elle repose sur une contrainte centrale : l’énergie.

Une consommation qui pourrait atteindre 945 TWh en 2030

À l’échelle mondiale, les centres de données représentent aujourd’hui environ 1,5% de la consommation totale d’électricité, soit 415 térawattheures en 2024. Ce chiffre peut sembler modeste rapporté à la consommation globale, mais il masque des réalités locales beaucoup plus marquées. Aux États-Unis, les centres de données concentrent déjà 4,4% de la demande électrique nationale, contre 2,3% dans l’Union européenne, 1,5% au Japon et 1,1% en Chine.

Pour prendre le cas de la France, la consommation des centres de données, estimée à 10 TWh au début des années 2020, pourrait atteindre 12 à 20 TWh en 2030. Plus inquiétant encore, la consommation mondiale pourrait “au moins plus que doubler d’ici 2030″ pour atteindre environ 945 TWh, sous l’effet combiné de la numérisation de l’économie et de l’essor de l’IA, comme le souligne l’Autorité de la concurrence dans sa dernière étude publiée ce mois-ci et rendant compte de l’impact environnemental de l’IA générative (faisant ainsi suite à un premier avis rendu en juin 2024 sur le fonctionnement concurrentiel du secteur).

Une mainmise sur l’énergie

Dans ce contexte, l’accès à une énergie abondante, décarbonée et prévisible devient un avantage stratégique décisif. Les grands acteurs américains l’ont compris depuis longtemps. Ils signent des contrats d’achat d’électricité de long terme, investissent dans les renouvelables, s’intéressent de près au nucléaire – y compris aux petits réacteurs modulaires (SMR) ou à la fusion – et n’hésitent plus à intégrer l’énergie dans leur stratégie industrielle.

L’objectif est double : sécuriser l’approvisionnement et stabiliser les coûts, dans un environnement où l’électricité peut représenter entre 30 et 50% des charges d’exploitation d’un centre de données.

Un vent de panique souffle sur l’Amérique, un nouvel élan pour l’Europe ?

Le résultat de ce mouvement est sans appel : près de la moitié de la capacité américaine est regroupée dans seulement cinq grands pôles régionaux, ce qui accentue les tensions locales sur les réseaux électriques. L’Europe et la France apparaissent alors comme des terrains attractifs. La France, en particulier, dispose d’un atout rare : une électricité massivement décarbonée, un réseau robuste et des prix historiquement compétitifs pour les acteurs électro-intensifs.

Résultat, Paris est devenue la troisième place européenne pour les centres de données – comptant 683 MW de capacité installée fin 2024, derrière Francfort (environ 2 900 MW) et Londres (1 000 MW), pour environ 322 centres de données. De fait, la consommation électrique du secteur pourrait atteindre jusqu’à 28 TWh en 2035, soit près de 4% de la consommation nationale. Le gouvernement français multiplie d’ailleurs les annonces pour accélérer les implantations, simplifier les procédures et attirer les investissements.

Des tensions au niveau des ressources

Mais cette ruée n’est pas sans contrepartie. Derrière les mégadeals et les chiffres spectaculaires, les tensions s’accumulent sur les réseaux électriques, le foncier, l’eau et, plus largement, sur l’acceptabilité environnementale de ces infrastructures. En France, les centres de données ont déjà prélevé environ 0,6 million de mètres cubes d’eau en 2023, avec une croissance annuelle proche de 20%, sans compter les prélèvements indirects liés à la production d’électricité. Dans certaines régions, la question n’est plus de savoir si des centres de données peuvent être construits, mais s’ils peuvent être alimentés sans évincer d’autres usages industriels ou résidentiels.

C’est sur ce point précisément qu’intervient l’analyse de l’Autorité de la concurrence, publiée la semaine dernière. Plutôt que de se prononcer sur l’opportunité environnementale de l’IA, elle pose une question plus structurelle : que fait cette course aux infrastructures énergivores à la concurrence ? Son constat est clair : l’accès à l’énergie, au réseau et à l’information environnementale est en train de devenir un nouveau facteur de différenciation concurrentielle majeur.

Un marché qui se structure autour des ressources

En creux, l’étude dessine ainsi une perspective plus large : la structuration du marché de l’IA ne se jouera pas uniquement sur la qualité des modèles, mais sur la capacité à maîtriser les ressources physiques qui les rendent possibles. Électricité, eau, foncier, réseau : ces contraintes, longtemps périphériques dans le débat technologique, deviennent centrales.

Et à mesure que les investissements s’accélèrent et que les projets de “campus de centres de calcul” se multiplient, elles pourraient bien décider quels acteurs domineront durablement l’IA mondiale — et lesquels resteront en marge.



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