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Face au besoin d’énergie des datacenters et à la pénurie de turbines à gaz, les Etats-Unis appellent l’aéronautique à la rescousse

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Lu il y a 7 minutes


Aux Etats-Unis, la frénésie autour de l’intelligence artificielle génère de vives tensions sur les chaînes d’approvisionnement des équipements fonctionnant au gaz naturel, plébiscité pour alimenter les centres de données. Afin de répondre à la demande, plusieurs start-up développent des solutions inspirées de l’aéronautique, dont les moteurs ne sont pas si éloignés des turbines.

Porté sur le devant de la scène depuis l’essor de ChatGPT, l’écosystème de l’intelligence artificielle a-t-il formé une bulle spéculative, prête à imploser ? Si les doutes s’accumulent, la fièvre des datacenters, colonne vertébrale de la filière, ne retombe pas.

Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale d’électricité de ces infrastructures devrait plus que doubler d’ici à 2030, jusqu’à atteindre environ 945 TWh, soit environ la consommation actuelle du Japon. Les Etats-Unis, berceau des plus puissants géants du numérique, entendent bien conserver leur rang dans cette nouvelle bataille, et investissent donc massivement pour développer des centres de données.

Mais encore faut-il réussir à alimenter ces machines, particulièrement gourmandes en énergie. Ouvertement opposée aux énergies renouvelables, l’administration Trump mise avant tout sur le gaz naturel, qui pèse déjà 40% dans le mix électrique du pays. Selon le département de l’énergie des Etats-Unis, 19 GW de capacités supplémentaires seront installées en moyenne chaque année sur la période 2025-2030, contre 9 GW sur la période 2010-2024. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à opter pour cette source d’énergie fossile : le cabinet Rystad estime que les commandes mondiales de turbines à gaz s’élèveront à 85 GW en 2025, soit 50 % de plus qu’en 2024.

Jusqu’à sept ans d’attente

Face à cet engouement généralisé, les tensions d’approvisionnement se multiplient et frôlent parfois la pénurie. Dans certains pays, il faut aujourd’hui patienter cinq, voire sept ans pour recevoir une turbine à gaz, contre deux ou trois ans maximum il y a encore quelques années. Des délais qui s’expliquent notamment par la concentration de la production : GE Vernova, Siemens Energy et Mitsubishi Heavy Industry fournissent plus de 70% des capacités mondiales livrées chaque année. Les trois concurrents, dont les cours se sont logiquement envolés en Bourse, ont d’ores et déjà prévenu que les nouvelles commandes ne seraient pas honorées avant 2028, voire 2030. Ils assurent qu’ils vont rapidement accroître leurs capacités de production, Mitsubishi prévoyant par exemple un doublement en deux ans, mais ces expansions sont souvent victimes de retards.

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Aux Etats-Unis, où la demande de turbines à gaz a presque été multipliée par deux en seulement un an, engendrant ainsi une explosion des prix, d’autres voies sont donc explorées pour répondre aux besoins colossaux et exponentiels des centres de données, notamment du côté de… l’aéronautique. Pour les connaisseurs, rien de bien surprenant jusque-là : cela fait près de 60 ans que les fabricants de turbines à gaz parviennent à convertir des moteurs d’avion en systèmes d’électricité stationnaire, alors baptisés «turbines à gaz aérodérivées». Ces machines se sont d’ailleurs taillé une place de choix sur le marché grâce à leur légèreté et leur facilité d’entretien.

Des turbines supersoniques

En octobre, la société ProEnergy a décidé de pousser un cran plus loin cette logique, en proposant de donner une seconde vie aux moteurs d’avions usagés. Concrètement, elle récupère les cœurs des moteurs CF6-80C2, équipant par exemple les Boeing 747, et les associe à des pièces neuves pour former ses turbines PE6000. Dotées d’une capacité de 48 MW, elles seront livrées dès 2027, garantit l’entreprise états-unienne, qui rappelle que 1000 moteurs d’avions pourraient être mis hors service au cours des dix prochaines années. Ses promesses semblent faire mouche : selon son dirigeant, 21 turbines à gaz ont déjà été vendues pour deux projets de datacenters, représentant 1GW de capacité.

La start-up Boom cherche elle aussi à s’imposer sur ce segment prometteur. Fondée en 2014, elle est surtout connue pour son projet d’avion supersonique, baptisé Overture. Son démonstrateur (de taille réduite) a d’ailleurs franchi le mur du son en janvier 2025, une première pour un appareil privé depuis le Concorde. Le 9 décembre, elle a annoncé avoir levé 300 millions de dollars pour livrer, à partir de 2027, une turbine à gaz dérivée de son moteur supersonique. Celle-ci affiche 42 MW et peut fonctionner en continu, même lorsque les températures dépassent les 40°C. Des performances qui ont séduit Crusoe, une entreprise spécialisée dans les centres de données, qui s’est engagée à acheter 29 turbines à Boom, pour 1,25 milliard de dollars. La pépite de l’aéronautique espère atteindre 4 GW de capacités de production à l’horizon 2030.

La quête de solutions plus vertes

En parallèle, des solutions similaires mais plus écologiques sont en train d’émerger. Fondée en 2022 par des anciens de SpaceX, la start-up Arbor a annoncé fin octobre avoir levé 55 millions de dollars pour développer une turbine d’un nouveau genre, «conçue pour contourner les goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement». Sa technologie repose sur un système d’oxycombustion : elle brûle le gaz naturel avec de l’oxygène pur tout en augmentant la pression afin d’obtenir du CO2 supercritique, qui actionne la turbine. Déjà concentré, le CO2 peut ensuite être capté et stocké facilement, ce qui amène l’entreprise à vendre un procédé «zéro émission». Un pilote de 1 MW sera lancé prochainement et les premières turbines commerciales, de 25 MW, sont attendues en 2028.

Initialement, la start-up prévoyait même d’utiliser plutôt de la biomasse en guise de combustible, permettant ainsi de produire de l’énergie à bilan carbone négatif. Elle a finalement choisi un fonctionnement omnivore, craignant de limiter sa portée face à la moindre disponibilité des ressources en bois et en déchets agricoles. Une volte-face regrettable, mais négligeable face à celle de plusieurs pays d’Asie qui, faute de turbines à gaz, prévoient uant à eux de rouvrir des centrales à charbon pour faire tourner leurs centres de données.



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