
Faute de politique climatique européenne stable et de cadre réglementaire clair, le pionnier français de l’hydrogène vert Lhyfe annonce un recentrage de ses activités et une réorganisation.
Nécessité fait loi. Le pionnier français de la production d’hydrogène vert, Lhyfe, doit se résoudre à répondre au méga appel d’offres de TotalEnergies, qui cherche 500000 tonnes d’hydrogène vert par an pour réduire les émissions de ses raffineries. Pourtant, Matthieu Guesné, fondateur et président-directeur général de la start-up, qui avait jusque-là boudé ce marché, estimant que pour décarboner les transports, mieux valait «remplir directement un réservoir» d’hydrogène, plutôt que de décarboner la production de carburant.
Problème : hormis en Allemagne et quelques territoires en France, la mobilité hydrogène n’a toujours pas de cadre réglementaire clair en Europe. Idem pour la décarbonation de l’industrie, second marché visé par Lhyfe en Europe. Cinq ans après le plan hydrogène européen visant 40 GW d’électrolyse installés en 2030, seuls environ 600 MW sont en production, soit 1,5 % de l’objectif. Lhyfe y contribue, avec 22 MW d’électrolyse installés en France et en Allemagne et 15 MW en construction. Grâce à la constitution d’une chaîne logistique complète pour livrer l’hydrogène en station, la start-up a quand même réussi à se développer dans la mobilité locale, lui permettant de doubler son chiffre d’affaires en 2025, atteignant 10 millions d’euros.
Réduire les coûts (et l’effectif) de 30%
Mais l’horizon s’est bouché. Malgré 55 projets en portefeuille visant notamment l’industrie en Europe, la start-up est bloquée dans son développement. Le projet de 200MW pour le fabricant d’engrais Yara en Normandie n’avance pas. Matthieu Guesné doit réduire ses coûts de 30% et a décidé de recentrer les activités du groupe sur les rares marchés porteurs de l’hydrogène vert, bénéficiant d’un cadre réglementaire clair : les raffineries en Europe et l’industrie du Royaume-Uni. Il y a outre-Manche «le mécanisme Hydrogen Allocation Round ou HAR, qui permet à un producteur d’hydrogène et son client de participer à un appel d’offres et de bénéficier de soutien à la production qui ramène le prix de l’hydrogène au niveau de celui du gaz naturel», explique Matthieu Guesné. Lhyfe a déjà deux projets avancés dans la chimie et les matières premières.
Mais ces nouveaux marchés ne peuvent pas être visés avec des centrales de 5 à 10 MW d’électrolyse, comme Lhyfe sait les construire. Il faut des unités plus puissantes, développées et construites par des partenaires dont c’est le métier. Ce changement de stratégie va donc obliger Matthieu Guesné à réduire son effectif. À ce stade, il ne donne pas de chiffre précis de suppression d’emplois, mais le plan sera «en cohérence avec les 30% de réduction des coûts». À fin 2025, Lhyfe emploie « 170 à 180 personnes en Europe » dont «130 à 140 en France», indique le PDG de la start-up. Une cinquantaine de postes seraient donc menacés.


