
La société innovante d’Aubagne, Ipsomedic, cherche un repreneur pour poursuivre son projet de relocalisation, en France et en Europe, de principes actifs, tels que le paracétamol. A Toulouse, Ipsophène, qui a fait l’acquisition d’une licence de procédé pour se lancer dans la production de paracétamol, rassure. Son projet pourra être poursuivi, même en cas de liquidation d’Ipsomedic.
Le 8 janvier 2026 représente la nouvelle date limite pour le dépôt des offres de reprise de la société Ipsomedic, qui a été placée en redressement judiciaire le 17 novembre dernier. Située à Aubagne, dans le département des Bouches-du-Rhône, Ipsomedic est une entreprise spécialisée dans la recherche en chimie fine et le développement de procédés innovants pour la fabrication de principes actifs pharmaceutiques (API) et cosmétiques, en utilisant notamment la chimie en flux. La société, qui emploie 17 personnes pour un chiffre d’affaires de 630 K€, traverse actuellement des difficultés financières « en raison de problèmes commerciaux avec un client stratégique », selon les informations publiées par La Provence.
Pas de remise en question du projet toulousain d’Ipsophène
Parmi ses récents succès, Ipsomedic est à l’origine d’un procédé novateur de production de paracétamol, pour lequel Ipsophène a acquis une licence dans le but de l’industrialiser à Toulouse. En cas de liquidation d’Ipsomedic, le projet toulousain ne devrait pas être remis en question. « Ipsophène est totalement indépendante d’Ipsomedic et poursuivra la mise en œuvre de son projet. Nous allons réaliser, avec d’autres sous-traitants, les derniers essais préalables à la finalisation de la ligne de production », explique-t-on du côté d’Ipsophène.
Ipsomedic a été fondée en 2019 par Édith Lecomte-Norrant, une spécialiste du génie des procédés. Docteure en génie chimique, elle a commencé sa carrière au CNRS, à l’ENSIC de Nancy, avant de rejoindre Rhône-Poulenc à Lyon, puis Rhodia à sa création en 1999, et enfin Pierre Fabre en 2005, et UCB à partir de 2007. Tous les postes qu’elle a occupés l’ont amenée à concevoir de nombreuses innovations, telles qu’un procédé de cristallisation permettant de maîtriser finement la taille des cristaux et le polymorphisme, ou un réacteur continu gaz-liquide-solide, particulièrement efficace pour les réactions sous pression, comme l’hydrogénation.
La production de paracétamol revisitée
Concernant le procédé de synthèse du paracétamol, il a été conçu par Édith Lecomte-Norrant pendant la crise du Covid-19, qui a conduit à une prise de conscience de la dépendance excessive de l’Europe à la fabrication asiatique pour de nombreuses molécules essentielles. Actuellement, trois voies principales coexistent pour la synthèse du paracétamol : le procédé Rhône-Poulenc à partir de phénol, le procédé Mallinckrodt, utilisé aux États-Unis à partir de nitrobenzène, et le procédé dit “Chinois”, basé sur le chlorobenzène. « Lorsque j’étais confinée en mars 2020, j’ai entrepris une étude bibliographique et j’ai trouvé un procédé grâce à mes outils », expliquait Édith Lecomte-Norrant en 2023. Elle a choisi le procédé Rhône-Poulenc tout en proposant une variante totalement repensée, utilisant un système de chimie en continu, automatisé et piloté par les dernières technologies digitales. Ce procédé est présenté comme compétitif par rapport aux coûts de production pratiqués en Asie et, surtout, il est plus respectueux de l’environnement, avec une réduction de 95 % des déchets générés.
Autorisation environnemental pour Ipsophène
Concernant la future usine toulousaine d’Ipsophène, sa dernière actualité date d’octobre dernier avec la délivrance de son autorisation environnementale de la part du préfet de la région Occitanie et de la Haute-Garonne. Son p-dg Jean Boher espérait toujours pouvoir démarrer la ligne de production début 2027, avec une commercialisation des premiers lots prévue pour la fin de cette même année, après obtention des autorisations nécessaires. L’unité étant conçue pour produire 4 000 tonnes/an de principes actifs à pleine capacité.
De son côté, le groupe lyonnais Seqens prévoit toujours l’achèvement de la construction de sa nouvelle unité de production de paracétamol à Roussillon (Isère) pour le premier trimestre 2026, avec un démarrage de la production commerciale prévu pour la fin de 2026 ou le début de 2027, tout en affichant une empreinte carbone réduite de 75 % (scope 1 et 2).
Quelques données de marché…
Le marché mondial du paracétamol (API) était évalué à 1 268 millions de dollars en 2024 et devrait atteindre 1 522 millions de dollars d’ici 2032. Parmi les principaux acteurs figurent Mallinckrodt, Anqiu Lu’an, Granules India, Farmson, Hebei Jiheng, Zhejiang Kangle, Sri Krishna Pharma et Anhui BBCA Likang, selon des informations publiées sur le site d’Intermarket Research. Le prix indien qui avait atteint 11-12 $/kg en pleine crise du Covid aurait chuté aujourd’hui aux alentours de 3 $/kg. En Chine, les prix peuvent être légèrement plus élevés qu’en Inde mais restent très compétitifs par rapport aux marchés occidentaux.


