
Le 19 décembre 2025, l’État a tranché sur l’avenir de l’appellation «eau minérale naturelle» de Perrier à Vergèze. Malgré des épisodes répétés de non-conformité microbiologique constatés en 2025, Nestlé Waters est autorisé à poursuivre l’exploitation de deux forages, sous surveillance sanitaire renforcée.
Après plusieurs mois de controverses sur la qualité sanitaire de ses eaux et ses procédés industriels, Nestlé Waters a obtenu l’autorisation de poursuivre l’exploitation de sa marque phare Perrier sous l’appellation «eau minérale naturelle».
Par un arrêté préfectoral publié le vendredi 19 décembre et révélé par Radio France et Le Monde, le préfet du Gard, Jérôme Bonet, autorise l’industriel à exploiter deux forages de son site de Vergèze (Gard), tout en imposant un encadrement sanitaire renforcé.
Les autorités françaises avaient initialement jusqu’à la fin du premier trimestre 2026 pour se prononcer. La décision est finalement intervenue juste avant les fêtes de fin d’année, à l’issue d’une instruction menée par l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie sur la base de l’avis d’un hydrogéologue agréé, qui s’était prononcé «favorablement sous réserves» fin novembre 2025.
Deux forages autorisés, trois définitivement arrêtés
Concrètement, l’arrêté autorise Nestlé Waters à exploiter, «après traitement et renforcement au gaz carbonique», l’eau issue du mélange des captages Romaine VI et Romaine VII, seuls forages encore autorisés sur le site gardois. Les trois autres forages, pour lesquels l’industriel n’avait pas déposé de demande d’autorisation, ne sont plus autorisés à l’exploitation et devront être démantelés.
Cette autorisation est accordée pour une durée de 24 mois. Durant cette période, Nestlé Waters devra renforcer la surveillance microbiologique et physico-chimique des eaux brutes, avec notamment un suivi hebdomadaire des paramètres microbiologiques sur les forages. À l’issue de ce délai, l’entreprise devra transmettre un bilan destiné à attester «la pureté originelle de l’eau, la stabilité de sa composition minérale et la protection suffisante de la nappe exploitée». En cas de dépassement des valeurs limites réglementaires, l’arrêté prévoit l’arrêt immédiat des forages concernés.
Des contaminations répétées en 2025
Cette décision intervient dans un contexte industriel déjà tendu pour le site de Vergèze. Le 4 décembre 2025, des milliers de palettes de bouteilles Perrier avaient été bloquées à la suite d’analyses microbiologiques non conformes. Selon un décompte publié par l’ARS Occitanie, depuis le 30 avril 2025, date du passage à une microfiltration à 0,45 micron, 9534 palettes ont été bloquées, dont 34 détruites et 2415 encore en attente de résultats, représentant plusieurs millions de bouteilles. L’ARS avait également confirmé que le forage Romaine VI avait été arrêté le 23 novembre 2025 après la détection de la bactérie pathogène Pseudomonas aeruginosa, avant d’être remis en service après contrôle par l’exploitant. Selon un rapport de synthèse de l’ARS daté du 8 décembre 2025, consulté par la cellule investigation de Radio France, 30 dépassements des valeurs limites réglementaires ont été enregistrés entre le 1er janvier et le 1er novembre 2025, notamment en coliformes et en Pseudomonas aeruginosa sur les eaux brutes des forages.
La microfiltration à 0,45 micron au cœur du dossier
Le débat porte également sur les procédés de traitement de l’eau. En 2024, Nestlé Waters avait reconnu avoir utilisé par le passé des traitements interdits pour ses eaux minérales, remplacés ensuite par une microfiltration à 0,2 micron, dont la conformité réglementaire a été contestée. L’industriel est ensuite passé à une microfiltration à 0,45 micron, ce qui l’a conduit à déposer en juillet 2025 de nouvelles demandes d’autorisation préfectorale.
Dans son arrêté, la préfecture indique que Nestlé n’a «démontré que partiellement», en raison du faible nombre d’analyses, que les dispositifs de filtration encore en place n’ont pas d’impact sur le microbisme naturel de l’eau, toute désinfection étant interdite pour une eau minérale naturelle. L’entreprise dispose d’un délai d’un an pour fournir une étude complémentaire sur l’effet de cette microfiltration, selon un protocole défini avec l’ARS Occitanie.
Dans un communiqué publié le 19 décembre et cité par l’AFP, Nestlé Waters salue une décision concernant une marque «emblématique du patrimoine français» et évoque «un soulagement pour les équipes» ainsi qu’«une nouvelle importante pour le territoire gardois».


