
En cinq ans, le nombre d’offres d’emploi cadres recherchant des compétences vertes a fortement progressé, une hausse qui concerne toutes les fonctions, techniques et non techniques, montre une étude publiée le 18 décembre par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). C’est chez les cadres de la maintenance industrielle et les ingénieurs d’affaires de l’industrie et du BTP que ces compétences sont les plus recherchées.
Les entreprises ont de plus en plus besoin de cadres pour leurs métiers environnementaux, en gestion des risques environnementaux, en dépollution, en énergie et eau, par exemple. Mais elles recherchent aussi de plus en plus de compétences techniques vertes dans d’autres métiers cadres, moins spécialisés mais stratégiques pour la décarbonation, comme les métiers des achats, de la qualité, des finances…
Selon une étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) sur la présence de 600 termes liés à la décarbonation dans ses offres d’emploi, le nombre d’offres mentionnant une compétence verte a progressé de 7% entre 2019 et 2024. C’est chez les cadres de la maintenance industrielle que la recherche de ces compétences est la plus élevée : 39% des offres y font référence en 2024, contre 29% en 2019. Même taux pour les ingénieurs d’affaires de l’industrie et du BTP, en progression de deux points. Autres métiers techniques concernés par cette attente : ceux de l’ingénierie industrielle (32% des offres en 2024 contre 22% en 2019) et de la R&D (30% des offres, contre 15% en 2019). Globalement en hausse de 10 ou 15 points en cinq ans, la recherche de compétences vertes concerne donc désormais un tiers environ des offres d’emplois cadres non spécialisés sur l’environnement.
Les compétences vertes techniques les plus recherchées sont liées à l’énergie : génie thermique ou énergétique ; conception, installation, commercialisation des énergies renouvelables. L’enquête montre aussi que des compétences vertes non techniques et transversales sont attendues sur une majorité de postes : une bonne connaissance des enjeux de la transition écologique et énergétique et de ses concepts est attendue dans quatre fois plus d’offres d’emploi qu’il y a cinq ans (dans 21 500 offres) ; une bonne maîtrise des normes et réglementations, notamment dans les métiers RH, des achats ou du financement, est également un plus pour décrocher un poste. C’est l’un des enseignements de cette étude: les candidats doivent plus que jamais utiliser, dans leurs CV et lettres de candidatures, des termes évoquant leurs compétences vertes, s’ils veulent être repérés par les recruteurs!
De nouveaux métiers émergent
La plupart des métiers existants évoluent vers la décarbonation, mais quelques métiers spécifiques à cet enjeu émergent, selon l’examen des offres publiées par l’Apec. Comme le chef de mission CSRD, chargé de rassembler les données environnementales et sociales de son entreprise afin de proposer des initiatives responsables et une conformité aux directives européennes. Ou encore le Green IT Manager, «chef d’orchestre du numérique responsable», appelé notamment à gérer la consommation énergétique liée au numérique. Dans l’automobile, l’Apec a identifié le métier d’«architecte électrique électronique», chargé du pilotage de l’architecture des systèmes électriques et électroniques des véhicules électriques. Il n’est pas nouveau, mais va devenir stratégique et plus répandu, note l’Apec. Dans la métallurgie, c’est le chef de projet décarbonation qui devient indispensable.
La décarbonation de l’économie redistribue les cartes des compétences-clé des métiers cadres, elle a également un impact sur la disparition et la création d’emplois. Selon un scénario établi en 2022 par la Dares et France Stratégie, une stratégie bas-carbone ambitieuse se traduirait par la création de 197000 emplois supplémentaires à horizon 2030 par rapport à ce que produirait l’économie si rien ne changeait. Sur ce total, seules 32000 concerneraient les cadres, a calculé l’Apec, dont 2400 seulement des ingénieurs et cadres techniques de l’industrie, mais 7700 des cadres des services administratifs et financiers. Les compétences vertes sont désormais indispensables bien au-delà des métiers techniques.
Mais l’Apec met en garde : d’une part, le marché de l’emploi cadre se tend depuis 2024, et d’autre part, depuis les projections de 2022, la stratégie bas carbone a été revue à la baisse, et les investissements climat diminuent de 5%. «La capacité des entreprises à investir sur des projets de décarbonation pourrait en être affectée, comme les opportunités d’emploi associées», écrit l’Apec.
Sébastien Thernisien, responsable des études à l’Apec, préfère rester optimiste : «on observe effectivement un frein sur les investissements de la décarbonation, avec un impact sur l’emploi, mais il n’est sans doute que temporaire, lié aux instabilités économiques et politiques du moment. On va perdre un peu de temps, mais la tendance de long terme est là.»


