L’originalité du projet européen Interreg AntiRési : l’exploration de différentes méthodes de fonctionnalisation de surfaces et de traitement de surfaces pour les dispositifs médicaux (DM) en polymères, tissus et composites.
L’antibiorésistance représente aujourd’hui l’une des menaces sanitaires majeures au niveau mondial, compromettant l’efficacité des traitements médicaux et mettant en danger la santé humaine et animale. Selon les experts des DM (Dispositifs Médicaux), près de 50% des infections sont liés aux DM. Stéphane Hocquet, chercheur au centre de recherche de l’industrie belge de la céramique, CRIBC, et coordinateur du projet AntiRési, lancé en juin dernier, illustre le défi : « globalement, un matériau est qualifié antibactérien lorsqu’on peut réduire le nombre de bactéries d’un facteur 1 000 en moins d’une heure »; la prolifération est très rapide.
Le consortium AntiRési (CRIBC, iTheMM de l’université de Reims, Centexbel, Ceramaths de l’université polytechnique des Hauts-de-France, EuraMaterials) représente l’ensemble de la chaîne de valeur (matériaux, procédés, caractérisations) pour développer et proposer des solutions innovantes de lutte contre la biorésistance des DM métalliques, céramiques, polymères, textiles et composites. L’enjeu est de taille au regard de la variété des DM. En considérant l’exemple du traitement des plaies, de la plaie chronique à la plaie aigüe, il existe une variété de DM tels les bandes de compression, compresses, pansements, etc. pour lesquels les tests de performance sont une étape incontournable pour répondre aux exigences de sécurité et de conformité règlementaire (bandes de compression, compresses, pansements…).
Le textile en phage, une approche nouvelle et récente
Ceramaths Si les tests de performance des DM sont encadrés par les normes de la série EN 13726 pour les pansements en contact avec la plaie en termes d’absorption, de perméabilité à la vapeur d’eau, ou d’imperméabilité à l’eau et d’extensibilité, très peu de tests standardisés existent pour évaluer les activités microbiennes des différents matériaux des DM. Pour revêtir ou fonctionnaliser les textiles médicaux comme le bandage, Stijn Van Vrekhem, chercheur en coating et finition chez Centexbel, résume l’état de l’art : « la solution antimicrobienne repose souvent sur un agent actif dont le mécanisme est limité dans le temps après un cycle de lavage par exemple. La durabilité est un des défis importants pour ces revêtements ». Parmi les solutions développées par le consortium, la fonctionnalisation des textiles par des phages; l’approche est innovante. Abondants dans la nature et faciles à cultiver, les phages ont besoin de cellules hôtes comme les bactéries E.Coli, indésirables pour les DM, pour vivre. Dès lors que les phages sont présents dans les DM infectés ; « la technologie des phages est prometteuse pour revêtir les tissus médicaux en raison de leur capacité à détruire les bactéries. Nous sommes au stade d’exploration pour leur développement.», explique Stijn Van Vrekhem (Centexbel).
Des solutions prêtes pour un transfert technologique
Membre du consortium, Ceramaths fournit les phages et synthétise également la formulation des revêtements des polymères et composites pour les DM afin de leur conférer la fonction antimicrobienne. Ici, le procédé de mise en œuvre d’un revêtement fonctionnel est à base de particules de phosphate de calcium (TCP triphosphate de calcium utilisées en implantologie pour la reconstitution de l’os) est innovant. Geoffrey Ginoux, Maître de conférences et chercheur au laboratoire ItheMM (institut de thermique, mécanique, matériaux) de l’Université de Reims, explique : « dans le cadre de ce projet, les polymères sont fabriqués par fabrication additive. Pour la fonctionnalisation antimicrobienne, le cuivre et /ou de l’argent, reconnus pour leur effet antimicrobien, sont incorporés directement dans les polymères ». Les résultats des tests antibactériens, selon la norme Iso 20743, montrent une efficacité des revêtements de particules de TCP dopés et ceux des revêtements à base de particules de zinc ZnO/TiO2 incorporés dans les composites et déposés par le procédé sol-gel.
AntiRési
AntiRési
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AntiRési Une démarche proactive
Plusieurs travaux de développement sont en cours comme la formulation pour le revêtement du polypropylène (PP) incorporant les particules de TCP dopé ou la fonctionnalisation de filaments polylactide chargés en phages, également développé par ItheMM et Ceramaths. A la croisée des sciences des matériaux et de la microbiologie, les solutions de chaque partenaire du consortium permettent de développer de surfaces capables de prévenir l’adhésion bactérienne et de réduire l’usage systématique des antibiotiques. « Des démonstrateurs sont prévus pour chaque matériau revêtu suivis par un transfert technologique vers les entreprises. C’est la démarche d’un projet collaboratif transfrontalier », conclut Stephane Hocquet, coordinateur d’AntiRési. Les méthodes décrites ci-dessus offrent une variété d’options pour la création de surfaces antibactériennes. AntiRési contribue ainsi à renforcer les capacités de recherche et d’innovation de la région et à soutenir la croissance économique tout en améliorant la santé publique. A termes d’AntiRési, Cédric Aznal, chargé d’affaires et de projets, EuraMaterials, dessine la suite : « des ateliers sont prévus pour communiquer les résultats, un réseau d’excellence sera disponible pour les industriels et un guide méthodologique sont également prévus pour promouvoir les solutions disponibles ».
En bref
Le projet AntiRési a démarré en juillet 2024 pour une durée de 48 mois avec un budget total de près de 3 480 961 M€. Il s’inscrit dans le cadre du programme Intereg FWVL (France-Wallonie-Vlaanderen) dont la priorité est de soutenir les entreprises, la croissance, la relance de l’activité économique via l’innovation et la recherche appliquée en développant les technologies de pointe, les capacités de recherche et d’innovation.
Site internet du projet : https://www.antiresi-interreg.eu
Hygiène et équilibre bactérien
À ce jour, divers travaux ont démontré que les plaies chroniques présentent très fréquemment un biofilm à leur surface (entre 23 % et 80 % des plaies selon les études). Il s’agit de « communautés de microorganismes très complexes et très dynamiques ayant la particularité de s’associer les unes aux autres et de sécréter, sur la surface de la plaie, une pellicule très solide formant une sorte de matrice protectrice », explique Jérôme Martinache, directeur des affaires médicales, des affaires publiques et de la communication au sein des laboratoires Paul Hartmann. Elles favorisent ainsi la prolifération de bactéries et de champignons, tout en les protégeant contre l’action des antiseptiques et des antibiotiques locaux. « Ces biofilms sont d’autant plus délétères pour la cicatrisation qu’ils sont très insidieux et invisibles à l’œil nu, sauf au bout d’un certain temps, lorsqu’ils forment une substance épaisse, adhérente et blanchâtre », précise-t-il, tout en ajoutant que « pour lutter contre eux, la bonne combinaison consiste en un savonnage, une détersion et l’application d’un pansement adapté, par exemple de type irrigo-absorbant ». Leur détection précoce reste toutefois essentielle.
Source : Snitem Info (syndicat national de l’industrie des trechnologies médicales), automne 2025


