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“Nous voulons être les pionniers de l’IA dans l’immobilier”, Alexis de Nervaux, Icade

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Lu il y a 12 minutes



Acteur immobilier spécialisé à la fois sur le foncier et la promotion immobilière, Icade (filiale de la Caisse des Dépôts) a entrepris de transformer son organisation au travers d’un plan stratégique initié début 2025. Ses priorités : data, intelligence artificielle et cloud. Retour sur un chantier de taille.

L’Usine Digitale : Vous avez rejoint Icade (filiale du groupe la Caisse des Dépôts) il y a un an et demi en tant que Chief digital information officer (CDIO). Quelles sont vos fonctions au sein de de l’entreprise ?

Alexis de Nervaux : Il faut savoir qu’il y a eu un repositionnement de la DSI. Avant mon arrivée, cette dernière était rattachée à la direction financière. Il y a eu une volonté d’accélérer la transformation digitale et s’en est suivie la création d’un poste au COMEX du groupe avec un rattachement à la direction générale. J’ai donc pris ce poste le 1er juillet 2024.

A mon arrivée, j’ai fait faire un diagnostic 360 de la maturité digitale du groupe afin de savoir où nous en étions, quelle direction avait été prise. Suite à cette analyse – qui a mobilisé une soixantaine de personnes dans l’entreprise à tous les niveaux de l’organisation, que ce soit des administrateurs aux utilisateurs finaux -, il a été possible de se faire une idée du ressenti de chacun, des attentes, des axes d’amélioration, de ce qui fonctionnait bien.

C’est à partir de ce point que j’ai lancé une mission “Plan stratégique” à quatre ans fin 2024 qui a permis d’aboutir sur une trajectoire à la fois d’organisation, de gouvernance, budgétaire et évidemment autour de la data et de l’IA, avec une ambition forte de devenir les pionniers de l’IA dans l’immobilier.

Qu’en est-il de ce plan à l’heure actuelle ?

Ce plan a été validé en Comex au tout début de l’année 2025 et nous avons commencé à le dérouler avec, évidemment, un axe fort sur la data et l’IA. Nous avons décliné le sujet en trois volets différents : l’IA pour tous également appelée l’IA bureautique, l’IA for business (ou transformante) et l’IA de demain (expérimentation).

Il faut rappeler que l’IA, toute seule, ne sert pas à grand-chose. Si on injecte de la donnée de mauvaise qualité, il n’y a pas de miracle, ce sera mal exploité. Nous avons donc, au sein de la nouvelle organisation mise en place au 1er avril, recruté un chief data/AI officer, Emmanuel Noyer.

L’objectif est d’uniformiser toutes nos données, d’avoir des référentiels communs pour que cette data, ensuite, puisse être exploitée, que ce soit avec l’IA ou non, avec du reporting, des dashboards, la RPA potentielle, etc. Nous sommes dans l’immobilier : si on construit une baraque sans fondation, elle s’écroule. La data, l’architecture, l’infrastructure, notamment font partie de ces fondations que les non-experts ne voient pas.

Revenons sur votre plan en trois volets : commençons par l’IA que vous appelez “bureautique”, qu’en est-il ?

L’objectif, c’est de permettre aux salariés d’Icade de faire un premier pas dans l’IA avec une solution qu’ils peuvent utiliser au quotidien et qui leur apporte assez rapidement des gains de productivité, de qualité dans des tâches, notamment, répétitives. Faire du digital pour faire du digital, faire trois POC et communiquer à ce sujet, ce n’est pas du tout ma conviction. Le digital doit être un levier, quelque chose qui crée de la valeur pour l’utilisateur final.

Nous sommes donc partis de nos cas d’usage pour réaliser un comparatif de plusieurs solutions IA du marché et trouver celle qui correspond le plus à nos besoins. C’est Delos, une solution française, hébergée en France et multi-LLM, qui a finalement été choisie. Eux-mêmes ne développent pas leur propre LLM, mais une surcouche qui va s’appuyer sur différents LLM en fonction du cas d’usage, de la question qui est posée, de l’utilisation, etc. Pour revenir sur le calendrier, nous l’avons sélectionnée avant l’été et déployée tout début septembre. Aujourd’hui, on a une montée en puissance qui dépasse nos espérances : sur 1000 personnes (ensemble des salariés d’Icade), 900 utilisateurs sont connectés.

Côté accompagnement au changement, comment cela se passe-t-il pour ces utilisateurs ?

Delos est très facile à utiliser, mais nous avons choisi d’accompagner l’intégration de cette solution d’un programme de formation et d’acculturation avec un autre partenaire qui s’appelle Mister IA (acteur français, ndlr), et qui travaille autour de l’IA de façon pragmatique. Par exemple, une personne va venir à la formation et repartir avec des prompts qu’elle peut utiliser dans son quotidien.

Vous dites que c’est multi-LLM. Comment le choix s’offre-t-il aux utilisateurs ?

L’application va d’elle-même, en fonction de votre demande, utiliser ChatGPT, Le Chat, Claude ou un autre. Il est aussi possible de forcer l’utilisation d’un LLM grâce au menu mis à disposition.

Les utilisateurs ont-ils un guide pour savoir quel modèle est le plus adapté à leurs besoins ?

Dans l’outil, non, mais dans la formation, c’est expliqué. Evidemment, nous jouons la carte de la souveraineté et incitons dans la majorité des cas à utiliser autant que cela est possible les modèles de Mistral AI. D’un point de vue souveraineté, c’est important.

Si l’on en revient à votre deuxième volet, l’IA transformante…

Effectivement, nous avons un deuxième pilier qui est l’IA for business ou l’IA transformante. Il s’agit vraiment d’aller explorer des cas d’usage et de mettre en place une IA cœur de métier, c’est-à-dire transformer les processus à la fois côté foncière et côté promotion immobilière avec de l’IA.

Notre métier, c’est à la fois de produire des logements, à peu près 5 000 par an, et également de gérer un portefeuille de bureau, environ 230 aujourd’hui. Sur la partie promotion, on s’adresse au grand public qui cherche à acheter dans le neuf, et aux investisseurs qui souhaitent acquérir des immeubles ou des appartements pour les louer. Sur la partie foncière, on a un portefeuille composé de bureaux, mais on se diversifie également avec du data center, des locaux d’activité, ou, plus récemment, dans les résidences étudiantes.

Pour ces 230 actifs en portefeuille côté foncière, nous avons des millions de documents propres à chaque actif. Aujourd’hui, exploiter ces documents s’avère très compliqué : il faut les mettre à jour individuellement puis dans la base de données. Nous travaillons sur l’utilisation de l’IA pour faciliter la recherche de ces documents et extraire de ces derniers les informations pertinentes à travers une centaine de typologies de documents. L’idée étant que pour un actif, on soit rapidement capable d’extraire de cette base documentaire les informations clés, ce qui, in fine, valorise l’actif.

Et que comporte le troisième volet sur l’IA ?

Le dernier volet a un titre “exploratoire” : l’IA de demain. Nous avons une partie veille, nous regardons ce qui se fait ailleurs dans notre secteur, à l’échelle de la planète, notamment aux Etats-Unis.

Tout évolue tellement vite : ce qui était vrai il y a trois mois ne l’est déjà plus. Notre leitmotiv, c’est aussi l’agilité. Nous ne voulons surtout pas nous dire que nous sommes enfermés dans telle solution pour X années. Si c’est le cas, tant mieux, mais tout évolue tellement vite qu’il faut rester agile. A l’ère de l’IA, il faut vraiment rester agile. Icade a deux atouts pour cela d’ailleurs : nous sommes une petite entreprise avec cette capacité à rester agile et à pouvoir changer rapidement. En même temps, nous avons la Caisse des dépôts qui nous aide, avec une véritable force de frappe d’un point de vue innovation, recherche, etc., que nous n’avons pas.

Vous avez évoqué, notamment sur le premier volet, la question de la souveraineté qui est importante à vos yeux. Quelle est votre position à ce sujet ?

La réalité, c’est qu’aujourd’hui, les entreprises technologiques américaines ont clairement un coup d’avance. Ça, on ne peut pas le nier. Se dire qu’on s’affranchit complètement des solutions américaines dans l’IT, c’est illusoire. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut aller que vers du 100% américain. Ce qu’on essaie de faire, encore une fois, c’est partir des cas d’usage. Cela n’aurait pas de sens de jouer la carte de la souveraineté, de mettre une solution 100% française uniquement pour jouer cette carte, alors qu’elle ne répondrait pas aux besoins de nos utilisateurs. C’est vrai pour l’IA, mais aussi pour tout le reste. Nous essayons de trouver un juste équilibre entre les deux.

Au-delà de la question de l’IA, où en êtes-vous sur le sujet du cloud ?

Nous avons un projet important initié récemment de “move to cloud”. Ma conviction sur le cloud, liée aussi au SaaS en général, est la suivante : soit on est un groupe comme Saint-Gobain avec une DSI qui compte des milliers de personnes et dans ce cas on peut se permettre d’avoir du on-premise et de développer en interne (Alexis de Nervaux a passé presque neuf ans chez Saint-Gobain, dont une partie en tant que DSI d’une filiale du groupe, ndlr).

Pour une entreprise de la taille d’Icade, faire du on-premise n’a pas de sens. Nous avons une stratégie cloud first, SaaS first. Tout d’abord parce que d’un point de vue cyber, ces entreprises qui proposent du cloud, sont des entreprises qui investissent des millions d’euros ou de dollars dans la sécurité, dans le hosting, dans les compétences qui vont avec, ce que nous ne serons jamais capables de faire. C’est pareil pour les solutions sur étagère. L’enjeu, c’est plutôt de regarder comment adapter nos processus à des outils du marché qui ont été bien pensés et qui répondent aux besoins.

Nous sommes donc dans la phase d’appel d’offres et prévoyons de faire notre choix au premier semestre 2026, puis de débuter la migration dans la foulée.



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