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un marché de meurtre démantelé

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Lu il y a 13 minutes


Un Germano-Polonais de 49 ans est accusé d’avoir animé sur le darknet une plateforme offrant des « condamnations à mort » contre des responsables politiques, financées en cryptomonnaie.

Les autorités allemandes ont arrêté à Dortmund un homme soupçonné d’avoir créé et administré une plateforme d’« Assassination Politics » sur le darknet, destinée à financer l’élimination de responsables politiques et de hauts fonctionnaires. Selon les enquêteurs, le site permettait de collecter des dons en cryptomonnaies pour récompenser d’éventuels meurtriers, tout en diffusant des données personnelles de cibles et des instructions pour fabriquer des explosifs. L’homme, identifié comme Martin S., aurait entretenu des liens avec la mouvance néonazie et le milieu Reichsbürger. L’affaire illustre la manière dont l’idéologie d’extrême droite, le complotisme et les infrastructures anonymes du darknet se rejoignent dans un projet explicitement terroriste.

Une plateforme d’assassinats politiques sur le darknet

Les procureurs fédéraux accusent Martin S., Germano-Polonais âgé de 49 ans, d’avoir conçu et exploité une plateforme cachée sur le darknet, baptisée Assassination Politics. Selon les éléments rendus publics, ce site n’était pas un simple forum extrémiste, mais un espace structuré où étaient publiées des données personnelles de responsables politiques, de juges et de procureurs, accompagnées de véritables « condamnations à mort ».

Les enquêteurs de l’Office fédéral de police criminelle ont découvert sur la plateforme des dossiers qualifiés de criminels, des textes de menaces et une liste de plus de vingt personnalités présentées comme des cibles. Des médias allemands indiquent que cette liste noire incluait notamment les anciens chanceliers Angela Merkel et Olaf Scholz, ainsi que d’anciens ministres fédéraux et d’autres figures publiques de premier plan. Les noms ne figurent pas dans le communiqué officiel, mais les fuites médiatiques donnent la mesure de la portée politique des projets évoqués.

Le site, actif au moins depuis le mois de juin, proposait aux visiteurs de contribuer financièrement en versant des cryptomonnaies sur des adresses contrôlées par Martin S. Ces fonds devaient, selon le parquet, servir à payer des primes pour l’assassinat de certains responsables, cibles désignées comme traîtres ou ennemis dans le discours du suspect. Dans la logique de ce dispositif, l’anonymat du darknet et des monnaies numériques devenait un levier pour transformer un discours de haine en marché de la violence politique.

La plateforme ne se contentait pas de désigner des victimes. Elle diffusait également des instructions techniques, notamment sur la fabrication d’explosifs. De telles informations, associées à des données personnelles détaillées sur les personnes visées, renforcent la qualification de menace terroriste : elles transforment un appel abstrait à la violence en mode d’emploi concret pouvant être repris par des sympathisants. Les documents saisis comprennent aussi des contenus racistes, antisémites et complotistes, en particulier liés à la pandémie de COVID-19.

L’interpellation a été menée par l’Office fédéral de police criminelle avec l’appui du GSG 9, unité spéciale d’intervention. Le suspect a été arrêté à Dortmund tard dans la soirée, vers 22 heures, puis placé en garde à vue. Il devait être présenté à un juge d’instruction de la Cour fédérale de justice à Karlsruhe, chargé de décider de la délivrance d’un mandat d’arrêt. Les chefs retenus sont particulièrement lourds : financement du terrorisme, fourniture d’instructions pour commettre un acte de violence grave mettant en danger l’État et diffusion dangereuse de données personnelles.

Du point de vue renseignement et cyber, l’affaire illustre comment une plateforme apparemment isolée peut être traitée comme une infrastructure terroriste. Les enquêteurs ont combiné traçage technique sur le darknet, suivi des flux de cryptomonnaies et exploitation de contenus idéologiques pour attribuer la plateforme à un individu précis. Le fait que le site ait été mis hors ligne montre que les autorités ont réussi à prendre le contrôle ou à neutraliser l’infrastructure, étape clé pour éviter la reprise rapide du service par d’autres extrémistes.

Un profil radicalisé entre extrême droite et complotisme

Selon le parquet et les médias allemands, Martin S. était loin d’être un inconnu pour les services de sécurité. Il était surveillé depuis 2020, après s’être fait remarquer lors de manifestations contre les mesures liées au COVID-19. Dans ces mobilisations, où se sont rencontrés militants antivax, complotistes et extrémistes de droite, il aurait progressivement attiré l’attention des autorités.

Des sources sécuritaires indiquent que le suspect entretenait des relations de longue durée avec la scène néonazie de Dortmund. En 2021, il aurait notamment participé à une marche commémorative en hommage à Siegfried Borchardt, figure néonazie locale surnommée SS-Siggi. Cette présence dans des manifestations marquées à l’extrême droite confirme un ancrage idéologique profond, bien antérieur à la création de la plateforme du darknet.

Les médias locaux le rattachent également au milieu Reichsbürger, ce courant qui refuse la légitimité de la République fédérale, considère l’État allemand actuel comme illégitime et fantasme sur la restauration d’un Reich d’avant 1945. Ce type de mouvance se situe à la croisée des chemins entre extrémisme politique, rejet de l’ordre juridique et complotisme parfois violent, ce qui la place dans le radar permanent des services de renseignement intérieur.

Sur le plan professionnel, Martin S. est présenté comme un développeur de logiciels. Il aurait tenté de lancer à Brunswick une entreprise spécialisée dans une application de gestion du trafic, conçue pour optimiser les phases vertes des feux de circulation. Cette société a fait faillite en 2014. Cet élément biographique, s’il ne dit rien en soi sur la radicalisation, rappelle que le suspect dispose de compétences techniques suffisantes pour concevoir une plateforme clandestine, configurer des services cachés sur le darknet et gérer des flux de cryptomonnaies.

Sur les réseaux sociaux professionnels, notamment LinkedIn, il aurait affiché ouvertement ses opinions politiques. Les messages cités dans la presse montrent un discours virulent contre la coalition gouvernementale, présenté comme responsable d’un prétendu effondrement du pays. Il y décrit l’Europe comme engagée sur la voie d’un califat islamique, moque la vaccination contre la COVID-19 en parlant de « cobayes ovins » et met en doute la réalité du changement climatique. Cette rhétorique cumule thèmes complotistes, islamophobie et rejet du consensus scientifique, un mélange fréquent dans certaines sphères radicalisées en ligne.

Pour les services de renseignement, ce type de profil illustre la convergence de plusieurs dynamiques. Un individu doté de compétences techniques, engagé dans des milieux extrémistes, qui se radicalise à partir d’événements comme la pandémie et trouve dans les plateformes numériques un espace pour diffuser idéologie et menaces. Le passage du discours à l’action se matérialise ici par la création d’un site de « politique de l’assassinat », explicitement inspiré d’un essai d’un militant antigouvernemental américain des années 1990. Ce texte théorisait un marché anonyme où des assassinats de fonctionnaires supposés corrompus seraient financés collectivement. Martin S. aurait tenté d’en transposer les idées dans un écosystème concret, adossé au darknet et aux cryptomonnaies.

Renseignement intérieur, traque numérique et enjeux sécuritaires

D’après les informations diffusées, la piste menant à Martin S. a été ouverte par l’Office fédéral de protection de la Constitution, le service de renseignement intérieur chargé notamment de suivre l’extrémisme politique. Ce service a transmis aux enquêteurs des indices permettant d’associer la plateforme à une personne physique. L’Office fédéral de police criminelle et le GSG 9 ont ensuite mené l’opération d’arrestation, dans un schéma classique où le renseignement prépare le terrain judiciaire.

Cette coopération illustre un modèle de lutte contre le terrorisme qui repose sur la circulation des informations entre surveillance intérieure, expertise cyber et police fédérale. Les données collectées sur le darknet, les contenus idéologiques et les traces laissées par les transactions en cryptomonnaies sont agrégées pour constituer un dossier suffisamment solide pour justifier une inculpation pour financement du terrorisme et préparation d’actes violents.

Les accusations couvrent plusieurs dimensions complémentaires. Le financement du terrorisme vise la collecte de dons en cryptomonnaies destinées à récompenser de futurs assassinats. La fourniture d’instructions pour commettre des actes de violence grave vise la mise en ligne de guides techniques, notamment sur les explosifs. La diffusion dangereuse de données personnelles cible la publication d’informations permettant d’identifier, de localiser et de menacer des responsables publics. Ensemble, ces éléments décrivent une infrastructure de facilitation, où le rôle du suspect n’est pas de commettre lui-même un attentat, mais de créer les conditions favorables à l’action d’autrui.

La notion de « condamnations à mort » est ici centrale. Dans les dossiers saisis, les enquêteurs parlent de listes de personnes qualifiées de condamnées, accompagnées de primes. Sur le plan juridique, cette terminologie renforce l’idée d’un système quasi parallèle de justice autoproclamée, où un individu s’arroge le droit de déclarer ennemis et traîtres des responsables élus, des magistrats ou des procureurs. Cette prétention, combinée à des incitations financières, s’inscrit pleinement dans une logique terroriste visant à intimider l’ensemble de la classe politique et judiciaire.

Pour les autorités allemandes, l’affaire vient s’ajouter à une série de dossiers où extrême droite, terrorisme intérieur et usages malveillants du numérique se recoupent. Le darknet fournit la couche d’anonymat, les cryptomonnaies l’instrument de financement, les réseaux sociaux l’espace de radicalisation idéologique. Les services de renseignement doivent donc articuler surveillance de ces différents vecteurs pour identifier les basculements, comme celui qui semble s’être produit entre les manifestations anti-COVID de 2020 et la création d’une place de marché d’assassinats quelques années plus tard.

La justice allemande, en appliquant des incriminations allant jusqu’au financement du terrorisme, envoie aussi un signal à l’écosystème radicalisé : les plateformes d’incitation à la violence politique sur le darknet ne sont pas perçues comme de simples forums, mais comme des infrastructures opérationnelles. À ce stade, les lois sur la présomption d’innocence rappellent qu’aucun verdict n’a été rendu et que Martin S. doit être considéré comme suspect. Mais le choix des chefs d’accusation montre que les autorités classent d’emblée la plateforme Assassination Politics dans la catégorie des menaces structurées contre l’État et ses représentants.

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