
En moins de cinq ans sur la sellette de la mission des Nations Unies (ONU) en République démocratique du Congo (RDC), Bintou Keita a été confrontée aux combats, aux catastrophes naturelles ainsi qu’au désengagement, montrant les nombreuses facettes du maintien de la paix.
Le diplomate guinéen aguerri est arrivé en RDC en janvier 2021 et en est ressorti fin novembre.
Un hommage rédigé par Ndeye Khady et Lalla Sy, membres du personnel de la MONUSCO, raconte en partie qu’elle a été confrontée à des offensives sans fin, à des violences armées répétées, à une apparente impuissance et à une pression croissante sur le personnel et les ressources du maintien de la paix. Son séjour en RDC, à la fois comme chef de la MONUSCO et représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a été marqué par une triple urgence : protéger les civils, stabiliser une zone de conflit et préparer la mission à un retrait progressif, conformément aux vœux du gouvernement congolais et sous la supervision du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’un des premiers défis – quelques jours après son arrivée dans ce pays d’Afrique centrale – a été l’éruption du volcan Nyiragongo. Au moins 32 personnes sont mortes et 400 000 ont dû être évacuées. Le nouveau chef de la MONUSCO à l’époque a ordonné la relocalisation de plus de 3 000 employés de l’ONU et de leurs familles, a mobilisé les sociétés d’ingénierie de la MONUSCO pour dégager les routes, aider à rétablir l’approvisionnement en eau et soutenir la surveillance volcanologique, affirmant que « sauver des vies était la seule priorité ». Cette approche pratique a donné à la mission une dimension d’ingénierie humanitaire allant au-delà du maintien de la paix.
Lorsque le groupe rebelle M23 a relancé son offensive au Nord-Kivu puis a revendiqué le contrôle de Goma et d’autres localités au début de cette année, Keita a passé des jours sur le terrain, aux côtés d’équipes civiles, militaires et policières, rapportent les collaborateurs de la MONUSCO. Elle a supervisé les évacuations – principalement via la frontière rwandaise – du personnel de l’ONU, faisant des choix critiqués dans le cadre du mandat de protection civile de la MONUSCO.
En juin 2025, elle reçoit des représentants du M23 à Goma, dans une rare démarche de dialogue avec les rebelles. Elle a déclaré officiellement qu’ils avaient « exprimé leur volonté de trouver une solution pacifique » au moment de la réunion.
Dans l’est de la RDC, la MONUSCO a été confrontée à des moqueries croissantes, à des manifestations hostiles et parfois violentes ainsi qu’à une forte méfiance populaire. En juillet 2022, des manifestations ont éclaté à Goma, Beni et Butembo. Des bases de l’ONU ont été attaquées, des pancartes pillées et du personnel de l’ONU assassiné – sur au moins 36 morts, quatre étaient des soldats de la paix de l’ONU. Keita a condamné ces violences en affirmant que « s’attaquer aux casques bleus, c’est s’attaquer à la protection des civils », soulignant que la prolifération des propos misogynes, la désinformation et la stigmatisation tribale détérioraient encore davantage le climat sécuritaire.
Sous sa direction, un plan de transition conjoint a été signé en septembre 2021 entre la RDC et l’ONU, établissant un cadre pour un retrait ordonné. La province du Tanganyika a été la première, puis le Sud-Kivu a fermé son bureau de la MONUSCO en juin 2024 avec un transfert d’équipement estimé à 10 millions de dollars. Keita avait alors déclaré : « Le départ de la MONUSCO ne signifie pas le départ de l’ONU ». Cela résume son approche consistant à maintenir le soutien une fois le personnel militaire parti.
Outre les défis inhérents à son mandat, Keita a démontré que le maintien de la paix ne se limite pas aux véhicules blindés et aux soldats. Sa vision incluait le génie civil, la diplomatie, l’écoute des communautés, le travail sur le terrain et la mobilisation des acteurs, du militaire à l’humanitaire, en passant par le gouvernement et la communauté.
Keita a quitté la RDC le 30 novembre, plus tôt que prévu. Elle devait quitter la mission en février 2026 et son départ anticipé a été considéré comme une décision personnelle.
Bruno Lemarquis, ancien numéro deux de l’ONU en RDC, assure désormais l’intérim jusqu’au 28 décembre, et sera suivi par Vivian van de Perre, l’adjointe chargée de la protection et des opérations.


