
La start-up Mecaware, qui développe un procédé innovant de recyclage de batteries, a noué plusieurs partenariats ces derniers mois, visant à la fois à s’assurer un approvisionnement en black mass, des débouchés pour ces métaux recyclés, ou encore à promouvoir une meilleure recyclabilité des batteries de stockage stationnaire.
Alors que la fièvre du stockage stationnaire gagne peu à peu la France, l’épineuse question du recyclage de ses batteries devient de plus en plus pressante. C’est dans ce contexte que le producteur d’énergies renouvelables Terapolis, spécialisé notamment dans l’agrivoltaïsme, a annoncé début novembre un partenariat avec la start-up Mecaware. Fondée en 2021 et basée à Vénissieux (Rhône), cette dernière ambitionne de produire des métaux stratégiques à partir de black mass, une poudre très fine obtenue après le démantèlement et le broyage des batteries. Si cette alliance ne s’accompagne d’aucun objectif chiffré et ne comprend pas de véritable accord commercial, il s’agit surtout, selon les deux entreprises, de promouvoir l’intégration de «la recyclabilité des batteries dès la conception des projets énergétiques territoriaux».
Un procédé à base de CO2 et d’amines
Avec ce partenariat, Mecaware espère surtout devenir une référence sur le secteur prometteur des batteries stationnaires, alors que la start-up semblait jusqu’à présent plus proche des constructeurs de véhicules électriques. Elle estime pouvoir conquérir ces deux marchés en parallèle, grâce à sa méthode de recyclage innovante. Aujourd’hui, le recyclage de batteries s’appuie majoritairement sur des technologies d’hydrométallurgie issues du monde minier, qui consistent à dissoudre la black mass dans de l’acide sulfurique et à extraire les métaux stratégiques un à un. «Ces procédés génèrent environ deux tonnes de sulfate de sodium par tonne traitée, précise Benoît Samanos, directeur des opérations de la société. Étant donné que nous ne parvenons pas à valoriser ce sulfate de sodium en Europe, il est essentiel, tant sur le plan économique que sur le plan écologique, d’adopter des solutions qui ne créent pas de déchets et d’effluents.»
C’est justement ce que promet Mecaware, qui a opté pour un procédé à base de CO2, permettant une dissolution sélective. «En associant le CO2 avec un certain type d’amines, on génère des molécules dont les propriétés attirent les métaux critiques que nous recherchons», explique Benoît Samanos. Présentée comme plus vertueuse d’un point de vue environnemental, cette méthode aurait également pour avantage de fonctionner, grâce à quelques ajustements, avec différents types de chimie. A l’origine, la start-up se concentrait en effet sur le recyclage de batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt), mais elle a récemment terminé une étude, à la demande d’un grand constructeur automobile, démontrant selon elle sa capacité à élargir son application aux batteries LFP (lithium-fer-phosphate).
Recycler les batteries au sodium
L’entreprise travaille même déjà sur l’étape d’après : le recyclage des batteries au sodium. C’est à cette fin qu’elle a annoncé, fin octobre, un partenariat avec Tiamat, la jeune pousse qui compte justement s’imposer sur ce segment. Baptisé NaCRe, leur projet prévoit de déployer la technologie de Mecaware au sein de la future gigafactory de Tiamat, censée démarrer début 2026 à Boves (Somme). «Après la mise en service, les gigafactories génèrent beaucoup de rebuts de production, rappelle le directeur des opérations. Il est essentiel de ne pas gaspiller cette matière, d’autant que les batteries de Tiamat contiennent aussi du vanadium, un métal à forte valeur.» Les deux partenaires prévoient, pour la phase pilote, de recycler jusqu’à 17 tonnes de métaux chaque année.
La fièvre de partenariats de Mecaware ne s’arrête pas là : en plus de sécuriser ses approvisionnements, la société s’assure également de tisser d’ores et déjà des liens avec des acheteurs potentiels. En juin, elle signait ainsi un accord de principe avec le groupe portugais Lifthium Energy, qui ambitionne de lancer une première usine de raffinage de lithium d’ici à 2027 dans la péninsule Ibérique, avec une capacité annuelle d’environ 28000 tonnes. «Il sera essentiel pour un acteur comme Lifthium d’avoir accès à des métaux recyclés», estime Benoît Samanos, en louant les vertus du nouveau règlement européen sur les batteries, entré en vigueur le 18 août. Ce dernier stipule que les nouvelles batteries fabriquées sur le continent devront contenir, à partir de 2031, au minimum 85% de plomb recyclé, 16% de cobalt recyclé, 6% de lithium recyclé et 6% de nickel recyclé.
Une usine opérationnelle avant fin 2029
«Bien que ce règlement soit très complet, il ne constitue pas en soi une politique industrielle», tempère le dirigeant, en évoquant la concurrence féroce de la Chine dans le secteur. Certains industriels se montrent d’ailleurs sceptiques quant à la maturité du marché du recyclage en Europe. En septembre 2024, Stellantis et Orano ont renoncé à leur coentreprise de recyclage de batteries de véhicules électriques et, quelques semaines plus tard, c’était au tour d’Eramet de suspendre son projet d’usine de recyclage hydrométallurgique, à Dunkerque (Nord), en partenariat avec Suez. «Faute de montée en puissance en Europe des usines de batteries et de leurs composants (précurseurs et matériaux pour cathodes), il existe aujourd’hui de fortes incertitudes, à la fois sur l’approvisionnement en matières premières de l’usine, et sur les débouchés des sels métalliques issus du recyclage», écrivait le groupe minier.
Des incertitudes qui ne semblent pas entamer l’enthousiasme de Mecaware, qui devrait inaugurer un premier pilote semi-industriel à Béthune (Pas-de-Calais) d’ici à fin 2026. La véritable usine devrait quant à elle être mise en service fin 2029, et cherchera à valoriser les rebuts de production de la gigafactory de la start-up Verkor, à raison de 5500 tonnes de black mass traitées chaque année. Pour atteindre ses objectifs, la société a lancé une nouvelle levée de fonds, qu’elle prévoit de finaliser au cours de l’année 2026. En octobre 2023, elle avait déjà bouclé un tour de table de 40 millions d’euros.


