
Après plus de vingt ans de recherches, le Généthon a récemment lancé une étude pivot déterminante pour la commercialisation du GNT0004, une thérapie génique prometteuse contre la myopathie de Duchenne. Un développement qui requiert encore un important besoin de financement, alors que le Téléthon débute aujourd’hui.
« Ensemble, faisons bouger les lignes », voilà le slogan de la 39ème édition du Téléthon. Du 5 au 6 décembre, le rendez-vous annuel est aussi l’occasion de mettre en lumière le Généthon, un laboratoire à but non lucratif qui œuvre pour la mise au point de nouvelles thérapies géniques contre les maladies rares.
Pionnier dans cette approche, le Généthon a déjà développé, ou contribué au développement, de treize thérapies géniques, actuellement en cours d’essais cliniques, pour des pathologies impactant le foie, le sang ou encore les muscles. Parmi elles, la myopathie de Duchenne.
Une maladie génétique dégénérative, qui concerne une centaine de naissances par an en France. « Impactant principalement les garçons, la myopathie de Duchenne est due à des anomalies du gène responsable de la production de la dystrophine, une protéine de structure essentielle aux fibres musculaires et à leur métabolisme », explique Frédéric Revah, directeur général du Généthon.
Aussi, la maladie entraine une dégénérescence des muscles squelettiques et cardiaque, soit une perte progressive des capacités à marcher et à respirer. « Le pronostic de la maladie est très sombre, avec des enfants qui se déplacent généralement en fauteuil roulant au-delà de leur 10ème anniversaire, et décèdent avant l’âge de trente ans, souvent de difficultés respiratoires », déplore Frédéric Revah.
Depuis plus de 20 ans, le Généthon travaille ainsi à développer une thérapie génique, capable de remplacer le gène déficient, pour proposer une solution thérapeutique à ces patients. Un espoir qui pourrait se concrétiser dans les années à venir, alors que le laboratoire évalue actuellement la première thérapie génique curative de la maladie, le GNT0004.
Une thérapie génique qui change déjà la vie des patients
Administré par une unique injection intraveineuse, le GNT0004 est aujourd’hui la thérapie génique contre la myopathie de Duchenne la plus avancée en Europe et pourrait devenir le premier traitement à s’attaquer à la cause de la maladie.
Avec un premier essai clinique démarré en 2020, le GNT0004 a déjà passé la première phase d’escalade de doses. « Cet essai, incluant cinq garçons âgés de 6 à 10 ans, atteints de la myopathie de Duchenne et encore en capacité de marcher, nous a permis de déterminer la dose thérapeutique, soit la dose à laquelle le GNT0004 présentait le niveau d’efficacité le plus important », raconte Frédéric Revah. « À cette dose, la thérapie génique a démontré un bénéfice clinique, à deux ans, avec un gain significatif sur les fonctions motrices et un ralentissement de la progression de la maladie ».
Parmi les patients à avoir bénéficié du traitement, Sacha, 9 ans, traité en décembre 2022. Ambassadeur du Téléthon 2024, il est un véritable espoir pour tous les patients atteints de la myopathie de Duchenne. « Rapidement après avoir reçu le GNT0004, Sacha s’est mis à remonter les escaliers de manière normale, en alternant les jambes, mouvement presqu’impossible aux patients touchés par la pathologie », détaille le directeur du Généthon. « Aujourd’hui, il court, fait du vélo, du judo et il a même célébré son 9ème anniversaire en montant au deuxième étage de la Tour Eiffel à pied ! ».
Des résultats spectaculaires, alors que les traitements actuellement disponibles contre la pathologie – corticoïdes ou anti-inflammatoires – ne permettent que d’atténuer les douleurs. Sur la base de ces résultats, le Généthon a lancé une phase pivot, en septembre dernier, pour confirmer l’efficacité du GNT0004 et avancer vers sa commercialisation.
Une étude, menée en double aveugle, impliquant 14 centres cliniques en France, en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni. En tout, ce sont près de 70 enfants qui seront traités par la thérapie génique mise au point par le Généthon. « Nous devrions finir de recruter la moitié des patients d’ici mi-2026, et apporter ainsi des premiers résultats pour fin 2027 », projette Frédéric Revah.
Le dirigeant espère ensuite obtenir une autorisation de mise sur le marché accélérée, « à partir du courant 2028 ». Pourtant, il reste encore de nombreux défis à relever pour y parvenir, dont la question centrale du financement.
Financer l’innovation, défi ultime avant la commercialisation
Pour réussir à développer un tel traitement, le Généthon s’est déjà heurté à plusieurs défis techniques. Conçu selon le principe de la thérapie génique, le GNT0004 est composé d’un gène fonctionnel, administré au cœur de la cellule au moyen d’un vecteur viral.
Or le gène codant pour la production de la dystrophine, protéine déficiente chez les patients atteints de la myopathie de Duchenne, est le plus grand gène du génome humain. « Face aux difficultés rencontrées pour faire rentrer le gène dans le vecteur viral, nous avons donc dû élaborer une version raccourcie de ce gène », explique Frédéric Revah.
Autre défi de taille, parvenir à cibler l’ensemble des muscles. Une difficulté là encore surmontée par le Généthon. « Le vecteur viral que nous utilisons est conçu pour s’exprimer dans les tissus musculaires, mais également dans le cœur, nous permettant de traiter jusqu’à 80 % des fibres musculaires », se félicite le dirigeant.
Pourtant il reste encore un autre obstacle majeur à l’arrivée du traitement sur le marché : le financement de son développement. « Pour finaliser la phase pivot du GNT0004, une centaine de millions d’euros sont encore nécessaires », confie Frédéric Revah.
Si le Généthon peut heureusement compter sur les dons récoltés au cours du Téléthon chaque année, il est d’ores et déjà à la recherche de fonds supplémentaires pour mener à terme son étude. « Nous savons que nous pourrons compter sur une aide de 19,6 millions d’euros de Bpifrance, mais elle sera débloquée uniquement si nous parvenons à réunir le financement global nécessaire », poursuit le dirigeant.
Pour cela, Frédéric Revah n’exclue pas un partenariat avec un gros laboratoire, en s’appuyant sur son expérience réussie avec Novartis. Le laboratoire suisse a ainsi mis sur le marché, depuis 2019, un traitement développé par le Généthon et indiqué contre l’amyotrophie spinale, une autre maladie rare. Reste à savoir si le GNT0004 connaitra la même destinée.
Alors qu’en 2024, le Téléthon avait permis de collecter la somme de 96,5 millions d’euros, l’édition 2025 promet d’apporter de nouveaux financements aux chercheurs. De quoi faire bouger les lignes au-delà de la myopathie de Duchenne, puisque le Téléthon s’engage aussi pour trouver un traitement aux 7 000 maladies rares connues à ce jour.


