Face à la baisse des cours des métaux et à la dette croissante du groupe, le nouveau directeur général d’Eramet, Paulo Castellari, a présenté jeudi 4 décembre un plan d’excellence opérationnelle visant à redresser la barre du groupe minier français.
La nouvelle équipe aux manettes d’Eramet dévoile sa feuille de route. Jeudi 4 décembre, l’italo-brésilien Paulo Castellari, arrivé au poste de directeur général en mai, et le franco-portugais Abel Martins-Alexandre, directeur financier depuis le 15 septembre, ont présenté leur plan pour le groupe minier français, dans les délais annoncés après une revue opérationnelle engagée par le nouveau patron du groupe à son arrivée. Prudents, les deux hommes, recrutés en externe pour leur expérience dans de grands groupes miniers internationaux, axent leurs efforts sur «l’excellence opérationnelle» et les économies, sans grand chamboulement, dans un contexte où la faiblesse persistante des cours des métaux pèse sur l’endettement d’Eramet.
«Bas de cycle» dans les métaux
«L’année 2025 est difficile, en termes d’environnement macroéconomique, de prix des commodités et de taux de change», a détaillé Paulo Castellari lors d’une conférence dédiée aux analystes le 4 décembre, pour justifier son plan. Ce dernier n’inclut cependant pas de cession, alors que le dirigeant garde confiance dans les mines et usines du groupe et les perspectives à moyen terme. Manganèse au Gabon, nickel en Indonésie, sables minéralisés au Sénégal, lithium en Argentine… «Tous nos actifs ont une longue durée de vie, de hautes teneurs et un coût d’exploitation bas», a ajouté le directeur général, sans citer la SLN en Nouvelle-Calédonie, dans la tourmente mais dont l’Etat français assume la charge financière.
Au premier semestre, le groupe a réalisé une perte nette de 101 millions d’euros (en excluant la SLN), affichant une dette de 1,7 milliard d’euros, exacerbée par les pertes du groupe et le rachat des parts du chinois Tsingshan dans le complexe de production de lithium en Argentine en 2024. Aujourd’hui, la dette du groupe est élevée au regard de ses résultats : elle représente quasiment la valeur estimée de l’entreprise, ce qui suscite la crainte des analystes financiers qui suivent le titre, dont la note a été rétrogradée ces derniers mois.
Paulo Castellari met d’abord en avant la mauvaise conjoncture macroéconomique, qui pèse sur l’activité industrielle et la demande d’acier, industrie qui consomme plusieurs métaux produits par Eramet. «Depuis janvier 2023, les prix des matières premières d’Eramet ont sensiblement diminué: -6% pour le minerai de manganèse, -48% pour le nickel au LME, -83% pour le carbonate de lithium, -21% pour l’ilménite et -25% pour le zircon», détaille le groupe dans un communiqué.
Vos indices

Un accent mis sur la sécurité
Si tous les métaux produits par Eramet sont aujourd’hui en surplus, «le consensus des prix pointe vers une reprise des prix au fil du temps», souligne néanmoins Abel Martins-Alexandre, jugeant que la demande d’acier pourrait repartir à la faveur du développement indien, et que le lithium est porté par la croissance de la mobilité électrique et la fièvre du stockage stationnaire.
Le plan du groupe comprend trois volets. Le premier concerne la sécurité, et intègre un objectif zéro blessure via une feuille de route sur deux ans. Un accent particulier est mis sur la gestion des sous-traitants dans la mine géante de nickel, exploitée par Eramet aux côtés du chinois Tsingshan en Indonésie, où plusieurs accidents ont eu lieu, conduisant notamment à la mort d’un conducteur de camion minier le 9 août dernier. Le deuxième concerne la discipline financière, qui conduit le groupe à limiter ses investissements et optimiser ses besoins en fonds de roulement.
Le troisième, enfin, vise «l’amélioration des performances opérationnelles et commerciales». Un travail d’optimisation qui doit augmenter l’Ebitda du groupe de 130 à 170 millions d’euros par an d’ici deux ans, principalement via des améliorations de productivité et l’amélioration des coûts et des processus. Parmi ses actions, Eramet prévoit de «dégoulotter la capacité de transport» du minerai de manganèse au Gabon (où il opère la plus grande mine de manganèse du monde), et d’investir dans la modernisation des infrastructures ferroviaires, où il a rencontré des difficultés logistiques en début d’année, pour augmenter ses volumes.
Comment expliquer qu’une telle marge de progression ait été identifiée ? «Nous avons connu un fort recentrage vers la mine ces huit dernières années, avec des cessions et le développement de nos actifs existants. Nous restons un groupe minier relativement jeune, c’est une trajectoire d’amélioration normale», justifie un porte-parole de l’entreprise auprès de L’Usine Nouvelle.
Le lithium en Argentine démarre bien
Pour illustrer son optimisme prudent, Eramet a aussi donné des détails sur la montée en puissance de sa mine de lithium en Argentine, qui a démarré en 2024 en se basant sur une nouvelle technologie dite d’extraction directe (DLE, selon l’acronyme anglais). Après un démarrage perturbé par des problèmes techniques sur l’unité d’évaporation forcée de l’usine, le site monte en puissance et fonctionnait à 65% de sa capacité nominale (24000 tonnes de carbonate de lithium) en novembre. Le groupe prévoit d’atteindre la barre des 90% mi-2026, et 100% d’ici la fin de l’année 2026. Malgré des prix très faibles en raison de l’offre excédentaire, il continue aussi d’anticiper une hausse des cours de l’or blanc à moyen terme, porté par la croissance de la demande.
L’extension prévue de l’usine de Centenario reste toujours sur la table, mais attendra ce rebond du marché et les effets des efforts d’optimisation de l’unité sur place (notamment pour limiter la consommation de produits chimiques), a précisé Paulo Castellari, pour qui «la priorité est de délivrer un système stable et d’optimiser nos coûts, puis d’effectuer l’agrandissement».


