
En Normandie, le chocolatier Cémoi a ouvert les portes de son usine de Tinchebray (Orne). L’occasion d’évoquer la spirale inflationniste sur les prix du chocolat et l’appétit de l’acteur sur les rayons de marques de distributeur.
C’est une chaleur bien réconfortante en plein hiver que celle dégagée par cette cuve de chocolat fondu. L’usine de Tinchebray (Orne), propriété de Cémoi, spécialiste du chocolat qui indique réaliser 760 millions d’euros de chiffre d’affaires en France, où il dispose de sept sites industriels, a ouvert ses portes à la presse le 3 décembre 2025. L’occasion d’évoquer les effets de l’inflation, notamment sur les prix de la matière première.
Un marché du chocolat chamboulé depuis deux ans
S’ils sont redescendus, les prix du cacao ont joué les montagnes russes depuis deux ans. À Londres, le marché à terme, qui naviguait historiquement autour des 1500 livres, a grimpé jusqu’à 10000 livres en 2024, dans un mouvement haussier historique, et navigue désormais sous les 4000 livres. En cause, les mauvaises saisons qui se sont enchainées du côté de la Côte d’Ivoire et du Ghana, deux pays qui réalisent historiquement les deux tiers de la production mondiale.
Cémoi, très présent en Côte d’Ivoire, puisque l’entreprise dispose d’une filière intégrée du caco, sans sous-traiter l’approvisionnement à des traders, indique avoir réussi à stabiliser ses approvisionnements. «Pour les fèves, nous préfinançons la récolte, livrée un an plus tard, détaille Patrick Collin, directeur général du groupe. Cela suppose un BFR (besoin de fonds de roulement, ndlr) important : il faut donc une société solide. Comme notre filière est intégrée, nous sommes connectés au marché physique. Ce qui nous permet d’avoir suffisamment de fèves malgré la baisse de la production.»
Des discussions fructueuses avec la grande distribution pour absorber les hausses de prix
En grande distribution, la moitié des débouchés de Cémoi – le reste est écoulé auprès des professionnels de la restauration, en sous-traitance industrielle, ou encore avec des boulangers à qui sont fournis les barrettes dans les pains au chocolat et des grossistes –, il a fallu renégocier les prix en cours d’année. Avec la marque distributeur, à la différence des marques nationales, dont le prix est fixé lors d’un cycle de négociation annuel prévu par le législateur, et difficilement révisé en cours d’année, la discussion autour des tarifs est moins encadrée.
«La matière première agricole pèse entre 70 et 75% de nos coûts de production, souligne Patrick Collin. Nous avons passé trois hausses de prix en 2024. Les distributeurs n’ont pas été difficiles à convaincre, la discussion est plus factuelle que lorsqu’ils négocient avec les marques. Je n’ai pas de budget pub, j’ai des marges limitées : quand il y a des hausses je ne peux que répercuter. La hausse de prix a été plus limitée pour les MDD en 2025, après avoir passé des hausses supérieures à 30% en 2024. A l’inverse, le fait d’avoir des négociations commerciales annualisées pour les marques provoque de l’inertie sur les prix de ces dernières : les hausses ne sont arrivées que courant 2025. Résultat, fin 2024, l’écart entre la MDD et la marque était très réduit en termes de prix, il est repassé à 30% depuis.»
Des ambitions pour se développer en MDD
La hausse des prix de l’électricité ces dernières années a aussi pesé sur les factures d’usines aux processus énergivores et largement électrifiés. «Même si le coût de l’énergie a beaucoup augmenté en France, on reste très compétitifs par rapport aux autres sites du groupe en Allemagne et en Belgique», relativise Bernard Lasry, directeur des opérations. Cémoi est en effet une filiale du groupe néerlandais Baronie, qui compte 20 usines, principalement en Europe, et a réalisé 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2024.
Cette journée d’ouverture à la presse est surtout l’occasion de montrer la force du groupe sur le rayon MDD et sa volonté de continuer à se développer sur ce marché (Cémoi est déjà le premier fabricant de tablettes de chocolat en marque de distributeurs en France). «La MDD c’est le même cahier des charges que la marque avec l’objectif d’être 30% moins cher, pose Patrick Collin. Nous avons arrêté les produits sur marque il y a trois ans pour nous concentrer sur les marques de distributeur. Nous ne disposon plus de force de vente, nous avons des volumes maximaux sur nos séries et sept usines très spécialisées.» Voilà pour la recette.
Objectif Etats-Unis ?
Quant aux volontés d’expansion, Patrick Collin ne cache pas son appétit : «L’ensemble des marques distributeurs ne représente que 30% des ventes de tablettes dans les rayons, souffle le dirigeant. Il faut augmenter la part de marché de la MDD. Nous pouvons aussi toujours développer l’export : le marché nord-américain par exemple, si Donald Trump n’applique pas des droits de douane à 30%, nous avons des outils en France comme notre usine de Perpignan qui nous permettent d’avoir des produits compétitifs sur ce marché. Nous faisons déjà de la sous-traitance pour Walmart. » Une vision résolument offensive dans un marché chahuté.


