
En échange d’une exemption de droits de douane sur les médicaments produits au Royaume-Uni, les États-Unis ont obtenu l’engagement du pays à augmenter de 25 % le prix des médicaments innovants.
« Cet accord est une victoire majeure pour les travailleurs américains et pour notre économie de l’innovation ». Le secrétaire américain au commerce, Howard Lutnick, n’a pas eu le triomphe modeste pour saluer l’accord avec le Royaume-Uni. Il aurait eu tort de ne pas savourer.
En échange d’une exemption totale de droits de douane sur les médicaments et principes actifs produits sur le sol britannique, l’administration Trump est parvenue à infléchir radicalement la politique du médicament au Royaume-Uni.
Le National Health Service (NHS) s’apprête à passer à la caisse. Le pays s’est engagé à augmenter de 25 % le prix des nouveaux médicaments innovants. Des traitements dont une grande partie sont amenés sur le marché par des laboratoires américains. Un meilleur partage du coût des traitements est une revendication portée de longue date par l’administration Trump. « Depuis trop longtemps les patients américains ont été forcés de subventionner les médicaments sur prescription et les produits biologiques pour les autres pays développés », a rappelé Howard Lutnick, reprenant des griefs formulés par le président américain.
Une hausse inédite et des questions
Pour le Royaume-Uni, le changement de cap est spectaculaire. « La première augmentation majeure depuis plus de deux décennies », comme le reconnait le gouvernement britannique, aura des répercussions jusqu’à la politique d’approbation.
L’agence britannique en charge des recommandations, « va désormais pouvoir approuver des médicaments qui auraient pu être rejetés pour des questions de coûts ». La mesure d’augmentation des prix est aussi accompagnée d’une garantie sur le système de remise. L’accord veut assurer que les rabais demandés aux laboratoires sur les prix de leurs médicaments ne compensent pas la revalorisation.
Il faut dire que la réévaluation coûtera au système de santé britannique plusieurs milliards par an, 3 milliards de livres sterling, selon l’estimation du Guardian. De quoi interroger sur le financement de la mesure et susciter des inquiétudes sur la possibilité de voir des budgets NHS réaffectés à cette enveloppe médicaments. « Trump demande ces augmentations pour prioriser les Américains et notre gouvernement se soumet. Les patients qui attendront dans des couloirs d’hôpitaux bondés ou qui ne pourront pas avoir une ambulance n’oublieront pas », a taclé Helen Morgan, députée, membre du parti Liberal-démocrate.
Le gouvernement britannique assure que la hausse des prix ne passera pas par une correction sur d’autres lignes budgétaires du NHS. Sans surprise, il préfère mettre l’accent sur l’impact pour l’accès aux traitements et sur les conséquences en termes d’emplois. « L’accord va soutenir des milliers d’emplois qualifiés, renforcer notre économie et garantir que l’innovation issue de nos laboratoires se transformera en traitements qui bénéficieront aux familles de tout le pays », a résumé Liz Kendall, ministre britannique en charge des sciences et technologies. Les exportations vers les États-Unis sont chiffrées à hauteur de 5 Mrds £ par an.
Le Royaume-Uni, de « pire pays » à nouvelle terre d’accueil pour la pharma ?
Du côté de l’industrie pharma, les grands acteurs nationaux ont salué un deal qui « devrait propulser le Royaume-Uni dans une position plus forte pour attirer et retenir les investissements dans les sciences de la vie », a souligné Richard Torbett, qui dirige l’ABPI, l’association des industriels britanniques de la pharma.
Il faut dire que l’accord vient conclure une longue séquence qui a mis le secteur sous tension. Ces derniers mois, de nombreux laboratoires ont remis en question des investissements prévus sur le sol britannique. MSD ou encore AstraZeneca ont notamment annulé des projets, symboles d’un désamour croissant. Autant de laboratoires pointant du doigt une politique publique défavorable pour la pharma. Dave Ricks, le p-dg du géant américain Lilly, avait désigné le Royaume-Uni, comme « probablement le pire pays en Europe », en termes de prix des médicaments. Le paysage apparaît désormais métamorphosé. Comme signe rapide d’amélioration, le laboratoire britannique BMS s’est ainsi dit prêt à « investir jusqu’à 500 M$ sur les cinq prochaines années » au Royaume-Uni
L’évolution met aussi la pression sur les pays européens. Avec un taux global négocié en août dernier et fixé à 15 % pour les droits de douane, les pays de l’UE se trouvent désormais moins attractifs pour les grands laboratoires mondiaux par rapport au Royaume-Uni.
Un avantage par rapport au pays de l’UE
Le lobby européen des industriels de la pharma, l’EFPIA, avait appelé à prévoir une exemption de droits de douane pour les traitements innovants, craignant des conséquences à la fois pour les patients et pour les investissements industriels. Le porte-voix de l’industrie pharma plaide de longue date pour une meilleure valorisation des traitements innovants… désormais à l’œuvre au Royaume-Uni.
Avec le nouvel accord négocié, la trajectoire des prix outre-Manche pourrait être érigée comme un modèle à suivre. D’autant plus que les États-Unis ont averti ne pas vouloir en rester là. « L’administration Trump est en train de revoir les pratiques sur les prix des médicaments de beaucoup d’autres partenaires commerciaux », prévient Jamieson Greer, représentant américain pour le commerce extérieur, avant d’ajouter : « Et nous espérons qu’ils en feront autant ».


