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avec son complexe Arsenal-1, Anduril veut ringardiser les industriels américains établis

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Lu il y a 11 minutes


La pépite californienne ambitionne de produire des drones kamikazes, des avions de combat dronisés et des missiles à des cadences inédites.

La vitesse fait partie de la marque de fabrique d’Anduril Industries. Le fournisseur n’en finit pas de bousculer l’industrie américaine de l’armement et de séduire l’US Army avec ses drones kamikazes et ses avions de combat sans pilote dopés à l’intelligence artificielle. «L’une de ses priorités était d’aller le plus vite possible», confie à L’Usine Nouvelle l’un des élus de l’État de l’Ohio, qui a négocié avec les dirigeants de la société californienne l’implantation de sa future méga-usine. En décembre 2024, lors d’une grande cérémonie, Palmer Luckey, le fantasque patron, a affirmé que les premiers produits sortiraient des lignes courant 2026, laissant dubitatifs nombre d’observateurs sur cet objectif… Arborant comme à son habitude une chemise hawaïenne, il a partagé son intention de prendre une maison dans les environs pour prouver son engagement.

Ce dirigeant de 33 ans est un pur produit de la Silicon Valley. À 19 ans, il a fondé Oculus, une société de lunettes de réalité virtuelle revendue à prix d’or à Facebook. Un bagage qui lui a donné envie de «débugger» l’industrie de l’armement. Avec une certitude : faire valoir la primauté du logiciel sur les plateformes, que ce soit dans un avion de combat, un drone, un sous-marin… Comme Microsoft a développé Windows pour le PC, Anduril a conçu Lattice, sa propre plateforme d’intelligence artificielle pour les systèmes d’armes autonomes. «Votre Tesla a une meilleure IA que n’importe quel avion de combat américain», feint-il de se lamenter, dénonçant le manque d’innovation des fournisseurs établis du Pentagone, les Boeing, Lockheed Martin et autres Raytheon.

Une croissance phénoménale

2017 Création d’Anduril

1 milliard de dollars Chiffre d’affaires 2024 (estimation)

6 000 salariés

30 milliards de dollars Valorisation en juin 2025

(Source : L’Usine Nouvelle)

La première révolution d’Anduril portait sur l’innovation, avec la généralisation de l’IA dans les systèmes d’armes. La seconde, qui se profile, est industrielle. Dans le comté de Pickaway, au sud de la ville de Colombus, le groupe veut déployer un projet industriel pharaonique : Arsenal-1. Du jamais-vu dans le secteur de la défense, même aux États-Unis, premier exportateur d’armes du monde. De quoi ringardiser les fournisseurs traditionnels de l’US Army. Anduril veut construire non pas une usine, mais un véritable complexe industriel. Soit une dizaine de bâtiments de production et d’entrepôts logistiques qui s’étendraient sur une superficie équivalente à 90 terrains de football américain ! Surtout, il s’agit d’atteindre des cadences de production inédites dans cette industrie.

L’investissement annoncé est de 1 milliard de dollars. Créée en 2017, la société, qui n’est pas cotée, est déjà dotée d’une valorisation de l’ordre d’une trentaine de milliards de dollars. Et les investisseurs se pressent à son chevet pour la financer. En juin dernier, Anduril a réalisé une levée de fonds de 2,5 milliards d’euros, largement menée (à hauteur de 1 milliard) par l’un de ses investisseurs historiques, le milliardaire Peter Thiel avec son fonds de capital-risque Founders Fund. «Nous voulons fabriquer des dizaines de milliers de produits de défense par an», a annoncé Trae Stephens, le cofondateur et président exécutif d’Anduril, lors de la présentation publique d’Arsenal-1. De quoi faire basculer dans la production de masse une industrie jusqu’ici dominée par les petites et moyennes séries. L’usine pourrait produire à la chaîne l’ensemble de sa gamme : des drones Bolt, des avions de combat dronisés Fury (présélectionnés par le Pentagone en 2024), des centres de commandement, des missiles de croisière Barracuda…

Anduril, la start-up qui veut réarmer les États-UnisAnduril
Arsenal-1 Arsenal-1 occupera la superficie de 90 terrains de football américain.

Mais la confrontation avec la réalité pourrait s’avérer plus difficile que prévu. «Cela fait penser aux ambitions industrielles de Tesla, visant une augmentation des cadences très rapide à une échelle massive, souligne Pascal Fabre, directeur général au sein du cabinet de conseil AlixPartners. Certes, la courbe d’expérience, avec la Model 3, a été très compliquée à acquérir, mais Tesla s’est finalement imposé comme un constructeur capable de produire des centaines de milliers de voitures par an.» Toutefois, Anduril a pris la précaution de s’entourer. «La société travaille avec les bons partenaires sur les problématiques d’industrialisation, notamment avec Palantir pour accélérer la boucle entre design et manufacturing», précise l’expert.

Réduction des coûts de production

En juin, lors de la première participation d’Andurail au Salon du Bourget, l’un de ses porte-parole a mis l’accent sur l’obsession de produire à coût compétitif, s’appuyant sur sa gamme de missiles de croisière Barracuda : «Dès le départ, nous avons conçu une famille en reprenant des sous-ensembles communs et en utilisant des matériaux largement disponibles dans l’industrie. Ces missiles coûtent de l’ordre de 150000 dollars pièce, dix fois moins que ceux de la concurrence.» La compétitivité passe aussi par des procédés industriels optimisés, notamment en minimisant le nombre de pièces nécessaires à leur assemblage afin de réduire le temps de production. En misant sur la production de masse, Anduril tire les leçons de la guerre en Ukraine, où les drones kamikazes et les obus peuvent être tirés quotidiennement à des milliers d’exemplaires. Son patron justifie le besoin des États-Unis de faire face à une guerre dite de haute intensité en rappelant la menace chinoise : «Le fait que l’on prédise que nous serions à cours de munitions au bout de huit jours d’un conflit contre la Chine signifie que nous devons augmenter considérablement notre production d’armes.»

Pourquoi installer Arsenal-1 dans l’Ohio et pas en Californie, la terre d’origine d’Anduril ? «Les coûts de la vie et de l’énergie y sont trop élevés et la fiabilité des systèmes énergétiques insuffisante», a répondu aux médias américains Palmer Luckey. Au-delà de subventions (non communiquées), Arsenal-1 bénéficiera d’un terrain d’expérimentation et de l’accès à deux pistes de l’aéroport local, un atout pour tester et expédier rapidement ses produits aux clients. L’Ohio abrite également une base militaire à la pointe en matière d’évaluation des nouvelles technologies de combat aéronautique, une expertise précieuse pour Anduril, qui veut coller aux besoins des militaires, notamment en embauchant des vétérans de l’US Army. L’entreprise bénéficiera aussi d’un tissu de sous-traitants étoffé, qui travaille déjà pour un autre grand groupe aéronautique local, le motoriste GE. Les retombées économiques attendues dans l’Ohio sont énormes. Le fabricant d’armes prévoit de créer 4000 emplois directs en dix ans, avec un salaire horaire moyen de l’ordre de 60 dollars de l’heure, soit plus de deux fois celui de l’industrie américaine.

Pour se développer à l’international, Anduril mise sur une stratégie de partenariats tous azimuts. Le plus percutant est celui avec Rheinmetall, le groupe d’armement terrestre allemand [lire ci-dessous]. Mais le groupe s’est également approché de partenaires en Corée du Sud (Korean Air) ainsi qu’à Taïwan (l’Institut national Chung-Shan des sciences et technologies), et des forces armées australiennes. Une stratégie pragmatique car, en s’associant à un acteur local, il s’ouvre la porte des commandes étatiques. Toutefois, c’est bien sur le sol américain qu’il compte développer sa puissance industrielle et devenir le bras armé de la souveraineté nationale. «Notre projet se nomme Arsenal-1 parce qu’il y aura un Arsenal-2 et un Arsenal-3», explique Trae Stephens. En attendant, Anduril recrute à tour de bras. Plus de 1000 postes étaient ouverts sur sa page LinkedIn en octobre. #

L’armée allemande, un marché convoité

Pour s’ouvrir le prometteur marché de modernisation et de renforcement des capacités de l’armée allemande, la Bundeswehr, Anduril a conclu un partenariat stratégique avec Rheinmetall, le champion allemand de l’armement terrestre. Annoncé lors de l’édition 2025 du Salon du Bourget, l’accord prévoit que les partenaires codéveloppent et coproduisent une version de son drone de combat Fury et de sa gamme de missiles Barracuda. Une manière agile pour le groupe américain d’élargir sa supply chain et de respecter les contraintes de souveraineté de ses clients. Pour Pascal Fabre, expert des questions de défense au sein du cabinet AlixPartners, cette stratégie est gagnante pour toutes les parties prenantes. «C’est un bon moyen pour Anduril d’accéder plus facilement à des marchés souverains, pour l’acteur domestique de développer son offre et de capter des revenus supplémentaires, et enfin pour les armées de bénéficier plus rapidement de systèmes d’armes innovants. »

Anduril et Rheinmetall insistent sur le fait que les clients européens pourront intégrer leurs propres systèmes de commande et de contrôle, capteurs et autres charges utiles à leurs équipements. Visiblement, le fabricant allemand y trouve son compte. «Nous nous appuyons sur cette base pour mettre en service de nouveaux types de capacités autonomes, rapides à produire, modulaires et alignées sur les exigences évolutives de l’Otan», s’est félicité son dirigeant, Armin Papperger. #



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