
Le démarrage de la mine de fer géante de Simandou, en Guinée, met la pression sur le marché du fer, déjà affecté depuis des années par la morosité de l’économie et du bâtiment en Chine.
Mardi 11 novembre, les mondes du fer et de l’acier avaient les yeux rivés sur la Guinée. Promis depuis des années, Simandou, le plus grand projet minier du monde, a officiellement commencé ses opérations. La mine est souvent surnommée le «Pilbara killer», en référence aux gigantesques exploitations minières d’Australie occidentale qui craignent depuis des années la compétition à venir de ce gisement hors norme. Selon la firme d’analyse de données satellites Kpler, un navire de 300 mètres, le Newcastlemax Winning Youth, est en train d’être chargé au large du port de Morebaya, toujours en construction. Une fois lesté de 200000 tonnes de roches dans ses cales, il voguera vers la Chine, où il pourrait arriver à Noël.
Hausse continue de la production minière
Avec un coût de 20 milliards de dollars, 620 kilomètres de voie ferrée flambant neuve et 206 ponts, Simandou impressionne. La taille du gisement, situé dans les montagnes tropicales du sud-est de la Guinée, atteint 3,3 milliards de tonnes de minerai, avec une teneur moyenne très élevée de 65%. D’ici deux à trois ans, Simandou devrait fournir 120 millions de tonnes de fer annuellement, soit près de 5% de la production mondiale !
Derrière le projet : le gouvernement du pays (qui détient 15% du projet) et deux consortiums, exploitant chacun une partie du gisement. Le premier, Winning Consortium Simandou (WCS), allie notamment un géant de la logistique singapourien et le béhémoth chinois de l’acier Baowu. Le second, Simfer, compte entre autres le géant anglo-australien Rio Tinto et le chinois Chalco, premier producteur d’aluminium dans le monde. «Simandou est plus qu’un simple projet minier : c’est le moteur d’une transformation nationale», s’est réjoui Djiba Diakité, ministre directeur de cabinet de la présidence à Conakry, vantant lors de l’inauguration les apports économiques de la mine pour le pays d’Afrique de l’Ouest.
Le monde minier sera, lui aussi, transformé. D’abord, la Guinée va rejoindre l’Australie, le Brésil, la Chine et l’Inde parmi les producteurs qui comptent. Ensuite, «Simandou exercera une pression à la baisse sur les prix du minerai de fer et aura un impact particulier sur les producteurs de minerai à faible teneur et à coûts élevés», notait l’agence de recherche S&P en septembre.
Car la production minière mondiale augmente. Sous la barre des 2,5 milliards de tonnes en 2020, elle devrait atteindre 2,9 milliards en 2026 et dépasser les 3 milliards en 2029, estimait, fin 2024, le cabinet BMI, une filiale de l’agence de notation Fitch. Pour cause : même avant Simandou, les géants du secteur comme l’australien BHP (290 millions de tonnes de fer sur son dernier exercice annuel, prenant fin le 30 juin 2025), ou le brésilien Vale (qui prévoit d’atteindre 325 à 335 millions de tonnes cette année) battent des records.
La fin du moteur chinois
Les prix s’en ressentent pour l’instant peu. En 2025, les cours du minerai en Chine (à teneur de 62%) ont oscillé autour de la barre des 100 dollars, comme l’année précédente. C’est moins qu’à la sortie de la pandémie, mais bien plus que la moyenne de la décennie d’avant.
Problème : d’avis partagé, la Chine, derrière la croissance phénoménale de la production comme de la demande d’acier (et donc de minerai de fer, sa principale matière première avec le charbon métallurgique) depuis 20 ans, en a moins sous la pédale. Malgré les efforts de Pékin, le secteur du bâtiment ne redémarre pas. Comme l’Europe avant lui, le pays commence à être bien doté en infrastructure. Il transforme progressivement son parc industriel vers des produits à plus haute valeur ajoutée, moins consommateurs d’acier.
Résultat, il y a trop d’aciéristes locaux et leurs marges s’effondrent pour partie, note le fournisseur de données chinois Shanghai Metals Market (SMM). De janvier à octobre 2025, le secteur sidérurgique chinois, à l’origine de plus de la moitié de la production d’acier dans le monde, a baissé de 3,9% sa production par rapport à la même période en 2024, note la World Steel Association. Malgré une croissance rapide de la sidérurgie en Inde (+10%) la production mondiale a ainsi décru de 2,1%…
D’où un déséquilibre, qui conduit la plupart des analystes à prévoir une baisse notable des cours du minerai de fer dans les prochaines années. Personne, pour l’instant, n’anticipe un retour sous la barre des 50 dollars, comme lors de la dernière grande crise du secteur, en 2015. Mais les grands producteurs de fer ne s’y trompent pas. Tous cherchent à se diversifier vers d’autres métaux de la transition énergétique – comme le cuivre, ou encore le lithium – ou vers l’extraction de minerai de fer à haute teneur (qui se vend plus cher) et sa transformation en petites billes (pellets, en anglais) prisées des usines qui produisent de l’acier sans charbon, avec du gaz naturel ou de l’hydrogène. Un créneau sur lequel Simandou est très bien positionné.


