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Pourquoi la voiture électrique des uns fait grimper les prix à la pompe et les factures de gaz et d’électricité des autres

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Lu il y a 8 minutes



En quête d’économies, l’État fait financer la rénovation énergétique et l’aide à l’achat de véhicules électriques par le mécanisme extrabudgétaire des certificats d’économie d’énergie (CEE). Mais au final, ce sont les ménages qui vont payer… Et l’on commence à savoir combien.

Les fournisseurs d’énergie ne s’en cachent plus. Soumis à des obligations de production de certificats d’économie d’énergie (CEE) sur des opérations d’efficacité énergétique dans l’industriel et l’habitat, et depuis le 1er juillet 2025 sur l’achat de véhicules électriques (bonus écologique et leasing social) au prorata de leur vente de carburant, fioul domestique, de gaz et d’électricité, ils répercutent le coût sur la facture.

TotalEnergies, par la voix de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), fait savoir que les carburants à la pompe vont augmenter de 4 à 6 centimes par litre dès le 1ᵉʳ janvier 2026, en réaction à la décision du gouvernement d’augmenter de 27% les volumes de CEE, selon un décret du 30 octobre, que les énergéticiens doivent produire en moyenne par an sur la période 2026-2030. L’impact des CEE sur les carburants était déjà de 11 centimes le litre en 2025, contre 7,3 centimes en 2023 selon la Cour des comptes et déjà entre 7 et 8 en 2021, selon l’Ufip. «Ce n’est pas nouveau, rappelle Blandine Ruty de l’Ufip à L’Usine Nouvelle. Mais on ne communique pas beaucoup sur le sujet.» Jusque-là, du moins.

Les pétroliers ne sont pas les seuls à prévenir leurs clients qu’ils vont financer la transition énergétique. Par courrier, Engie aussi prévenu ses clients particuliers gaz d’une hausse de 5,8% du prix du kWh hors taxe comparé à novembre 2025, son tarif, pour «prendre en compte la hausse des coûts de certaines de ses obligations réglementaires», citant les CEE mais aussi les nouveaux certificats de production de biogaz (CPB). Cela représenterait une hausse moyenne de 3,5% du budget gaz annuel.

Les CEE ont ajouté 181 euros sur la facture d’énergie en 2024

Sans préciser de combien, EDF indique que «le coût des CEE sur les factures énergétiques des ménages et des entreprises du secteur tertiaire devrait augmenter» et sera répercuté, mais que la manière de le faire «dépend de la stratégie d’acquisition des CEE de chaque acteur». La répercussion interviendra sur les factures «courant 2026». De combien la facture va grimper ? Difficile à dire à ce stade.

Comme pour le gaz, le fioul ou le carburant, le coût des CEE est aussi répercuté, depuis leur mise en place en 2005, sur la facture d’électricité, y compris dans le tarif réglementé de l’électricité (TRV), calculé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). L’impact est faible, mais pas nul. Il était de 0,69 centime d’euro par kWh d’électricité en 2023, a calculé la Cour des comptes, et de 0,7 centime par kWh de gaz. Avec les nouvelles obligations CEE, le surcout au kWh pourrait atteindre jusqu’à 0,2 centime.

Au total, en moyenne, les CEE ajoutaient déjà 164 euros par an sur le budget énergie et carburant des ménages en 2023, selon la Cour des comptes. Avec son propre mode de calcul, le Groupement des professionnels des Certificats d’économies d’énergie (GPCEE) arrive à 165 euros en 2023 et a calculé qu’il avait déjà grimpé à 181 euros en 2024. Il devrait donc encore monter. Mais ce sont 2 milliards par an d’obligations supplémentaires que les fournisseurs d’énergies vont devoir produire, et vont donc répercuter, au moins en 2026.

Une taxe qui ne dit pas son nom

«L’augmentation de 27% des CEE compense la débudgétisation de 1 milliard pour MaPrim’Renov, 600 millions d’euros de Bonus écologique et 400 millions d’euros de leasing social», constate Florence Lievyn, présidente du GPCEE. Problème, la moitié ne concerne pas des opérations d’efficacité énergétique, qui peuvent être compensées par des réductions de facture pour le ménage qui en bénéficient. Et pour «les ménages qui ne sollicitent pas les CEE via des actions sur leur logement ou la mobilité, désormais, ils en sont des contributeurs nets et en effet, peuvent estimer que c’est une taxe, même si cela n’en est pas une».

Les acteurs des CEE préfèrent présenter le coût des CEE sur les factures comme une contribution à «un dispositif de type mutuel. Vous payez, tous les mois, au travers de votre facture de gaz, d’électricité ou de carburant. Et vous allez en bénéficier, mais pas juste à la hauteur de votre contribution», explique Florence Lievyn. Sauf que cette mutuelle-là coute de plus en plus cher, et qu’il n’est pas si simple d’en bénéficier. De plus, le dispositif souffre d’un manque crucial de contrôle et est vérolé par les fraudes, a constaté la Cour des comptes.

2 milliards de plus d’obligations

Pour accompagner sa décision, le gouvernement a bien prévu, dans son projet de loi de finances, de renforcer les moyens du pôle national CEE (PNCEE), dépendant de la Direction générale énergie climat. Aux 25 personnes qui l’animent est prévu l’ajout de 23 ETP à partir de 2026, soit un doublement des effectifs, «complètement inédit», observe la présidente de la GPCEE. Sauf que cela va rester insuffisant pour contrôler plus de 1 million d’opérations de CEE par an, soit aujourd’hui 60000 dossiers à contrôler par agent et par an !

Matignon promet aussi que l’usage des CEE pour financer sa politique de décarbonation n’est que temporaire et que «cette débudgétisation n’a pas vocation à durer». Cela reste à prouver. Pour l’instant, effectivement, le gouvernement ne prolonge le dispositif de bonus automobile présenté fin 2025 que pour 2026. La bonification, de 5700 euros pour les ménages précaires, 4700 euros pour les ménages modestes non précaires et 3 500 euros pour les autres ménages, est réservée aux voitures particulières électriques les plus vertueuses, dont la masse est inférieure à 2400 kg, et dont le prix d’acquisition est inférieur à 47000 euros hors options. Un sur-bonus de 1200 à 2000 euros est prévu pour les véhicules dont la batterie est fabriquée en Europe.

La gestion de l’octroi de la prime est généralement opérée par le concessionnaire. Ce dernier rassemble les éléments justificatifs, avance l’aide et fait figurer le montant de la prime CEE sur le devis, le contrat de location ou la facture du véhicule. Mais attention, indique Bercy, «ces montants maximaux sont indicatifs et susceptibles d’évoluer dans les prochains mois en fonction du cours des CEE». Ces derniers s’achètent et se vendent sur un marché secondaire entre obligataires et obligés. Histoire d’ajouter un peu plus de complexité au système !



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