
Collectivités, propriétaires fonciers et porteurs de projets sont appelés à se baser sur ce guide pour toute initiative d’implantation de centre de données dans l’Hexagone. Objectif : renforcer les infrastructures du pays pour le bon développement de l’IA. Un projet louable malgré certaines limites pointées du doigt.
Est-ce là un sursaut gouvernemental auquel nous assistons ? Alors que se tenait l’événement Adopt AI à Paris ce 25 et 26 novembre, le gouvernement français a multiplié les annonces : tandis que les juristes de l’administration vont bénéficier des services d’IA de la legaltech Doctrinel’Etat a levé le voile sur son chantier de “Suite Numérique”, un ensemble d’outils collaboratifs conçus pour les agents du secteur public.
Et puisque “la France a les moyens d’être une grande puissance de l’intelligence artificielle” pour reprendre les mots de Roland Lescure, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle, énergétique et numérique, la prochaine étape consiste à avoir des infrastructures de qualité et adaptées au développement de cette technologie.
Faire pousser des data centers comme des champignons
En ce sens, Roland Lescure et Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, ont publié ce jour un guide pour accompagner l’implantation de centres de données en France. Ce document s’adresse en particulier aux collectivités, propriétaires fonciers et porteurs de projets avec l’intention de leur apporter un cadre clair et des repères pratiques pour faciliter l’accueil de centres de données sur le territoire.
Celui qui s’impose comme le troisième pays européen en nombre d’infrastructures sur son territoire doit en effet renforcer ces dernières pour rester dans la course. Le guide détaille donc les conditions propices à l’implantation d’un centre de données : disponibilité foncière ; raccordement au réseau électrique ; localisation et présence d’infrastructures ; prise en compte des contraintes environnementales et d’urbanisme.
Zoom sur le guide en question
Les sites propices doivent par exemple offrir disponibilité foncière, raccordement électrique (puissances de 10 MW à plus de 400 MW), infrastructures réseau performantes et compatibilité avec le PLU. L’État prévoit de faciliter l’implantation via une simplification administrative, une pré-réservation électrique et une identification de 63 sites “clés en main”, dont certains en procédure “fast-track”.
Ces sites ont été identifiés par une task force nationale pilotée par la Direction générale des Entreprises (DGE) et réunissant RTE et Business France, a été mise en place dans la lignée du Sommet de Paris pour l’action sur l’intelligence artificielle de février 2025. Son rôle : renforcer l’attractivité de la France pour l’accueil des infrastructures numériques, accompagner toutes les parties prenantes.
Concilier économie et environnement
L’attribution des sites publics doit en outre respecter transparence et impartialité, avec analyse des enjeux économiques (solidité financière, modèle stratégique, retombées locales) et environnementaux (PUE, WUE, recyclabilité, intégration territoriale). Le respect des différentes réglementations (loi ELAN, directive européenne efficacité énergétique) fait également partie des exigences.
Du côté des parties prenantes à cette initiative, les acteurs intéressés peuvent se faire accompagner par la DGE, Business France, ARD, DREETS et les services fiscaux. Le raccordement électrique relève, selon la situation, d’Enedis (40 MW).
Un guide qui comporte son lot de limites
En somme, ce guide pratique apporte un éclairage sur tout ce qui influence la création d’un centre de données : Qu’est-ce qu’un centre de données ? Pourquoi installer des centres de données en France ? Quels sont les sites propices à l’implantation d’un centre de données ? Comment attribuer un site stratégique pour l’implantation d’un centre de données ? Porteur de projet, propriétaire foncier ou collectivité : comment se faire accompagner ?
Mais il possède quelques limites. Premièrement, la portée est essentiellement descriptive. Il ne fournit pas de méthodologie détaillée pour la mise en œuvre opérationnelle (planning, budget, études techniques). De plus, l’absence de chiffrage précis (coûts d’investissement, d’exploitation ou de raccordement électrique non détaillés) et le peu d’indications sur la gestion des risques (liés à la cybersécurité, aux tensions sur le réseau électrique ou aux évolutions réglementaires) n’apportent pas toute la clarté vantée.
Enfin, l’approche environnementale pourrait être perfectible. Bien que la sobriété énergétique soit mentionnée, le guide ne propose pas d’indicateurs obligatoires ni de seuils contraignants (PUE, WUE, ERF sont cités, mais sans valeurs cibles précises pour chaque type de projet).
Ultimes remarques s’il en fallait : le manque de cas pratiques. Aucun exemple détaillé de projet réussi ou de retour d’expérience n’est présent pour illustrer les recommandations. Enfin, le guide encourage la diversification hors Île-de-France, mais ne fournit pas de cartographie exhaustive des zones favorables ni d’analyses socio-économiques locales.
Oui à une implantation accélérée, mais encadrée
Certes, il faut saluer le travail réalisé à date. Comme le rappellent justement les deux ministres dans leur communication, “l’implantation de centres de données en France constitue un levier essentiel au renforcement et au développement d’un secteur numérique français souverain, résilient et innovant”. Oui, mais à quel prix ? Dans quelles conditions ? Au service de qui ? Autant de questions qui restent à date en suspens.


