Analyse détaillée de l’article 230‑46 du CPP (version en vigueur depuis le 15 juin 2025). ZATAZ revient sur les modalités d’infiltration en ligne, son utilisation de l’IA, ses actes autorisés, ses garde‑fous judiciaires et ses enjeux juridiques.
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Entré en vigueur le 15 juin 2025, l’article 230‑46 du code de procédure pénale encadre légalement l’infiltration policière sous pseudonyme sur les réseaux électroniques. Il ouvre des puissants outils d’investigation, dont l’IA, tout en instituant des garde‑fous judiciaires stricts pour prévenir les dérives. Les pirates n’ont pas fini de trembler ! Le petit plus de la loi NarcoTrafic ?
L’article 230‑46 permet aux policiers/gendarmes et juges d’instruction de mener des enquêtes sous couverture sur les crimes et délits punis d’emprisonnement, à condition que ces infractions soient commises via des communications électroniques (internet, réseaux sociaux, forums, messageries…). L’objectif est de fournir des moyens légaux d’infiltration et d’action sous pseudonyme adaptés à la cybercriminalité.
Les conditions d’application reposent sur deux exigences. L’infraction doit être punie d’emprisonnement (crime ou délit) et l’enquête ou l’instruction doit justifier réellement ces actes pour les besoins de la procédure. Les fonctionnaires concernés sont uniquement ceux des services spécialisés, « spécialement habilités » par arrêtés ministériels (ministères de la justice et de l’intérieur). Ce prérequis exclut toute action en dehors de ces unités formelles.
Quatre actes autorisés sous pseudonyme
Sous pseudonyme et sans responsabilité pénale, les agents habilités peuvent participer à des échanges électroniques. Ils peuvent dialoguer en ligne, tchater, se faire passer pour une autre personne, y compris auprès des suspects potentiels. Ils sont également autorisés à utiliser des technologies avancées (modulateurs vocaux, filtres visuels, avatars, deepfakes) pour altérer voix ou image, même lors de visioconférences ou rencontres physiques.
Ils peuvent recueillir, mais ça c’est la base, les identités, messages, preuves et traces numériques concernant les personnes soupçonnées.
Sous autorisation préalable (procureur ou juge d’instruction), ils peuvent acheter ou transmettre des biens, des substances ou des services, même en réponse à une demande explicite des suspects. Si l’autorisation fait défaut, la procédure est nulle. Autant dire que nos policiers ne font pas n’importe quoi.
Notons que le Conseil constitutionnel (décision 2022‑846 DC du 19 janvier 2023) a censuré en partie ces dispositions, en soulignant l’absence de garanties suffisantes quand l’objet est licite. La loi 2025‑532 du 13 juin 2025 rétablit une vigilance accrue : tout achat ou échange, licite ou illicite, requiert désormais l’autorisation écrite ou tracée, pour éviter la censure.
Rapport Europol – Facing reality? Law enforcement and the challenge of deepfakes (janvier 2024)
Ce rapport officiel du Europol Innovation Lab confirme que les forces de l’ordre surveillent étroitement l’usage des deepfakes tout en mettant en place leurs propres capacités pour y faire face. Il précise : « The Europol Innovation Lab is continuously monitoring the development of disruptive technologies such as deepfakes. »
Fournir des moyens logistiques ou financiers
Toujours sur autorisation préalable, les agents peuvent délivrer de l’argent, un hébergement, un transport, des équipements logistiques aux suspects, pour faire progresser l’enquête (par exemple, faire venir un vendeur d’armes sur Telegram ou un cybercriminel sur un forum privé).
Mais attention, ici aussi, ce n’est pas la « fête à neuneu« . Les actes des points 3 et 4 nécessitent une autorisation du procureur ou du juge, mentionnée ou versée au dossier (par téléphone, mail sécurisé ou oral avec trace écrite). À défaut, nullité de toute preuve en découle.
L’article prohibe que les opérations deviennent la cause déterminante de l’infraction. Si les agences fédérales américaines ne sont pas avares de cette méthode contestable, pas ce ça en France. Cependant, une exception : les interventions visant une infraction déjà commencée sont autorisées (« doctrine du pied dans la porte »). Cette distinction entre incitation (interdite) et aggravation ou constatation d’infraction en cours (autorisée) sera au cœur des débats jurisprudentiels à n’en pas douter. La frontière étant tellement grise.
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Contrôle judiciaire permanent
Chaque action est menée sous surveillance du magistrat (procureur ou juge). Celui-ci peut à tout moment interrompre ou recadrer les opérations. Les policiers/gendarmes bénéficient d’une exonération de responsabilité « sans en être pénalement responsables » pour autant qu’ils respectent scrupuleusement l’autorisation et la mission. Toute sortie de cadre, en revanche, engage leur responsabilité individuelle.
Toutes les autorisations, et leur mode (oral avec trace, mail, téléphone…) comme expliqué plus haut, doivent être documentées et intégrées au dossier, garantissant transparence et contrôle. L’absence de documentation entraîne à nouveau une nullité.
Ce dispositif, entré en vigueur le 15 juin 2025 via la loi 2025‑532 du 13 juin 2025 (articles 37, 42, 43), actualise les règles initiales plus libérales de 2023, rompant avec l’ancien système jugé trop permissif. Cette mise à jour rend obsolètes les analyses basées sur les versions antérieures.
Dans sa décision du 19 janvier 2023 (n° 2022‑846 DC), le Conseil a annulé les dispositions dispensant l’autorisation pour les acquisitions licites. Il a jugé qu’elles portaient atteinte au droit à un procès équitable La réforme de 2025 réintroduit l’obligation d’autorisation pour tous, renforçant ainsi les garanties.
Police américaine (Emeryville PD, Californie) – adaptation aux deepfakes
Selon un article de Police Chief Magazine, un lieutenant du département de police d’Emeryville (Californie) explique que : « Les médias deepfake (deepfakes) sont des contrefaçons hyperréalistes de vidéos, d’images et de sons… Des deepfakes sophistiqués ne nécessitent pas de moyens exotiques : ils peuvent être créés à l’aide d’ordinateurs de jeu standards et de logiciels largement disponibles sur internet.«
Portée et limites du champ
La loi ne s’applique qu’aux infractions commises par voie électronique. Toute action en ligne justifie les actes ; les enquêtes classiques hors ligne restent exclues, même si internet est utilisé ponctuellement. La mention explicite d’altération vocale et physique autorise les agents à utiliser deepfakes, modulateurs vocaux, avatars, filtres visuels et dispositifs anti reconnaissance faciale. Ce cadre légal reconnaît l’usage de technologies de rupture pour mieux infiltrer les réseaux criminels dissimulés derrière anonymat. Ces outils permettent d’entrer dans des groupes protégés par reconnaissance biométrique, par exemple, dissuadant les suspects et permettant d’obtenir des preuves fiables.
« Art. 706-63-2. – Lorsque cette comparution est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique des collaborateurs de justice ou celles de leurs proches, la chambre de l’instruction peut, d’office ou à leur demande, ordonner leur comparution à tous les stades de la procédure dans des conditions de nature à préserver leur anonymat, y compris par l’utilisation d’un dispositif technique mentionné à l’article 706-61 ou d’un dispositif permettant d’altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique. Dans ce cas, cette décision est valable pour toute procédure à laquelle ils sont témoin ou partie. La chambre de l’instruction statue à huis clos après avoir recueilli les observations écrites du procureur général et des parties concernées. « La juridiction de jugement peut également ordonner le huis clos. Elle statue à huis clos sur cette demande. »«
Ce cap technologique franchi soulève cependant de nombreux enjeux. Risque de pièges illégitimes ou manipulations pouvant générer des preuves contestables. Question de la vie privée, de l’usurpation d’identité, et des libertés individuelles si le contrôle judiciaire n’est pas réellement effectif. Nécessité de veiller à ce que les technologies ne soient pas détournées à des fins extra procédurales.
Bref. L’article 230‑46 version 2025 concilie une réponse structurée à la cybercriminalité avec un cadre juridique exigeant. En autorisant la police et la gendarmerie à adopter des techniques d’infiltration numérique tout en imposant une autorisation préalable, un contrôle judiciaire continu, une absence d’incitation, et une traçabilité stricte, le législateur renforce à la fois l’efficacité et les garanties.
Cependant, le respect de la clause de non provocation et l’usage proportionné des technologies intrusives seront au cœur de la jurisprudence à venir. Les premiers procès testeront les limites entre investigation et provocation, entre efficacité et respect des libertés fondamentales.
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