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Hakuto R-M2 s’écrase sur la Lune à son tour

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Lu il y a 9 minutes


Hakuto R-M2
L’atterrisseur Hakuto R-M2 peu avant son encapsulation. Crédit : SpaceX.

Les alunissages manqués se suivent et se ressemblent, surtout en ce qui concerne les initiatives privées. La start-up japonaise iSpace a de nouveau échoué à poser en douceur un atterrisseur Hakuto R sur la surface lunaire, entraînant au passage la destruction du premier astromobile européen.

Il y a comme une sensation de déjà vu. Et pour cause : il y a un peu plus de deux ans, le 23 avril 2023, le contact avec l’atterrisseur Hakuto R-M1 a été perdu après qu’il a transmis sa dernière télémesure à environ 80 m de la surface alors qu’il descendait à une vitesse stabilisée de 30 km/h. Bis repetita le 5 juin, à 19 h 15 TU, son jumeau Hakuto R-M2, surnommé Resilience, a cessé d’émettre après avoir annoncé une vitesse de descente de 187 km/h à 52 m d’altitude au-dessus de la plaine de Mare Frigoris (60,5° Nord, 4,6° Ouest).

Hakuto R-M2
La Lune, vue depuis l’orbite par Hakuto R-M2. Crédit : iSpace.

Lancé le 15 janvier dernier par un Falcon 9 qui emportait également l’atterrisseur Blue Ghost M1 de Firefly Aerospace – qui a aluni avec succès le 2 mars – Hakuto R-M2 a rejoint la Lune via une trajectoire de faible énergie qui l’a amené à se placer sur orbite lunaire elliptique culminant à 5 800 km le 7 mai. Le 28 mai, le petit atterrisseur (340 kg à vide, environ 1 t au lancement) a manœuvré pour se placer sur une orbite circulaire à 100 km d’altitude autour de la Lune. Il en a volontairement décroché le 5 juin à 18 h 09 TU, pour une descente de 66 minutes à l’issue fatale.

Toutes les manœuvres de Hakuto R-M2, dont le freinage et le pilotage en descente, ont été réalisées par un système propulsif fourni par ArianeGroup. celui-ci se composait d’un moteur principal biergol de 400 N, d’un modèle initialement conçu pour la mise à poste des satellites géostationnaires, de six moteurs secondaires de 200 N, également biergols, pour le pilotage, et de huit moteurs monergols de 1 N pour le contrôle d’attitude.

Un possible problème de navigation en phase finale

Une première lecture des télémesures disponibles semble montrer que le problème s’est posé lorsque l’atterrisseur a changé de mode de pilotage, passant d’une navigation via l’analyse de son signal capté depuis la Terre, à un pilotage via le lidar de bord lui donnant des données fiables d’altitude. Ce lidar pointant vers le bas, il n’a pu renvoyer des mesures qu’une fois Hakuto R-M2 redressé après avoir annulé l’essentiel de sa vitesse horizontale, c’est-à-dire résiduelle de sa vitesse orbitale. Or à ce moment-là, l’atterrisseur se trouvait plus bas que prévu et n’aurait pas eu le temps de freiner suffisamment. Il descendait probablement encore à 100 km/h au moment de l’impact, qui est intervenu environ 102 s avant l’heure calculée de l’alunissage.

Ce profil d’alunissage de haute technologie avait déjà posé problème il y a un an, lorsque le lidar de Hakuto R-M1 avait été affolé après que la sonde était passée au-dessus d’une falaise, au point que le système de pilotage l’avait jugé inopérant et avait re-basculé sur le pilotage par Doppler, jusqu’à tenter de se poser à une altitude ne correspondant pas à celle du sol.

Vue d’artiste de Hakuto R-M2 et de l’astromobile Tenacious tels qu’ils auraient dû apparaître sur la surface de la Lune. Crédit : iSpace.

L’analyse précise des télémesures devrait permettre aux équipes d’iSpace d’identifier l’origine de ce dernier crash et de développer des solutions pour que cela ne se reproduise plus. Quelle que soit la cause racine du problème, elle devra avoir été réglée avant le lancement de la mission M3, annoncée pour 2027.

Initialement développé par iSpace et JAL Engineering dans le cadre de la compétition internationale Google Lunar X-Prize – close en 2018 sans qu’aucun candidat ne soit parvenu à respecter les délais impartis – l’atterrisseur Hakuto R a été restructuré en une mission de démonstration de capacité d’alunissage commerciale. La structure et la propulsion de la sonde ont été réalisés par ArianeGroup à Lampoldshausen en Allemagne, qui a également assuré l’assemblage, l’intégration et les essais, y compris de l’avionique, des panneaux solaires et des différentes charges utiles. Les essais environnementaux ont été menés chez IABG à Ottobrunn, près de Munich. La mission M2 utilisait aussi les moyens de communications du réseau de stations Estrack de l’ESA.

Le passager luxembourgeois de Hakuto R-M2

Sur cette mission, l’atterrisseur Hakuto R emportait un petit astromobile de 5 kg, Tenacious, développé par iSpace Luxembourg et co-financé par l’agence spatiale luxembourgeoise LSA via le programme LuxImpulse mis en œuvre par l’ESA pour le Grand-Duché. Ce petit robot, piloté depuis le centre des opérations de l’ESA (Esoc) à Darmstadt, devait récolter un peu de régolithe lunaire pour le compte de la Nasa. Cet échantillon, photographié par la caméra de l’astromobile, devait être symboliquement vendu à l’agence américaine pour la somme symbolique de 5 000 $, ce qui aurait ainsi permis de mettre en œuvre, pour la première fois, la loi luxembourgeoise sur l’exploitation des ressources spatiales de 2017, la deuxième dans le monde à encadrer la commercialisation des ressources naturelles extraterrestres, aux marges du Traité de l’Espace de 1967.

Hakuto R-M2 Tenacious
L’astromobile luxembourgeois Tenacious. Crédit : iSpace.

Tenacious devait aussi déposer à la surface lunaire une petite maquette de cottage réalisée par l’artiste suédois Mikael Genberg.

L’atterrisseur Resilience emportait également des charges pour le compte des entreprises japonaises Takasago Thermal Engineering (climatisation), Euglena (biotechnologie) et Bandai Namco (jeux), ainsi que de Qantum Aerospace aux États-Unis et la National Central University (NCU) de Taiwan. À son bord était également installé un disque-mémoire développé par l’Unesco avec des enregistrements de 275 langages et d’autres éléments culturels.

Hakuto R-M2 n’est que le dernier d’une série d’échec du secteur privé

Le bilan des missions lunaires commerciales et privées se révèle assez désastreux. Depuis avril 2019, et la tentative d’alunissage du premier module israélien Beresheet, sept atterrisseurs privés, de cinq modèles différents, ont été lancés avec l’intention de se poser sur la Lune. Sur ce total, un n’a pas atteint la Lune (Peregrine 1), trois se sont écrasés (Beresheet 1, Hakuto R-M1 et M2), deux se sont renversés à l’alunissage et n’ont pas pu remplir leur mission (IM-1 et 2), et un seul – Blue Ghost M1 – a rempli sa mission, soit un taux d’échec de plus de 85 % pour un investissement total évalué à plus de 800 M$.

Dans le même temps, six projets menés par des agences spatiales ont été lancés, dont trois ont été des succès (Chandrayaan 3, Chang’e 5 et 6). Seules la sonde indienne Chandrayaan 2 et son homologue russe Luna 25 se sont écrasées, tandis que la sonde expérimentale japonaise SLIM (Smart lander for Investigating Moon) s’est renversée en testant un nouveau mode d’atterrissage sur le flanc, totalement inédit.

Hakuto R-M2
Lancement de Hakuto R-M2 et Blue Ghost M1. Crédit : SpaceX.

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