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des jouets sexuels trafiqués pour exploser !

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Lu il y a 9 minutes


Un réseau lié aux services secrets russes aurait orchestré une série d’explosions en Europe en dissimulant des engins incendiaires dans des colis contenant des jouets sexuels et des cosmétiques.

En plein été 2024, alors que l’Europe pensait ses arrières protégés, une opération d’un genre inédit se déployait dans l’ombre. Des colis banals, camouflant des explosifs artisanaux, ont éclaté dans des entrepôts de Birmingham, Leipzig et Varsovie. Derrière cette mise en scène grotesque, des jouets sexuels, des coussins de massage et des tubes de crème, se cache un vaste réseau de sabotage dont les ramifications mènent jusqu’à la Russie. L’enquête explosive menée par The Guardian révèle les dessous d’un dispositif complexe, entre espionnage, guerre hybride et dérive mafieuse.

Un fugitif au cœur du dispositif

Tout commence avec Alexander Bezrukavy, 44 ans, un Russe originaire de Rostov-sur-le-Don, au passé lourdement chargé : armes, drogues, vols, appartenance à un groupe criminel. En 2019, il est inculpé pour crime organisé, mais parvient à s’échapper, passant par l’Ukraine, la Moldavie, puis la Croatie, pour enfin se réfugier dans l’espace Schengen. Grâce à un mariage fictif, il décroche un titre de séjour en Espagne. De là, il rejoint Varsovie, où il retrouve deux comparses : Viatcheslav « Donut » Chabanenko et Sergueï Yauseyev, tous deux Ukrainiens au passé trouble.

Ils se rencontrent dans l’ombre numérique de Telegram, sur les chaînes russophones dédiées aux « petits boulots ». Un canal nommé VWarrior, soupçonné d’être dirigé par un officier du GRU, le renseignement militaire russe, leur propose des missions : transporter des colis entre des villes européennes pour quelques centaines de dollars. L’apparente banalité des tâches cache un engrenage plus sinistre.

Le déguisement parfait de la terreur

Selon Kirill, un ancien membre du réseau interrogé par The Guardian, les colis à livrer contiennent des articles absurdes : sextoys chinois, lubrifiants, cosmétiques. Pourtant, ces objets camouflent une tout autre réalité. À l’intérieur, des engins incendiaires artisanaux, minutieusement préparés avec des composants d’origine chinoise, notamment des gadgets électroniques bon marché utilisés pour retrouver des objets perdus. Ces dispositifs sont programmés pour s’enclencher à une heure précise, souvent plusieurs jours après leur expédition.

« Les tubes ressemblaient à de simples crèmes, mais contenaient du nitrométhane, un agent chimique hautement inflammable », confie un enquêteur sous couvert d’anonymat.

Les coussins de massage et les jouets sexuels servaient d’écrin à une charge pyrotechnique complexe. L’effet visé ? Créer des incendies dans des lieux stratégiques ou, selon certaines hypothèses, à bord d’avions cargos lors de trajets transatlantiques.

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Des explosions en série

Les 19, 20 et 21 juillet 2024, trois explosions retentissent dans des entrepôts logistiques de DHL à Birmingham, Leipzig et près de Varsovie. Les colis incriminés ont tous été expédiés depuis la Lituanie. Les autorités européennes, déjà sur le qui-vive face à la multiplication des cyberattaques et des actes de sabotage contre des infrastructures critiques, font immédiatement le lien avec le renseignement russe.

Le déclic de l’enquête vient d’un quatrième colis, envoyé depuis Vilnius mais qui n’a pas explosé. Il est intercepté dans un dépôt polonais. L’analyse révèle la présence d’un gel incendiaire dans un tube de cosmétique et la complexité d’un mécanisme à retardement. Une première photo du contenu, publiée par The Guardian, montre des coussins de massage, des sextoys, des tubes de crème, le tout soigneusement posé sur un matelas. L’image illustre l’étrange trivialité des objets utilisés pour semer le chaos.

« Cette opération est une forme moderne de guerre hybride. Elle vise à semer la panique sans assumer la responsabilité », explique un expert en renseignement européen.

Une opération test transatlantique

Les enquêteurs découvrent que deux autres colis ont été envoyés, cette fois vers Washington et Ottawa. Leur contenu : des baskets Nike et des uniformes de sport. L’emballage a été réalisé par Bezrukavy et Chabanenko dans un marché de Varsovie, sur instruction de VWarrior. Rien d’illégal en apparence, mais l’opération intrigue les services polonais. Trop coûteuse pour un trafic anodin, elle ressemble à un test logistique, une répétition avant une offensive de plus grande ampleur.

Informée, l’administration Biden réagit rapidement. Des responsables américains contactent leurs homologues russes pour demander un arrêt immédiat de ce qu’ils considèrent comme une menace directe. Selon un ancien responsable de la sécurité cité par les journalistes britanniques, ces échanges auraient permis de suspendre temporairement l’opération.

Arrestations en cascade

Le 4 août, la police polonaise interpelle Chabanenko. Suivent les arrestations de Yauseyev en Espagne, et de Vladislav Derkavets, alias Dzerkovets, en Pologne. Ce dernier, un Ukrainien de 27 ans, aurait conditionné à lui seul quatre colis explosifs à Vilnius. Il a été vu en train de remettre les colis à un contact inconnu dans un parc, après avoir activé les détonateurs préréglés. Le mot de passe de la transaction était : Maria.

Alexander Bezrukavy, lui, parvient d’abord à fuir. Il trouve refuge dans des villages slovaques, puis tente de rejoindre la Russie. Mais sa trace est suivie. Il est arrêté en Bosnie, à la frontière croate, le 3 février 2025, puis extradé vers la Pologne malgré les efforts de Moscou pour le rapatrier. La Russie invoque une vieille affaire criminelle, mais pour les enquêteurs européens, la manœuvre révèle surtout l’intérêt stratégique de l’individu pour les autorités russes.

Ce que révèlent les investigations, c’est une mutation profonde de la manière dont la Russie mène ses opérations secrètes. Les agents du GRU ne voyagent plus. À la place, ils engagent des exécutants précaires, souvent recrutés via Telegram. Des « freelances » criminels, attirés par l’argent facile, peu conscients – ou feignant de l’être – du but final de leurs missions.

Kirill, qui a quitté l’Europe pour se cacher, assure ne jamais avoir su qu’il participait à une opération de sabotage. Il admet néanmoins qu’il n’a jamais posé de questions. Quant à Bezrukavy, s’il était au courant, ce n’était pas, selon lui, pour des raisons idéologiques : « Il ne l’a pas fait pour la patrie. Il voulait juste de l’argent facile.« 

Une nouvelle forme de terreur

L’opération des colis piégés est révélatrice d’une nouvelle tendance dans les conflits hybrides : la banalisation de la menace, son insertion dans le quotidien, et le recours à des circuits logistiques civils, comme les transporteurs commerciaux, pour mener des attaques invisibles.

Les procureurs polonais accusent aujourd’hui Bezrukavy et Dzerkovets de terrorisme et de collaboration avec une puissance étrangère. Le Kremlin, lui, rejette catégoriquement toute implication. Le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a dénoncé des « élucubrations russophobes ».

Mais les faits s’accumulent. Le réseau semble avoir agi dans plusieurs pays, et d’autres colis suspects pourraient encore circuler. À ce stade, les autorités européennes redoutent que les événements de l’été 2024 n’aient été qu’un test grandeur nature.

En pleine guerre en Ukraine, alors que les tensions entre Moscou et l’Occident restent à leur paroxysme, l’affaire jette une lumière crue sur les moyens employés par la Russie pour affaiblir ses adversaires.

Les services de renseignement européens craignent désormais un déploiement plus vaste de ce type d’opérations. D’autant que la facilité avec laquelle ces colis ont circulé entre plusieurs pays, par voie légale, montre les failles du système de sécurité.

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