Un outil pirate nommé Pay2Key, découvert par Zataz, propose à n’importe qui de lancer des cyberattaques sans compétence technique, moyennant des promesses de gains élevés et d’anonymat absolu.
C’est une découverte aussi effrayante qu’inédite : un service pirate baptisé Pay2Key, découvert récemment par Zataz, semble vouloir révolutionner le paysage du cybercrime. Cette plateforme fonctionne comme un véritable produit commercialisé sur le darknet, accessible via le réseau anonyme I2P, ce qui change de TOR. Elle se présente comme un Ransomware-as-a-Service (RaaS), c’est-à-dire un modèle où même les individus sans connaissances en informatique peuvent participer à des campagnes de ransomware, en échange d’une commission sur les rançons extorquées. Avec des slogans marketing, une automatisation poussée, un support client pour les victimes et une promesse de revenus moyens mensuels à hauteur de 20 000 dollars (environ 18 500 euros), Pay2Key franchit une étape dangereuse vers la banalisation et l’industrialisation du piratage informatique. Un business qui regorgeait déjà, hélas, de trop nombreuses opportunités.
Quand le cybercrime adopte les codes du marketing
À première vue, l’interface de présentation de Pay2Key pourrait presque être confondue avec celle d’un logiciel de gestion ou d’un site de e-commerce. On y vante des « revenus garantis« , un » accompagnement personnalisé« , et même une « inscription gratuite sans investissement initial« . Ce ton volontairement accessible n’est pas anodin : il cible un public non spécialiste, en quête d’enrichissement rapide, qu’il soit opportuniste ou désespéré. Contrairement aux anciens réseaux de pirates fonctionnant en cercles fermés, Pay2Key casse les codes en rendant le cybercrime « accessible à tous« . Et c’est là que ça devient un vrai problème ! Le modèle RaaS n’est pas nouveau, mais jamais il n’avait atteint un tel niveau de sophistication, d’ouverture et de dédramatisation du crime informatique.
En substance, un utilisateur peut s’enregistrer anonymement, télécharger le ransomware, l’exécuter sur un ordinateur Windows contenant des données jugées sensibles, et espérer une rémunération dès que la rançon est payée par la victime. L’anonymat est garanti, le support est automatisé, et aucun savoir-faire technique n’est requis. Il suffit, littéralement, de suivre les instructions.
Une sophistication technique glaçante
Derrière cette façade simplifiée se cache un moteur de chiffrement redoutablement performant. Le ransomware exploite l’algorithme ChaCha20, combiné à un procédé propriétaire de chiffrement partiel aléatoire, rendant les fichiers inutilisables sans la clé de déchiffrement principale. Cette dernière ne réside jamais sur la machine infectée. Elle est générée via un système de cryptographie asymétrique, ce qui empêche tout espoir de récupération des fichiers sans paiement. À cela s’ajoute une série de fonctionnalités techniques : neutralisation des processus de sauvegarde, contournement des systèmes de sécurité, chiffrement des dossiers en réseau, auto-destruction du malware après exécution, et injection de clés multiples pour attaquer plusieurs machines avec une seule charge malveillante.
« Ce qui était réservé à une élite du crime numérique est désormais à portée de clics »
Le système propose même, pour chaque machine infectée, une interface automatique de communication avec la victime : un message personnalisé est laissé, incluant un identifiant de clé, un lien vers une plateforme d’assistance, et les modalités de paiement. L’ensemble fonctionne de manière entièrement automatisée, réduisant au minimum les interactions humaines du côté des cybercriminels. De quoi maximiser l’efficacité… et minimiser les risques d’erreurs ou d’arrestation.
Pay2Key ne se contente pas d’être un outil criminel. C’est une véritable startup du crime, avec son modèle économique, ses standards de qualité, son marketing, son service client et son tableau de bord pour les partenaires. Chaque affilié touche une part de la rançon obtenue, directement via un compte automatisé. Les versements sont effectués deux heures après réception des fonds, promet l’équipe à l’origine du projet. Les créateurs affirment que leurs affiliés perçoivent en moyenne 20 000 dollars par mois, un chiffre invérifiable mais parfaitement calibré pour séduire les recrues.
Cette structure repose sur un réseau d’anonymisation avancé, I2P, souvent comparé à TOR, mais considéré comme encore plus difficile à infiltrer. Pour rejoindre la plateforme, il faut installer ce système complexe.
La dérive industrielle du ransomware
L’existence d’un tel service montre une évolution majeure dans le monde du cybercrime : le passage d’une activité artisanale à une industrie structurée. Cette industrialisation du ransomware est un phénomène préoccupant pour les experts en cybersécurité, car elle permet une explosion du nombre d’attaquants potentiels. Le danger ne vient plus uniquement de groupes d’élite russes ou nord-coréens, mais d’individus isolés, sans expérience, qui se contentent de cliquer sur un bouton. Je vous montrais, il y a peu, des boutiques proposant, en plus de milliards d’identifiants de connexion, des outils clés en main pour produire des faux documents (CNI, factures, Etc.)
Ce phénomène complique considérablement la tâche des forces de l’ordre. Non seulement les sources des attaques sont multiples, mais le modèle RaaS introduit une déresponsabilisation des exécutants. Chaque cyberattaquant peut prétendre n’être qu’un maillon de la chaîne, sans contact direct avec les rançonneurs finaux. Cela rend l’attribution judiciaire d’autant plus difficile.
Mais au-delà de l’aspect technique, la véritable rupture introduite par Pay2Key est idéologique. Le service transforme une activité criminelle en opportunité économique. Il dédramatise l’acte de piratage, le rendant presque ludique, voire entrepreneurial. Il s’adresse à un public nouveau : non plus uniquement des techniciens du code, mais aussi des individus sans scrupules attirés par l’appât du gain. Ce changement de paradigme pourrait avoir des conséquences lourdes à long terme. Si ce modèle se répand, il est possible que l’on assiste à une normalisation de la cybercriminalité, comparable à celle observée dans certains secteurs du commerce illégal sur le dark web. Dans ce contexte, la lutte ne devra plus se limiter aux outils, mais aussi aux idées véhiculées par ces plateformes.
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