Flipper One, le grand frère tant attendu du Flipper Zero, sort peu à peu de l’ombre. Son créateur, Pavel Zhovner, vient de révéler de nouveaux détails techniques qui laissent entrevoir un outil de cybersécurité inédit, entre ordinateur de poche et plateforme de hacking modulaire.
Depuis l’annonce du projet Flipper Zero en 2020, la communauté de la cybersécurité attendait avec impatience l’émergence de Flipper One, présenté à l’époque comme une version beaucoup plus puissante. Si le Flipper Zero a rapidement conquis les hackers, bidouilleurs et pentesteurs par sa compacité et ses nombreuses fonctionnalités radios, le Flipper One promettait de franchir une nouvelle étape avec un véritable mini-ordinateur embarquant Kali Linux. Après des années de silence, Pavel Zhovner a relancé l’enthousiasme autour de ce projet avec une vidéo riche en informations diffusée sur Telegram. Plus qu’un simple outil, Flipper One pourrait bien redéfinir l’usage des cyberdecks portables, en alliant puissance, modularité et simplicité d’utilisation.
En 2023, Zhovner avait déjà prévenu dans une interview qu’il ne fallait pas enterrer Flipper One trop vite. Aujourd’hui, il confirme que le développement est en phase active, même si plusieurs éléments techniques restent à finaliser. L’objectif est clair : proposer un appareil à mi-chemin entre le Raspberry Pi et l’ordinateur de poche, avec une philosophie d’interface radicalement nouvelle. Il ne s’agit pas seulement d’empiler des composants performants, mais de concevoir une expérience utilisateur adaptée aux contraintes d’un écran réduit, tout en offrant une richesse fonctionnelle digne des outils de pentesting les plus avancés.
Flipper One
Le design physique de l’appareil semble désormais stabilisé. Il comportera un écran personnalisé de 256 x 144 pixels, pensé pour le multilinguisme et une ergonomie optimale. Zhovner insiste sur un point : cet écran est au cœur de l’expérience Flipper One. Ce n’est pas une interface graphique classique qui sera utilisée, mais un système d’affichage dédié, baptisé FLIPCTL. Inspiré de TMUX, il s’adaptera dynamiquement à différents types d’écrans, qu’ils soient connectés par USB ou intégrés dans l’appareil lui-même.
« C’est un mini-ordinateur sans NFC, RFID, SubGHz ni infrarouge« , explique Zhovner. « Toutes les radios seront ajoutées via des modules M.2.«
Flipper One reposera sur un double système de fonctionnement. Un microcontrôleur restera actif en permanence, même lorsque le processeur principal est éteint. Ce coprocesseur affichera des informations sur l’état de la batterie, permettra d’utiliser l’appareil comme testeur USB, ou encore d’accéder à un menu simplifié. Une fois le système principal démarré, l’utilisateur pourra choisir entre plusieurs OS, comme Linux ou Android TV, via un bootloader intégré.
Cette gestion multi-étapes de l’alimentation et des fonctions rappelle celle des cyberdecks militaires ou des équipements embarqués. Mais ici, elle est pensée pour le grand public, ou du moins pour une communauté large de développeurs, makers et hackers. Huit boutons physiques seront intégrés à l’appareil pour permettre un contrôle précis : stick directionnel, D-pad avec bouton OK, bouton Alt+Tab, bouton d’alimentation et quatre touches logicielles.
Zhovner insiste : Flipper One n’est pas simplement une évolution du Flipper Zero. C’est une nouvelle classe d’outil informatique, pensé pour ceux qui veulent un ordinateur de poche adaptable et programmable, sans les lourdeurs d’un système d’exploitation classique. L’interface FLIPCTL permettra de piloter le système à travers des wrappers Python légers, conçus pour exécuter des applications en ligne de commande comme Nmap, Traceroute ou htop. Ces wrappers seront partagés et enrichis par la communauté, dans un esprit proche du logiciel libre.
« Personne n’écrit de vraie interface pour les cyberdecks. On colle juste un OS sur un écran trop petit. Ce que je veux, c’est une interface pensée pour cet usage, simple, portable, adaptable.«
À travers FLIPCTL, Zhovner envisage une nouvelle norme d’interface graphique embarquée. Non seulement pour Flipper One, mais aussi pour d’autres appareils. Il imagine un futur où n’importe quel fabricant, de routeurs ou de serveurs, pourrait intégrer ce type d’interface sans avoir à développer sa propre solution graphique. L’écran FLIPCTL deviendrait ainsi un périphérique universel, affichant des informations système ou des outils réseau sur demande, via un simple wrapper.
Cette vision s’appuie sur la modularité du matériel. À la manière des ordinateurs modulaires, Flipper One pourra accueillir différentes cartes d’extension via son port M.2 : radios, interfaces réseau, capteurs, etc. Ce choix permet de contourner un des principaux obstacles du projet : l’obsolescence des puces Wi-Fi utilisées pour les attaques. Faute de solutions satisfaisantes sur le marché, l’équipe envisage même de développer ses propres pilotes. Une démarche audacieuse, mais cohérente avec la philosophie open hardware de Flipper Devices.
Reste une inconnue majeure : le prix. Avec un coût estimé entre 300 et 500 dollars (environ 280 à 460 euros), Flipper One pourrait se heurter à un marché de niche. Zhovner en est conscient. Il s’interroge ouvertement sur la viabilité commerciale d’un tel appareil, bien plus coûteux que le Flipper Zero, vendu autour de 170 euros. Mais pour lui, l’enjeu est avant tout de prouver qu’une autre approche du matériel de cybersécurité est possible, plus ouverte, plus modulaire, et plus accessible aux développeurs.
Le défi principal, aujourd’hui, semble être logiciel. L’interface FLIPCTL, si elle réussit, pourrait devenir un nouveau standard pour les petits écrans embarqués. Elle comblerait un vide technologique que les grands acteurs ignorent souvent : l’interface graphique minimaliste, adaptée à des usages spécifiques, mais capable d’interactions complexes. Le pari est osé, mais il s’inscrit dans une tendance de fond. De plus en plus de développeurs veulent reprendre le contrôle de leur matériel, dans un monde dominé par des plateformes propriétaires fermées.
Le projet Flipper One, par son ambition technique et sa vision de l’interface utilisateur, pourrait bien représenter une nouvelle voie pour l’informatique embarquée. En proposant un outil polyvalent, totalement programmable, et doté d’une interface pensée dès le départ pour l’ergonomie, Zhovner et son équipe espèrent séduire un public exigeant : celui des hackers, chercheurs en sécurité, bricoleurs et curieux de technologie.
La suite du projet dépendra largement de la réaction de la communauté. Si les développeurs s’approprient FLIPCTL et commencent à créer des wrappers, l’écosystème pourrait rapidement s’étendre. À l’inverse, si l’interface reste trop complexe à utiliser ou à modifier, elle risque de rester confidentielle. Dans tous les cas, Flipper One suscite déjà un vif intérêt, preuve que l’envie d’un ordinateur de poche hackable, modulaire et puissant n’a jamais disparu.
Alors que les tests matériels s’intensifient, et que le prototype prend forme, une question demeure : Flipper One parviendra-t-il à s’imposer comme le standard du cyberdeck portable, ou restera-t-il un rêve ambitieux pour une poignée de passionnés ?
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