Le fondateur de l’application de shopping nate est accusé d’avoir monté une fraude en prétendant utiliser l’intelligence artificielle, alors que les commandes étaient traitées à la main, aux Philippines.
Adam Saniger, fondateur de la start-up nate, fait désormais face à des accusations graves de fraude, pour avoir vendu à ses investisseurs une promesse d’innovation fondée sur l’intelligence artificielle… qui n’aurait jamais existé. Derrière les promesses de performance algorithmique, se cachaient des centaines de travailleurs manuels, employés dans des centres d’appel à l’autre bout du monde. Une supercherie qui soulève des questions sur l’opacité de certaines technologies, et sur la fascination actuelle pour l’IA dans le monde de la finance et de l’innovation.
Fondée en 2018 à New York, nate avait tout pour séduire. Présentée comme une application révolutionnaire de commerce en ligne, la start-up proposait à ses utilisateurs de simplifier leurs achats : une simple pression sur un bouton, et le produit désiré était acheté automatiquement sur le site marchand correspondant. Plus besoin de saisir ses coordonnées ou de passer par des étapes fastidieuses. L’application promettait une fluidité absolue, rendue possible grâce à une intelligence artificielle maison capable de gérer tout le processus d’achat. Une prouesse technologique qui a séduit de nombreux investisseurs, convaincus par la perspective d’un outil à la croisée du e-commerce et de l’IA.
Mais la réalité, révélée aujourd’hui par la justice américaine, est tout autre. Selon l’acte d’accusation du département de la Justice, ce ne sont pas des algorithmes, mais des êtres humains qui réalisaient les achats pour les utilisateurs. Plus précisément, des centaines de contractuels situés dans un centre d’appel aux Philippines, épaulés par une seconde équipe basée en Roumanie. Leur mission : exécuter manuellement chaque commande passée sur nate, en reproduisant pas à pas le processus d’achat sur les sites web. Une fraude savamment orchestrée, et selon les procureurs, méthodiquement dissimulée.
“L’automatisation réelle était quasiment nulle”, affirme le Département de la Justice, qui accuse Saniger d’avoir induit ses investisseurs en erreur en vantant une technologie inexistante.
L’entreprise avait pourtant bien acquis des licences d’outils d’intelligence artificielle auprès de fournisseurs externes, et recruté des data scientists pour travailler sur son propre système. Mais malgré ces efforts, l’automatisation n’a jamais fonctionné comme prévu. Le taux réel de commandes gérées automatiquement était, selon les autorités, proche de zéro. Une vérité que Saniger aurait pris soin de cacher, allant jusqu’à interdire à ses équipes de révéler la nature manuelle du fonctionnement de l’application.
Dans le but d’entretenir l’illusion auprès des investisseurs, des mesures strictes auraient été imposées : les employés manuels devaient supprimer toute mention de nate sur leurs profils LinkedIn et réseaux sociaux. De plus, pour ne pas éveiller de soupçons, les équipes aux Philippines avaient pour consigne de traiter en priorité les commandes émanant d’investisseurs ou de potentiels partenaires financiers. Un stratagème habile, qui permettait de garantir à ces derniers une expérience utilisateur rapide et fluide, conforme à la promesse de départ.
Résultat : plus de 40 millions de dollars (environ 37,3 millions d’euros) auraient été levés sur la base de ces informations trompeuses. Une somme considérable, investie par des fonds séduits par l’image d’un produit novateur, à la pointe de la technologie.
“Ce type de tromperie ne nuit pas seulement aux investisseurs, il sape la confiance dans les vraies innovations et ralentit les avancées technologiques”, a déclaré le procureur Matthew Podolsky.
La justice américaine ne prend pas cette affaire à la légère. Adam Saniger est aujourd’hui inculpé de deux chefs d’accusation : fraude boursière et fraude électronique. Chacun de ces délits est passible d’une peine maximale de 20 ans de prison. Il risque donc jusqu’à 40 ans derrière les barreaux, s’il est reconnu coupable. Un verdict qui pourrait faire date, à l’heure où de nombreuses start-up misent sur l’attrait de l’IA pour lever des fonds et s’assurer une visibilité médiatique.
L’affaire nate soulève ainsi des questions de fond sur la manière dont sont financées les entreprises technologiques. Dans un contexte où l’intelligence artificielle est souvent perçue comme la nouvelle ruée vers l’or, la tentation est grande de promettre plus que ce que la technologie ne peut réellement offrir. Pour certains entrepreneurs, le vernis de l’IA devient un argument marketing plus qu’un véritable socle technologique. Or, ce glissement n’est pas sans conséquence. Il compromet la transparence, nuit à l’écosystème des start-up et détourne des ressources qui pourraient être allouées à des projets réellement innovants.
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