Pékin offre des récompenses pour retrouver trois agents présumés de la NSA, accusés de cyberattaques contre les Jeux asiatiques d’hiver à Harbin.
Les tensions entre la Chine et les États-Unis prennent une nouvelle tournure. Depuis plusieurs jours, TikTok est envahi par une vague de vidéos venues de Chine, mettant en scène des commerçants et prétendus partenaires de grandes marques de luxe, de produits ménagers ou d’ameublement, qui appellent ouvertement les consommateurs à contourner les circuits traditionnels et à s’adresser directement aux fournisseurs chinois pour éviter de « payer le prix fort« .
Une tension, comme l’explique Le Parisien, qui a pris une autre tournure, mardi. La police de Harbin, dans le nord-est de la Chine, a publié un avis de recherche contre trois ressortissants américains, présentés comme des agents secrets de la NSA (National Security Agency). Selon Pékin, ces individus seraient à l’origine de cyberattaques massives contre les Jeux asiatiques d’hiver, tenus en février 2025. En pleine guerre technologique et à l’heure d’un affrontement géopolitique toujours plus frontal entre Washington et Pékin, cette annonce marque une nouvelle escalade dans la bataille pour le contrôle de l’information.
Alors que les soupçons d’espionnage entre grandes puissances sont devenus monnaie courante, c’est la première fois que la Chine publie les noms d’agents américains présumés tout en promettant des récompenses pour leur capture. Les personnes visées, identifiées comme Katheryn A. Wilson, Robert J. Snelling et Stephen W. Johnson, sont accusées d’avoir orchestré des attaques informatiques sophistiquées visant les systèmes névralgiques des Jeux asiatiques d’hiver. Ces cyberattaques auraient compromis les plateformes d’enregistrement des athlètes, les systèmes logistiques ainsi que les bases de données contenant des informations personnelles sensibles.
D’après l’agence officielle Chine nouvelle, les enquêtes menées après l’événement ont révélé plus de 270 000 tentatives d’intrusion numérique en provenance de l’étranger. La NSA, l’un des piliers du renseignement américain, est directement accusée d’avoir ciblé les systèmes les plus critiques de l’organisation sportive. Un objectif clair est évoqué : collecter des données personnelles, voire biométriques, sur les participants, mais aussi perturber la logistique de l’événement. A noter qu’un rendez-vous public tel que les Jeux d’hiver attirent toute la grande famille des pirates du monde.
« L’objectif était de voler les informations privées des athlètes », affirme Pékin, en brandissant une nouvelle fois l’image d’une Amérique prédatrice, agissant sous couvert de sécurité nationale.
Les soupçons d’ingérence numérique ne s’arrêtent pas à l’univers du sport. Dans le même communiqué, la police de Harbin mentionne également que des entreprises chinoises, dont le groupe Huawei, auraient été prises pour cibles par les agents américains. Le géant des télécommunications est depuis 2019 l’objet de sanctions économiques et d’un boycott orchestré par Washington, officiellement pour des raisons de sécurité. Ces sanctions, très contestées par Pékin, sont souvent interprétées comme une tentative déguisée de freiner la montée en puissance technologique de la Chine.
Le choix de Harbin pour cette annonce n’est pas anodin. Ville hôte des Jeux asiatiques d’hiver 2025, elle est devenue symbole du développement du sport de haut niveau en Chine, mais aussi vitrine technologique pour les systèmes de gestion d’événements connectés, sécurisés et numérisés. C’est donc un coup porté à la fois à l’image de modernité que souhaite projeter Pékin et à sa souveraineté numérique.
« Plus de 270 000 cyberattaques étrangères ont visé les systèmes des Jeux d’hiver de Harbin », selon les autorités chinoises.
Ce nouvel épisode s’inscrit dans un climat déjà tendu entre les deux superpuissances. Bien qu’aucun lien officiel n’ait été établi entre cette affaire et la guerre douanière relancée par Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche, la chronologie soulève des interrogations. Depuis le début de l’année, la pression économique, les sanctions croisées, les accusations d’espionnage industriel et les incidents diplomatiques se sont multipliés. Le cyberespace, devenu le nouveau terrain de confrontation entre nations, fait désormais partie intégrante de la stratégie d’influence globale.
Les États-Unis, de leur côté, n’ont pas encore réagi publiquement à ces accusations. La NSA, traditionnellement très discrète, ne commente jamais les allégations concernant ses opérations. Cette attitude alimente un peu plus la suspicion dans les médias chinois, qui relaient largement l’information, en insistant sur les dangers de l’ingérence étrangère.
Pékin n’en est pas à sa première dénonciation publique d’espionnage occidental. En mars dernier, un ancien ingénieur chinois a été condamné à mort pour avoir transmis des données classifiées à une agence étrangère. Un signal fort, destiné à dissuader toute collaboration avec des puissances adverses. En Chine, les peines pour espionnage sont parmi les plus sévères au monde, pouvant aller jusqu’à la prison à vie, voire l’exécution.
Dans ce contexte, la promesse de « primes » à toute personne fournissant des informations sur les agents de la NSA peut être lue comme un appel à la vigilance nationaliste. Elle renforce aussi l’arsenal sécuritaire déployé par le gouvernement chinois, qui ne cesse de multiplier les mesures de cybersécurité à l’approche de grandes échéances politiques et diplomatiques. Les américains font exactement pareil avec le WANTED du FBI ou encore cette annonce de la CIA, sur Telegram, en 2023, proposant aux fonctionnaires Russes de travailler comme agent double.
Mais au-delà de la rhétorique et des représailles symboliques, cette affaire pose une question fondamentale : jusqu’où les grandes puissances sont-elles prêtes à aller pour dominer le cyberespace ? À l’ère des données massives et des réseaux interconnectés, les frontières numériques sont aussi poreuses que stratégiques. Les infrastructures sportives, les entreprises technologiques, voire les citoyens lambda peuvent désormais devenir des cibles dans un jeu d’ombres mondialisé.
Ce bras de fer numérique ne devrait pas s’arrêter là. Il s’inscrit dans un affrontement plus large sur la souveraineté technologique, la course à l’intelligence artificielle, la domination des réseaux 5G et l’accès à des informations stratégiques de premier ordre.
Dans cette guerre froide 2.0, où les lignes de front ne sont plus visibles, mais omniprésentes dans les serveurs, les satellites et les bases de données, chaque incident devient un révélateur d’une tension structurelle entre deux modèles de société, deux visions du monde, et deux hégémonies qui ne veulent rien céder.
Alors que la Chine affirme vouloir défendre sa sécurité nationale et préserver son autonomie numérique, les États-Unis persistent à voir dans certaines avancées technologiques chinoises une menace directe. Entre rétorsions juridiques, blocages commerciaux et cyberattaques supposées, les échanges sont devenus une lutte d’influence à haut risque.
Reste à savoir si la cybersécurité internationale pourra un jour s’appuyer sur des règles communes ou si elle restera un champ de bataille invisible où tous les coups sont permis.
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